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La Izquierda Diario
26 de avril de 2020 Twitter Faceboock

Scandale Air France : 7 milliards de prêts pour un plan de « départs volontaires » !
Claude Manor

« Scandale », un mot trop faible pour caractériser le cynisme de ces grands groupes qui font des travailleurs de la chair à profit. « Scandale », un mot trop faible aussi pour nommer les actes d’un gouvernement qui signe un chèque en blanc de 7 milliards, sans prise de contrôle, ni contrepartie en termes d’emplois.

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Crédits photo (DENIS CHARLET / AFP)

7 milliards d’euros pour « un cap difficile »

Crise du Covid-19 oblige : les Etats français et Néerlandais ont promis d’attribuer des aides massives à Air France-KLM. Pour ce qui concerne Air-France, l’Etat français s’engage à des prêts pour une valeur de 7 milliards d’euros, soit 4 milliards d’euros de prêts bancaires garantis à 90% par l’Etat et 3 milliards de prêts directs de l’Etat : une utilisation faramineuse des fonds publics que Benjamin Smith, PDG d’Air France-KLM, a cyniquement accueilli comme « une marque exceptionnelle de confiance dans notre avenir ».

Il a d’ailleurs pris bien soin de signaler à ses « créditeurs » qu’il ne faudra pas s’imaginer qu’avec 7 milliards, on peut croire au père Noël. Ce premier chèque sera tout juste bon, selon lui, à permettre de « passer la période la plus difficile » tout en annonçant qu’il n’envisage pas de reprise d’activité normale avant deux ans.
Une somme au bénéfice d’un « grand » du transport aérien » dont le montant exorbitant ne peut que choquer quand on regarde les sommes comparativement dérisoires péniblement allouées aux TPE, petits commerçants et artisans, dont un pourcentage élevé sont voués à la faillite et que les banques laissent royalement choir ; une somme indécente quand on songe à la pénurie qui s’installe dans les quartiers les plus pauvres, aux familles qui connaissent la faim, au constat dramatique que font chaque jour les structures d’aide sociale.

Un véritable chèque en blanc que l’Etat et les banques, qui se font tirer l’oreille pour soutenir les plus faibles, ont signé rubis sur l’ongle, en prenant sur les deniers publics au bénéfice de ce « grand » du transport aérien qui met en avant une chute conjoncturelle de son chiffre d’affaires pour se faire copieusement renflouer.

7 milliards d’euros pour pousser les salariés dehors

Le minimum qu’on aurait pu attendre, en contrepartie de telles largesses, aurait été une prise de contrôle plus importante de l’Etat en termes d’avenir de l’entreprise et de garanties sur les emplois. Mais non. De l’aveu même de Benjamin Smith : « sur le plan de l’emploi, le gouvernement français n’a pas fait de demande spécifique ». Sous prétexte du « cap difficile » à passer et en perspective de la bagarre concurrentielle à venir, l’annonce du PDG d’Air-France –KLM est claire ; son objectif c’est de « faire de cette crise l’occasion de faire les réformes structurelles que certains de nos concurrents ont déjà réalisées ». Il l’assure, « le plan de transformation lancé en novembre dernier ne change pas ». Il s’agit, notamment grâce à cette aide de l’Etat, « d’accélérer sa mise en œuvre dans deux domaines : la rationalisation du réseau domestique et la restructuration des fonctions support non opérationnelles ». On imagine aisément les conséquences pour les salariés d’Air France.

Très loin de l’argument, largement relayé par les médias, selon lequel « sauver » Air France, ce serait « sauver l’emploi » de plusieurs dizaines de milliers de salariés, et en dépit du vœu formel de l’Etat que le prêt apporte un soutien à ces mêmes salariés, c’est au contraire tout l’inverse qui s’annonce et que l’Etat complice finance. D’ores et déjà, la direction d’Air France a présenté aux représentants du personnel son projet. Le communiqué de la compagnie s’exprime en ces termes : « Les représentants du personnel ont été informés d’un projet de plan de départs volontaires pouvant concerner jusqu’à 465 postes sur le réseau domestique […] Il fera prochainement l’objet d’une consultation. Il n’y aura aucun départ contraint ».
Même si les formes sont mises dans l’expression en annonçant un « plan-de-départs-volontaires-qui-ne-serait-pas-encore-décidé », c’est désormais clair qu’il ne s’agit que d’une première étape et que les 7 milliards de « prêts » seront employés à renflouer les bénéfices du groupe tout en faisant des coupes drastiques dans les emplois, les salaires, les horaires et les conditions de travail. Le cynisme et la flagornerie du PDG atteignent d’ailleurs leur comble lorsqu’il déclare plus globalement à propos de son « plan de transformation » : « Nous ferons en sorte que l’impact social soit aussi réduit que possible ».

Un exemple à grande échelle de la stratégie des actionnaires rapaces qui se nourrissent au passage de la crise du Covid-19. Un exemple intolérable de la collusion de l’Etat avec le capital au détriment des travailleurs.

Le cas d’Air France pose simultanément plusieurs questions :

Pour autant, et au-delà de ce scandale, la question des transports, et notamment des transports aériens, est un véritable sujet de réflexion et d’action politique dont doivent s’emparer les travailleurs de ce secteur ainsi que les usagers.
Et déjà une question immédiate : les conditions d’embarquement et de transports dans les avions, l’exiguïté de l’espace, les nombreux déplacements du personnel navigant, constituent des risques majeurs pour les passagers aussi bien que pour les personnels, en cette situation de pandémie du Covid 19. Des photos, démontrant la dangereuse promiscuité que génère un remplissage élevé ont soulevé une opposition flagrante entre le personnel qui estime qu’il faudrait diminuer drastiquement le nombre de passagers transportés et prendre des mesures de protection draconiennes, tandis que la direction déclare préférer supprimer des vols plutôt que de réduire leur rentabilité. Un bras de fer attendu entre la direction qui se contente d’évoquer un port du masque obligatoire et des personnels navigants qui seraient prêts à exercer leur droit de retrait.

Autre question immédiate : celle des emplois et du plan de « départs volontaires. La compagnie Air France argue, pour justifier son « projet », de la baisse d’activité sur les courriers courts, en direction notamment du sud et de la Corse. Baisse d’activité qui serait à compenser par une réduction d’effectifs. A cela, il y aurait pourtant une réponse simple, vue du côté des travailleurs : réduire les horaires, assouplir les astreintes et partager le temps de travail entre les salariés et du coup…. exit le plan de départs volontaires ! Sauf qu’évidemment il faudrait pour cela un rapport de force capable de renverser la vapeur.

Cela supposerait aussi que l’on puisse clouer le bec aux actionnaires qui pleurent les quelques centaines de milliers d’euros qu’ils ont perdues sur le dernier exercice, en omettant de dire que, malgré tout, il leur en reste pas mal dans les poches. Ce qui voudrait dire que les travailleurs et leurs représentants puissent aller mettre le nez dans les comptes, ce qu’ils se gardent bien de laisser faire.

Quant aux 7 milliards injectés par l’Etat, on peut s’interroger quand on voit qu’ils ont laissés la direction entièrement libre d’en faire ce qu’elle veut : y compris de mégoter sur les conditions sanitaires et faire courir des risques graves aux passagers et aux personnels pour préserver la rentabilité, ou pousser dehors les travailleurs selon des protocoles plus ou moins « négociés » détournant ainsi le bien commun au profit des actionnaires d’Air France. Il est à noter d’ailleurs qu’y compris sous forme d’une contrepartie aux engagements de l’Etat, rien n’a été fait par le gouvernement pour orienter l’utilisation des fonds vers la contribution à l’effort de lutte contre la pandémie et pour le maintien des emplois.

Une dernière question plus vaste encore et qui dépasse les limites de l’entreprise elle-même, porte sur la rationalisation des transports, notamment en termes écologiques. On peut se demander si le PDG d’Air France ne se moque pas du monde lorsqu’il annonce haut et fort comme l’une des contreparties des 7 milliards, l’objectif que s’est fixé la compagnie, à savoir : « réduire de 50% ses émissions de CO2 ». Et tout ça pour quand ? … 2030, affirme-t-il. Belle lurette que l’eau aura coulé sous les ponts, s’ils ne se sont pas écroulés, et que les 7 milliards auront fondu comme neige au soleil sans pour autant être perdus pour le camp du capital.
C’est au sein d’un véritable programme politique conçu par les travailleurs et les usagers que la question des transports, de leur sûreté, leur sécurité sanitaire, leur accessibilité, leur gratuité, leur propreté devrait être pensé, aux antipodes des sombres perspectives que nous concoctent le PDG d’Air France-KLM et ses semblables. Il n’y a pas de perspectives sérieuses dans ce sens si le service de transport aérien reste détenu par des actionnaires avides et « piloté » par des Benjamin Smith. Seul un service rationnel, centré sur les besoins de la population et nationalisé sous contrôle des travailleurs, pourrait construire le transport aérien qu’il nous faut.

 
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