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La Izquierda Diario
23 de octobre de 2015 Twitter Faceboock

Dieu pardonne. Pas le prolétariat…
Le patron de Eiffage est mort. Tout le monde doit pleurer ?

Pierre Hodel

Pierre Berger est décédé d’une crise cardiaque. Tout le monde le pleure. Ou en tout cas, on nous invite à pleurer le patron d’Eiffage.

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Eiffage, gigantesque groupe dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, le troisième derrière Vinci et Bouygues, a fait 14 milliards de chiffre d’affaires en 2012. C’est un groupe public appartenant à l’État pour un tiers, et qui construit des grands projets inutiles comme le viaduc de Millau, le Grand Stade de Lille – au cœur d’une gigantesque affaire de corruption –, des autoroutes, des ponts, des lignes à grandes vitesses, des partenariats publics-privés. Tous ces projets qui défigurent, détruisent, multiplient les péages pour le profit de quelques-uns au détriment de quasiment tous.

Eiffage ou Vinci, ce sont ces entreprises qui multiplient les investissements à l’étranger, soit comme des rapaces actuellement en Grèce, soit en multipliant les partenariats publics privés, véritable transfert d’argent public vers des intérêts privés dans des conditions iniques. La justice bourgeoise elle même est obligée de sanctionner très souvent ces contrats qui sont à la limite de la légalité. Eiffage s’est d’ailleurs dégagé de ces contrats laissant un hôpital inutilisable dans l’Essonne.

Eiffage est le premier groupe de BTP qui exploite une autoroute à péage en Afrique, à Dakar, au Sénégal. Oui, un péage dans un pays aussi pauvre que le Sénégal, c’est du cynisme, du néo-colonialisme roi. Et il faudrait respecter un homme qui prend de telles décisions ? Non, rien de respectable dans ce personnage public.

Alors, oui, on va se réjouir de cette explosion en plein vol d’un grand patron, et sans honte, comme on peut se réjouir de la mort de Charles Pasqua ou de tous ces « grands » barbares dont la mort fait la Une des journaux. Car la terre et l’humanité se trouveraient mieux sans ce genre de personne. Mais ne personnalisons pas à outrance, Pierre Berger n’a pas pris ces décisions seul et, surtout, c’était un homme comme un autre : remplaçable. Car dans le capitalisme aussi, les patrons sont remplaçables. Mais lui, il a bien profité du sang et de la sueur des autres. Les autres, ce sont notamment les travailleurs du BTP qui sur les chantiers font le véritable travail et particulièrement tous les travailleurs sans papiers, exploités dans des conditions de travail et de sécurité dégueulasses. Voici les êtres humains à qui nous voulons rendre hommage. Car un patron qui fait une crise cardiaque, toute la presse en parle. Est-ce une mort plus tragique, plus importante ? En réalité, il s’agit de la mort d’un homme tué par l’intensité du travail plus ou moins démente du capitalisme. Mais au moins, lui, il avait le choix. Avec l’argent qu’il accumulait en cinq ans de salaire auto-augmenté, il pouvait vivre confortablement toute sa vie. Mais quand un travailleur du rang meurt à cause de son travail, il ne fait pas la Une des journaux, même si cela arrive tous les jours et que ça pourrait être évité. Pas de doute, ces patrons nous tuent lentement ou sûrement, mais ils restent nos ennemis. Et ils le savent très bien. D’ailleurs ils ne manquent pas de rendre hommage à l’un des leurs.

Ainsi, Pierre Gattaz, président du MEDEF déclare : « Pierre Berger a su poursuivre avec vision la croissance du groupe et renforcer sa dynamique de conquête des marchés internationaux. Il était à la tête de l’un de nos fleurons qui participe du rayonnement du génie français. C’est une grande perte pour notre pays ». Notre traduction du langage bourgeois au langage de vérité révolutionnaire pourrait être le suivant : « Pierre Berger a su accumuler toujours plus d’argent sur le dos de ses salariés en allant exploiter des pays encore plus pauvres. Il était à la tête de cette entreprise d’exploitation de la misère qui participe aux succès de la bourgeoisie française. C’est une

grande perte pour la bourgeoisie. »

Une autre représentante de la classe dirigeante, Sylvia Pinel, ministre du Logement, complète : « J’apprends avec une grande émotion le décès ce jour de Pierre Berger, PDG du groupe Eiffage. (...) Après une brillante carrière dans la construction, notamment au sein du groupe Vinci, Pierre Berger, polytechnicien et diplômé de l’école des Ponts et Chaussées, avait à coeur de poursuivre le développement du troisième groupe de BTP français. Il a engagé des réalisations majeures tant en matière de logements, bureaux et commerces, que sur le plan des infrastructures et de l’aménagement des territoires ». Écœurant comme tout notre gouvernement soit-disant de gauche…

Enfin on terminera avec la petite note « jaune », du syndicat français le plus patronal, grâce à Philippe Luppo, coordinateur CFDT à Eiffage : « Pour nous, c’est une profonde émotion et tristesse. Décéder à cet âge-là, déjà, sur le plan humain c’est vraiment regrettable. Pierre Berger était vraiment l’homme qui a su succéder à Jean-François Roverato, notre ancien PDG, un homme assez charismatique. Lui non plus ne manquait de charisme pour diriger le groupe Eiffage. (...) On peut considérer que le dialogue social a toujours été, et qu’il demeure ».

Oui, il a bien raison de parler de « dialogue social » dont on a vu la réalité à Air France, un autre syndicaliste, Jean-Claude Saillard, de la CGT de la branche Energie du groupe Eiffage, lui rappelle la décision de Pierre Berger de « restructurer » la branche « métal » du groupe, avec la suppression de 239 postes et la fermeture de deux usines dans l’Est de la France ; et de compléter : « Il y a 300 salariés licenciés dans Eiffage métal. Comme tout dialogue social, il nous avait mis la semaine dernière 10 cars de CRS en face » lors d’une manifestation. « Nous pensons aussi aux familles des 300 salariés qui n’ont plus de travail aujourd’hui ».

Voilà bien le rôle d’un syndicaliste de rappeler aux travailleurs que ces « grands patrons » sont avant tout des grands destructeurs d’emplois, des grands jeteurs de familles sur le pavé, de grands barbares iniques et cyniques à la violence sans nom, caché derrière des bureaux et rayant la vie de centaines ou de milliers de personnes d’un trait de plume. Et il faudrait qu’on applaudisse leur « courage » et leur « intelligence », qu’on pleure leur mort, qu’on s’en émeuve ? L’émotion, elle existe, car lorsqu’un salaud, lorsqu’un calculateur habile défend les intérêts de leurs actionnaires – défenseurs de leur classe bourgeoise hypocrite – meurt, nous pouvons nous en réjouir. Nous ne partageons rien avec ces rapaces, ou plutôt, malheureusement, nous subissons leurs empreintes dévastatrices sur le monde et sur l’humanité. Pas d’illusion, il faut faire plus que les désapprouver et les combattre en paroles, il faut lutter pied à pied et instruire en permanence les autres travailleurs sur la réalité de leurs actes et de leurs intérêts. Il faut rappeler aux salariés que ces hommes ne sont puissant que grâce à un ensemble de mécanismes et d’institutions que ses défenseurs appellent « démocratie », et que nous appelons « capitalisme ».

 
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