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La Izquierda Diario
29 de avril de 2020 Twitter Faceboock

Nos vies valent plus que leurs profits
Etats-Unis. Trump prêt à sacrifier les ouvriers pour réouvrir les usines agro-alimentaires
Hélène Angelou

Les industries de la viande comptent parmi les principaux clusters aux Etats-Unis. Alors que des milliers d’ouvriers ont été infectés, Donald Trump a ordonné la réouverture des abattoirs devant les risques de pénurie alimentaire. Assortie d’une déresponsabilisation pénale du patronat, ce décret ne prévoit aucune mesure sanitaire concrète pour les travailleurs.

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Crédits : Bloomberg

Les abattoirs américains : conditions de travail difficiles et nouveaux clusters

Alors que les conditions de travail dans les abattoirs sont déjà particulièrement éprouvantes, les différentes usines de ce secteur industriel n’ont mis en place aucune mesure de protection sanitaire en cette période d’épidémie. Les Etats-Unis sont pourtant touchés de plein fouet, avec plus de 59 000 décès et au moins un million de cas diagnostiqués.

Les conséquences sont tragiques. D’après les chiffres du Syndicat The United Food and Commercial Workers Union (UFCW) qui représente 250 000 travailleurs de transformation et d’emballage de la viande, 6500 travailleurs ont été infectés et le secteur compte déjà 20 décès.

L’usine Smithfield dans le Dakota du Sud est ainsi devenue le lieu de contamination le plus important du pays : comme le rapporte le journal militant Left Voice 801 ouvriers ont été testés positifs ainsi que 206 de leurs proches et l’épidémie a tué 2 travailleurs, Agustín Rodríguez Martinez et Craig Allen Franken, tous deux âgés de plus de 60 ans. Alors que le premier cas de contamination était connu dans l’entreprise depuis le 24 mars, ce n’est que mi-avril que Smithfield a accepté de fermer l’usine et s’est engagé à la désinfecter. Malgré cette tragédie sanitaire, et la hausse exponentielle des contaminations, l’entreprise dénie sa responsabilité dans cette épidémie et s’en est pris avec le racisme le plus abject aux travailleurs migrants qui constituent une part importante de ses employés : « Les circonstances de vie dans certaines cultures sont différentes de celles de la famille américaine traditionnelle », « parce que beaucoup de ces gens qui travaillent dans l’usine vivent dans la même communauté, le même immeuble, parfois le même appartement ».

Cette situation est loin d’être un cas isolé dans le secteur agroalimentaire. Ainsi, Tanisha Isom, une ouvrière d’une usine de Tyson Foods en Camilla, touchée par le virus, témoigne au New York Times : « Combien encore devront se battre pour leur vie, combien encore de famille devront souffrir avant qu’ils ne réalisent que nous sommes plus importants que leur production. […] Nous appelons à l’aide mais personne n’écoute. Nos conditions de travail sont hors de contrôle. On travaille littéralement épaule contre épaule à longueur de journée ». Face au virus, des mesures d’hygiène à la hauteur doivent être prises pour garantir la santé de ces travailleurs à la chaîne.

Loin de garantir la sécurité de leurs employés, sous prétexte de garantir la chaîne d’approvisionnement alimentaire, les patrons du secteur sauvegardent leurs profits en « incitant » par un bonus financier leurs employés à venir travailler en dépit des risques, participant par là en pleine connaissance de cause à la propagation du virus. En effet, l’usine Tyson de Camilla par exemple propose un bonus de 500$ à ses 2100 employés sous réserve de travailler en avril, mai et juin sans manquer une seule journée de travail. De même à Smithfield pour le mois d’avril : « J’ai l’impression qu’ils cherchent à nous acheter par ce bonus et à nous faire travailler malade. Voilà à quel point ils s’en fichent », témoignait un ouvrier.

Ce chantage à la prime exerce une pression sur des travailleurs déjà sous-payés et vivant dans des conditions précaires. Pour autant, dans certaines usines du secteur, des travailleurs inquiets par les conditions sanitaires insuffisantes ont fait grève. Dans une entreprise de viande JBS du Colorado, une journée spontanée de « grève » a eu lieu, suivie par près de 800 à 1000 travailleurs qui se sont déclarés malades. De même à l’entreprise JBS dans le Nebraska.

C’est dans ce contexte que de nombreuses usines ont fermé ces dernières semaines, mises sous pression par les travailleurs réclamant des conditions sanitaires dignes. L’UFCW estime que 22 usines ont été fermées, au moins temporairement, à travers le pays. Ayant refusés de prendre en charge des mesures sanitaires suffisantes, pour préserver leurs profits, les grands patrons du secteur se trouvent aujourd’hui avec leur gestion calamiteuse, obligés de fermer leurs entreprises, pourtant essentielles. En effet, avec le secteur agroalimentaire, c’est l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement alimentaire qui est compromise, entraînant un risque sérieux de pénurie alimentaire.

Imposer la réouverture : entre risque de pénurie alimentaire… et sauvegarde des profits, une décision politique

Face à ce risque, le gouvernement fédéral a vite réagi. Dès début avril, le vice-président Mike Pence déclarait aux travailleurs du secteur : « Vous êtes vitaux. Vous rendez un grand service au peuple des Etats-Unis et nous avons besoin que vous continuiez, faisant partie de ce que l’on appelle les infrastructures essentielles, de vous présentez et de faire votre travail ». Une déclaration pointant la responsabilité individuelle des travailleurs, qui devraient faire le choix du collectif au détriment de leur propre vie, sans aucune mesure concrète les concernant. Cet appel réclame en effet à des employés ayant déjà un travail physique difficile, travaillant souvent six jours par semaine, de se sentir coupable du risque de pénurie s’ils osaient se battre pour leurs besoins vitaux. Mais rien n’est dit à propos de la responsabilité des entreprises qui met leurs vies en danger, malgré des profits faramineux.

Suite à la fermeture généralisée des entreprises agroalimentaires, Donald Trump a promulgué un décret obligeant les industries de viande à rester ouvertes, en recourant au Defense Production Act, une modalité déjà utilisée par la Maison Blanche dans la crise sanitaire. Il s’agit d’une loi datant de l’époque de la guerre de Corée permettant au gouvernement d’obliger les entreprises à agir pour des raisons de sécurité nationale, explique le Financial Times. « Le président a suggéré plus tôt ce mardi que le décret aiderait à protéger les entreprises de toute responsabilité légale qui pourrait émerger par le maintien de leur ouverture alors qu’elles affrontent des épidémies de coronavirus », précise l’article.

Cette décision met en exergue l’objectif de protection du patronat au détriment des travailleurs. La déresponsabilisation pénale des entreprises concernant la contamination de leurs employés tend vers la poursuite de l’activité sans la prise d’aucunes mesures sanitaires adéquates pour les protéger.

Ayant déjà montré, s’il était encore nécessaire, que le patronat privilégiait ses profits à la santé de ses salariés, cette réouverture autoritaire se fait donc sans aucune garantie sanitaire : « Si Trump renonce à la responsabilité pour tout type de poursuites judiciaires, les entreprises n’ont absolument aucun avantage à rendre les lieux de travail sécurisés », témoigne Kim Cordova, dirigeant syndical UFCW de Greeley (Colorado).

Plus encore, cette décision politique acte du choix fait par la Maison Blanche de privilégier l’économie et les profits plutôt que d’endiguer l’épidémie. Il contribue en effet à conserver et à aggraver des foyers virulents de contamination dans le pays.

S’il est nécessaire de maintenir les activités essentielles, cela ne peut se faire sans protéger les travailleurs à la hauteur de l’importance que revêt leur activité.

Aux Etats-Unis comme ailleurs, la gestion catastrophique de la crise sanitaire, dévoile les intérêts antagoniques des travailleurs et des patrons. Notre santé aujourd’hui n’est plus garantie par le système de production capitaliste, et ne peut être défendue que par les travailleurs eux-mêmes.

Nos vies valent plus que leurs profits !

 
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