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La Izquierda Diario
23 de avril de 2020 Twitter Faceboock

Après les annonces de Macron et du ministre, quelles perspectives pour la culture ?
Albert Core

La semaine dernière a vu un certain nombre d’annonces de la part du gouvernement pour le secteur de la culture. De l’allocution de Macron aux décrets sur l’assurance chômage, ces annonces n’ont pas manqué de faire réagir par leur manque de prise en compte des réalités du secteur, et posent la question des revendications et du plan de bataille à défendre.

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Crédit photo : Telerama

Des annonces en décalage complet avec la réalité du secteur

Après l’allocution du président du 13 Avril, annonçant la fermeture des festivals jusqu’à au moins mi-juillet, le ministre de la culture Franck Riester est allé servir plusieurs interviews afin de rassurer les travailleurs de la culture. Pourtant, en face du panel de mots doux du ministre, type « notre obsession c’est que personne ne soit laissé sur le bord de la route », le décret de l’assurance chômage paru ce vendredi fait office de douche froide. En effet, la principale mesure du décret consiste à décaler de la durée du confinement les dates anniversaire (date limite de renouvellement des droits des intermittents) devant tomber durant celui-ci, et. Une mesure particulièrement inefficace face aux réalités du secteur culturel, et à l’ensemble des métiers, statuts, contrats qu’il regroupe.

Pour rappel, les intermittents doivent déclarer 507 heures de travail en 12 mois pour renouveler leurs droits au régime spécial de l’intermittence. Ce décret prolongerait donc de deux mois cette durée pour les intermittents dont la date limite tomberait entre le 16 mars et le 11 mai. Or, les annulations de festivals et interdictions de rassemblement empêchent les travailleurs de la culture de travailler jusqu’à mi-juillet minimum, dans un secteur où l’été, en raison des festivals, est d’une importance cruciale pour faire ses heures. Pire encore, les spécificités du secteur de la culture font que la production ne peut pas simplement reprendre là où elle s’est arrêtée. En effet, les tournages démarrés au printemps ne peuvent être continués en automne ; les programmations des salles de spectacle, prévues longtemps à l’avance, et souvent d’ailleurs en fonction de ce qui est présenté en festival, ne pourront reprendre leur programmation sans sacrifier de nombreuses compagnies ; les musées également engagent nombres de saisonniers durant les périodes estivales qui se retrouveront alors au chômage, etc. Le tout sans compter les travailleurs en freelance, comme les auto-entrepreneurs, n’ayant pas accès au chômage, de même que le nombre important de travailleurs non déclarés dans ce secteur.

En guise de complément, le ministre de la culture promet d’inciter les employeurs à « maintenir les contrats d’intermittence » et leurs rémunérations, et annonce que certains « petits festivals » pourraient être maintenus. Des annonces encore une fois très en décalage avec les réalités du secteur. En effet, le maintien des contrats d’intermittence ne peut concerner que les contrats déjà signés, alors que nombres de contrats dans la culture ne sont signés qu’au moment de la prise de fonction, et que la plupart concernent des durées de travail inférieures à quelques mois, voire quelques semaines ou jours, sans parler du nombre de travailleurs du milieu n’arrivant pas à cumuler les heures déclarées nécessaires et n’étant donc pas en intermittence. La promesse de maintien des petits festivals tient, quant à elle, de l’absurde. Imaginez donc organiser un festival de musique, théâtre ou autre, en cherchant à faire respecter les distances de sécurité, en assurant que chacun change de masque toutes les 4 heures ou à chaque consommation…

Un plan de relance pour retisser l’unité nationale

Au-delà des mesures immédiate, Franck Riester promet un plan de relance pour sauver la culture face à la crise et, comme le disait Macron dans son allocution « retrouver les jours heureux ». Une promesse de plus, particulièrement floue, et de la part d’un gouvernement qui a mené, comme les précédents, une politique de fragilisation de l’économie du secteur de la culture et du délabrement des services publics. Sous Macron, c’est le musée du Louvre qui doit fermer plusieurs ailes par manque de moyens ; c’est la valorisation de l’auto-entrepreneur, encourageant le recours aux freelances dans le secteur ; c’est toujours plus de coupes budgétaires pour la culture et une dynamique de privatisation des entreprises culturelles ; et enfin, ce sont les attaques contre les travailleurs, de la culture y compris, avec comme derniers exemples la réforme des retraites et celle de l’assurance chômage. Une promesse qui sonne également particulièrement faux quand elle vient d’un gouvernement qui presse à la reprise du travail, préférant sacrifier des vies pour maintenir les profits.

Ce New Deal à la Macron est en fait, vis-à-vis du secteur de la culture, avant tout un moyen de chercher à retisser l’unité nationale bien amochée suite à sa gestion catastrophique de la crise sanitaire, en comptant sur les travailleurs de la culture pour en être les petites mains. En effet, le gouvernement, qui naviguait déjà en terrain miné avant la crise du COVID19, observe avec crainte la grogne monter dans tout le secteur face à sa politique de sacrifice des travailleurs, et cherche à imputer aux travailleurs de la culture le rôle de réparer la fracture entre « la France d’en haut et la France d’en bas ». C’est ce que signifie la formule du ministre de la culture pour Le Monde : « la culture aura un rôle majeur à jouer pour nous permettre de retrouver des jours meilleurs », et c’est aussi ce que faisait déjà une partie du secteur de la culture, en prenant en charge des tâches que les services publics trop fragilisés n’arrivaient plus à assurer. Pourtant, qu’a fait ce gouvernement pour les travailleurs de la culture pour qu’ils aient intérêt à se mettre au service des « jours meilleurs » de la réforme des retraites, de l’assurance chômage, et de toute les attaques de Macron contre le monde du travail ?

Face à Macron, quel plan de bataille ?

En réponse à ces annonces, le syndicat FNSAC-CGT (Fédération Nationale des Syndicats du spectacle, du cinéma et de l’action culturelle), a publié un communiqué critiquant les mesures prises par le gouvernement. Le communiqué revendique la prolongation automatique de tous les droits sociaux pendant une durée d’un an renouvelable, ainsi qu’un plan de relance et une politique publique « à la hauteur de la diversité culturelle et de l’emploi », et rejoint la pétition lancée par plusieurs organisations, dont la fédération nationale CGT, proposant plusieurs revendications pour faire face à la situation. Des revendications justes, mais qui peuvent paraître incomplète pour faire face à la crise. En effet, qu’en est-il des travailleurs de la culture n’ayant pas droit à l’intermittence, soit par manque d’heure, soit parce que leur travail ne correspond pas aux critères de l’intermittence ? En ce sens, il est nécessaire de compléter ces mesures par le respect des promesses d’embauches par les employeurs, avec le maintien des salaires, de même que d’exiger la mise en place d’un complément de revenu pour toute personne vivant avec moins d’un SMIC, afin de ne laisser personne vivre en dessous de ce seuil.

En outre, par-delà les revendications d’urgence, la question essentielle que ne posent pas les directions syndicales, c’est celle de qui doit payer la crise. En effet, un simple plan de relance de l’économie financé par l’Etat, reviendrait à faire payer les conséquences de la crise à l’ensemble des travailleurs. Pourtant, cette crise, de même que la situation particulièrement branlante de l’économie de la culture, est la responsabilité des capitalistes en premier lieu, qui possèdent la plupart des groupes privés finançant la culture, et dont les grandes boîtes ont été les premières à sacrifier les travailleurs face à la crise, à l’image de Disney ou du Cirque du Soleil, et de tous les gouvernements, qui n’ont jamais hésité à favoriser les patrons.

Face à la situation, les travailleurs de la culture ont besoin d’un plan d’urgence plus global. S’il faut imposer, comme mesure d’urgence, aux côtés des autres travailleurs, notamment de secteurs qui dépendent en partie de la culture, comme le tourisme, le maintien des contrats ou des salaires partout où cela est possible, cela devra tout d’abord passer par la transparence des comptes pour toutes les structures affectées par la crise. Ce n’est pas aux travailleurs de payer la crise et, à la lumière de ces comptes rendus publics, les promesses d’embauches doivent être honorées pour tous les contrats, y compris les vacataires, les intermittents et les freelance, avec le versement complet du salaire payé par l’employeur. Une aide financière à hauteur minimale du SMIC doit également être mise en place pour tous, y compris pour les salariés des structures en faillites ne pouvant pas assurer le versement du salaire, mais aussi en complément du salaire pour ceux qui n’atteignent pas ce seuil. Les intermittents doivent également voir leurs droits renouvelés automatiquement et sans conditions d’heure pour l’année à venir minimum, de même que tous les droits sociaux. Tous ces droits devront être financés par un impôt fortement progressif sur les grandes fortunes.

Plus encore, pour que l’après ne soit réellement, ni comme l’avant, ni pire encore, nous ne pouvons laisser l’art et la culture aux capitaliste. Nous devons nous battre pour mettre en place un plan de relance de la culture financé par les grands capitalistes, et géré par l’ensemble des travailleurs de la culture, en toute indépendance de l’Etat qui a prouvé qu’il ne savait que la détruire. En s’organisant pour obtenir, et gérer nous même, l’économie de la culture, nous pourrons alors réfléchir à comment organiser le travail artistique et sa rémunération de manière juste, et représentative du travail fourni. Ce que l’intermittence, régime le plus avantageux pour beaucoup de travailleurs de la culture aujourd’hui, ne permet pourtant pas.

Enfin, nous devons surtout refuser d’être les petites mains de l’unité nationale de Macron, qui ne saurait être qu’une unité autour des profits capitalistes, et travailler à mettre la culture au service de l’ensemble des opprimés et des exploités.

 
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