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La Izquierda Diario
18 de avril de 2020 Twitter Faceboock

#PasDeRepriseSansTestsEtMasques
Derrière la réouverture des écoles, Macron veut imposer la reprise à marche forcée de l’économie
Mahdi Adi

Le 11 mai, ce ne sera pas seulement la réouverture des écoles. Reprise d’activité dans les entreprises, les magasins, les commerces et services jusqu’aux salons de coiffure sont au programme. Alors que l’épidémie a fait plus de 18600 morts et qu’il y a encore 6000 patients en réanimation, le gouvernement veut remettre l’économie en route, sans garanties sanitaires, sans dépistages massifs, ni masques réellement efficaces.

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La crise sanitaire n’en a pas fini de faire éclater au grand jour les contradictions du capitalisme. Cette semaine, le ministre de l’Economie Bruno Lemaire a encore revu la récession à la hausse, désormais estimée à 8% du PIB en 2020. A titre de comparaison, après la crise financière de 2008, l’économie française avait déjà connu un recul de 2,9%, ce qui équivalait déjà à la pire récession depuis la Seconde Guerre Mondiale. Les conséquences de l’arrêt brutal de la production consécutive aux mesures prises pour enrayer la propagation du coronavirus sont donc sans précédent, l’INSEE estimant la récession à au moins 3% par mois de plus par mois de confinement et à 36% la perte d’activité depuis le début de la crise sanitaire en France. S’ensuit donc la fameuse question : qui va payer la crise ?

Le patronat prêt à « relancer la machine économique sans attendre »

Le grand patronat, tant par la voix MEDEF que par celle des éditorialistes des grands médias, réclame à cor et à cri le déconfinement à marche forcée pour « relancer la machine économique sans attendre », quitte à « accepter les morts qui vont avec ». Interrogé sur « qui devra payer la note » dans Le Figaro la semaine dernière, Geoffroy Roux de Bézieux, le président de l’organisation patronale, a expliqué vouloir poser la question « du temps de travail, des jours fériés et des congés payés » et demander aux salariés de « travailler un peu plus ».

En pleine crise sanitaire, ces propos ont provoqué un tollé, poussant le dirigeant du MEDEF à se revenir sur ses déclarations. Mais toujours est-il que le projet est ainsi clairement exposé : faire payer la crise aux « petites mains invisibles » qui font tourner la société, à l’instar des soignantes ou des caissières, et à l’ensemble des travailleurs en rognant sur les acquis sociaux déjà mis à mal par plusieurs décennies de politiques néolibérales.

Le gouvernement veut « permettre au plus grand nombre de retourner travailler »

De son côté, le gouvernement ne s’est pas fait prier pour augmenter le temps de travail, remettre en cause les congés payés, et imposer la reprise du travail en pleine épidémie, en légiférant par ordonnances dès la promulgation de la loi d’urgence sanitaire. Tandis qu’en matière de déconfinement, si l’allocution présidentielle s’est fardée de politiquement correct en justifiant la réouverture des écoles par la lutte contre les « inégalités » scolaires en période de confinement, les personnels enseignants sont clairs : ils ne veulent pas servir de « garderie pour le MEDEF » pendant que les parents retourneront travailler, au risque de s’exposer au Covid-19 dans des classes toujours surchargées.

En effet, à ce stade des connaissances scientifiques, il n’est pas possible de statuer non seulement de l’absence de risque mais aussi de l’importance de celui-ci. C’est ce que synthétise Libération : « mi-avril, les données restent insuffisantes pour estimer la part jouée par les personnes asymptomatiques dans la propagation de l’épidémie, et encore moins celle des enfants asymptomatiques – ou ceux dont les symptômes sont trop ténus pour conduire au diagnostic du covid-19. »

De nombreuses personnalités du corps médical ont alerté des risques. Le médecin Philippe Klein qui a exercé à Wuhan, la région d’où à commencer l’épidémie en Chine, interrogé sur Europe 1 affirme tout net que « dans le cadre d’un déconfinement, la dernière chose que l’on fera c’est de rouvrir les écoles ». De même, le président de l’Ordre des Médecins dénonce « un manque absolu de logique » au sujet de la décision prise par le gouvernement de rouvrir les écoles le 11 mai qu’il explique notamment comme répondant d’avantage à la « pression importante à la reprise économique » que par des arguments scientifiques.

D’ailleurs les promesses formulées par Emmanuel Macron lundi dernier pour « permettre au plus grand nombre de retourner travailler » peinent à convaincre tant la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement a été catastrophique, enchaînant mensonge sur mensonge, d’abord sur les stocks de masques, ensuite sur leur utilité. D’une part « tester toute personne présentant des symptômes » est loin d’être satisfaisant étant donné qu’une grande partie des personnes infectées sont asymptomatique, en particulier les enfants qui devraient précisément reprendre le chemin de l’école le 11 mai selon les plans du gouvernement. Ensuite les masques « grand public » au sujet desquels le chef de l’Etat a assuré qu’ils seront disponibles pour tous à cette date, récupérable en mairie, n’ont pas l’efficacité des masques FFP2 seul à même de protéger le porteur du masque du virus.
Derrière la réouverture des écoles le 11 mais, ce ne sont pas des considérations sanitaires qui guident le gouvernement mais bien la volonté d’ouvrir à la reprise de l’activité à marche forcée.

Les travailleurs au front : tests massifs, masques pour tous, imposons des garanties sanitaires avant toute mesure de déconfinement

Le patronat n’a pas attendu le déconfinement pour imposer le maintien de l’activité dans les entreprises non essentielles à la lutte contre l’épidémie, ou la réouverture de celles qui avaient temporairement fermé. A PSA Vesoul, l’usine continue de fonctionner alors que la semaine dernière pas moins de 128 cas de Covid-19 avaient été détectés. Toujours dans l’automobile, à Onnaing la direction de Toyota compte redémarrer la production dès le 21 avril. Dans le BTP, un guide de reprise des activités élaborés de concert par les organisations patronales et le gouvernement a été publié dès le 2 avril. De son côté Amazon a été obligé d’arrêter ses activité non essentielles suite à une procédure judiciaire initiée par des syndicalistes, non sans avoir imposé de continuer le travail pendant toute la période de confinement, au profit du grand patron Jeff Bezos qui a gagné pas moins de 24 milliards de dollars pendant la crise.

Mais confronté à une crise économique historique, gouvernement et patronat comptent donc bien précipiter un déconfinement avec l’objectif de relancer la pompe à profits de plus belle. Edouard Philippe enjoignant à ses ministres de rendre leurs propositions pour préparer le déconfinement d’ici mercredi prochain, le gouvernement est sur le pied de guerre pour organiser la reprise de l’activité dans les entreprises dès le 11 mai. En particulier dans les magasins, les commerces et les services, jusqu’aux salons de coiffure comme l’a annoncé Bruno Lemaire ce jeudi sur BFM TV, avec l’argument ubuesque selon lequel les coupes maison « c’est pas génial ». En réalité c’est le coût des mesures de chômage partiel, de report de charge et suspension des loyers pour les entreprises que le gouvernement veut ainsi amortir, en même temps que les pertes sèches dans les carnets de commande des entreprises comme en témoigne la proposition du ministre de l’Economie de nationaliser AirFrance pour renflouer les actionnaires. Le tout au détriment de la santé de la population, puisque les lieux de travail ainsi que les transports en commun sont les principaux foyers épidémiques comme le montre l’exemple de la région industrielle de Lombardie, la plus touchée par le Covid-19 en Italie, ou du métro new-yorkais où plus de 41 salariés sont morts depuis le début de l’épidémie.

Face à cette situation dramatique pour les travailleurs, les directions syndicales sont prises entre le marteau et l’enclume. Sous pression du patronat et du gouvernement, à l’instar de l’éditorialiste Eric Le Boucher qui met en cause dans Les Echos « la responsabilité historique des syndicats » pour « favoriser une reprise rapide du travail », la direction de la CFDT et celle de Force Ouvrière ont déjà signé pour la reprise du travail dans la métallurgie, tandis que le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, après avoir signé une déclaration commune avec le MEDEF, multiplie les mains tendues au gouvernement, à l’image de la lettre adressée à Emmanuel Macron le 7 avril dernier, l’appelant à « veiller à ce que tout salarié puisse exercer son droit de retrait en l’absence de protection ou face à un danger grave et imminent. » Un appel aux « responsabilités » du gouvernement qui cadre mal avec la réalité d’une gestion de crise ouvertement pro-patronale. De l’autre côté, le dernier communiqué confédéral « Pas de protection pas de travail » publié le 15 avril répond à la contre-pression qui s’exerce à la base de la CGT dans les entreprises, consécutive de l’absence de garanties sanitaires suffisantes pour la reprise du travail, après la série de droits de retrait organisés par les équipes syndicales de terrain dès le début du confinement notamment dans l’industrie.

Cependant ces éléments de discours plus contestataires restent déliés d’un véritable plan de bataille, et restent subordonnés à la politique de la main tendue vers le gouvernement pour « faire avec les organisations syndicales, un bilan sur les changements radicaux de politique à opérer dans de nombreux domaines économiques et sociaux » tel que le demande le dirigeant confédéral dans la lettre du 7 avril. En témoigne l’absence de moyens mis pour coordonner nationalement les initiatives locales ppour organiser les droits de retraits, ou encore populariser et étendre les préavis de grève et en particulier l’appel à la grève dans la distribution le 8 avril de la CGT Commerce.

La réalité est que face au patronat et au gouvernement bien déterminés à faire payer la crise économique et sanitaire aux salariés, comme en témoignent la volonté de déconfiner sans garantie sanitaires le pays dès le 11 mai et les attaques antisociales contre le monde du travail, il faut rompre avec l’illusion du dialogue social et arracher par la lutte des garanties sanitaires préalables à toute mesure de déconfinement, pour imposer la fermeture des usines non essentielles, des dépistages massifs et des masques efficace pour tous, l’interdiction des licenciements et la nationalisation sous contrôle ouvrier des entreprises en faillite et la reconversion de la production pour participer à produire du matériel médical et pallier à la pénurie dans les hôpitaux.

Crédits photo : AFP/Jean-Christophe Verhaegen

 
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