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La Izquierda Diario
1er de mai de 2020 Twitter Faceboock

Laurent Berger collabo du patronat
Le 1er mai, la CFDT signe avec le MEDEF pour imposer la reprise aux travailleurs
Joachim Bertin

Prêt à tout pour déconfiner à marche forcée afin de relancer la machine économique et la pompe à profit, quitte à envoyer les travailleurs au boulot sans protections sanitaires, le grand patronat peut compter sur la CFDT qui a signé un appel commun à la reprise avec le MEDEF et la CFTC.

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Crédits photo : Le Parisien / Olivier Lejeune

Ce 1er mai, la CFDT a signé une déclaration commune avec le MEDEF et la CFTC « pour le maintien ou la reprise des activités économiques dans des conditions sanitaires optimales ».

La conciliation qui transpire de ce texte s’exprime dans les premières lignes par des courbettes au gouvernement qui aurait « pris des mesures pour limiter au maximum la progression de l’épidémie ». Au maximum ? Nous nous réjouissons que Laurent Berger n’ait manqué de rien pendant la crise sanitaire (nous ne nous en faisions pas pour les patrons qui ont même le droit de se déplacer sans prendre d’amendes). Il n’y a pas de petit plaisir alors pourquoi ne pas s’enthousiasmer ? Le gouvernement a pris des mesures ! Difficile de faire plus creux et plus lâche.

Depuis plusieurs semaines, le patronat et leurs organes de presse font une propagande active contre le confinement. En manque de profit face à la limitation des affaires et à une (très) relative protection des travailleurs, la bourgeoisie est aux abois. « Nous n’arrêterons pas de travailler parce qu’il y a dans le monde 2 millions de morts par suite d’accidents ou maladie du travail chaque année. » écrit Jean-Philippe Delsol, président d’un institut de recherche libérale, dans les Echos. Le patronat en vient même à rappeler à quel point le travail tue pour justifier sa reprise ! Le « nous » est ici à comprendre comme « nous les patrons n’arrêterons pas d’envoyer les ouvriers du monde entier au casse-pipe parce qu’ils meurent au travail ». La bourgeoisie est prête à tout. On trouve sur le site de ce même chroniqueur, un article qui explique que le confinement accroîtrait la mortalité par rapport aux pays qui n’ont pas confiné ! La presse de Bernard Arnault/LVMH ne se contente pas de relayer ce genre de fake news avec des morts à la clef, ses propres éditorialistes, à l’image d’Eric Le Boucher (qui n’a jamais si bien porté son nom), estiment « qu’on doit en revenir à la stratégie de l’immunité collective et accepter les morts qui vont avec. […] La préservation de la vie est un principe sacré, mais le retour au travail et la défense des libertés individuelles, qui fit tant de morts, représentent aussi une valeur humaine ». Pour le patronat, « nos profits avant vos vies » est loin d’être un mot d’ordre vide de sens.

Les patrons ne rechignent pas aux comparaisons morbides avec les morts qu’ils provoquent habituellement mais banalisées car quotidiennes : sur les routes (les ouvriers ont plus de chances d’être victimes d’accidents...), avec le tabac de Philipp Morris et Cie, ou avec la mauvaise nourriture pourtant trop chère de l’agro-alimentaire. Ce détour vers la propagande quotidienne du patronat est essentiel pour comprendre ce que signent les organisations qui paraphent ce communiqué : un arrêt de mort pour des centaines de travailleurs sacrifiés sur l’autel de leurs profits.

On nous y parle de mesures sanitaires dans les entreprises. « Il revient aux entreprises d’adapter leur environnement de travail en mettant en place les mesures organisationnelles, collectives, et individuelles qui permettent d’assurer la sécurité sanitaire de tous. » Les entreprises qui sont restées ouvertes tout le long du confinement, contre toute raison valable, que ce soit pour produire des pièces d’avion ou de voiture en pleine pandémie en exposant les ouvriers à la propagation du virus, ont eu le temps de prouver (mais nous n’avons pas attendu le coronavirus pour le savoir) que la santé des travailleurs est un coût pour les entreprises.

Si la santé des travailleurs a été sacrifié pendant le confinement « le plus strict » que va-t-il en être après le 11 mai et, dès maintenant, alors que de plus en plus d’activités reprennent ? Amazon a été prêt à mettre des bandes jaunes au sol pour une distanciation impossible à appliquer dans la pratique. Il a fallu la mobilisation des syndicalistes, de l’opinion et les menaces de la justice pour avoir du gel hydro-alcoolique. Dans les drives des grandes surfaces, les préparateurs de commande se retrouvent souvent sans masques à déconditionner des palettes à plusieurs, sans protections, pour ne pas perdre de temps. Les seuls qui ont un réel intérêt à prendre soin de leur santé, ce sont les salariés eux-mêmes, toute concession des patrons ne s’est faite que sous la pression ou la peur de voir monter la colère des salariés.

Ce que redoutent les signataires, c’est un « drame économique et social » et ils demandent la restauration de « la vie économique et sociale de la Nation ». Aux dernières nouvelles, les drames sociaux ce sont les licenciements et ce sont encore les capitalistes du MEDEF qui les provoquent ! Il faut donc entendre : « il serait dommage que nous soyons obligés de vous licencier si vous n’acceptez pas toutes nos conditions » !

L’évocation de la Nation n’est pas non plus anodine. D’une part elle permet d’effacer avec un petit « cocorico » les antagonismes de classe entre patrons et travailleurs mais elle vient aussi appuyer sur une corde sensible dans l’actualité, celle du patriotisme économique. La bourgeoisie dans une période de crise tend facilement à dire que le problème c’est le voisin plus ou moins éloigné (les Chinois puis les Allemands), que le problème principal est de remettre des barrières douanières pour protéger le patronat national contre la concurrence internationale. Les lois de la lutte des classes ne connaissent pas de frontière et les patrons français et de toute nationalité exploitent aussi bien dans ou hors l’hexagone. La tâche des ouvriers combatifs est de développer le plus possible la solidarité internationale, en France en premier lieu avec les travailleurs des pays que notre bourgeoisie pille et écrase : si la CFDT soutient le gouvernement d’un pays impérialiste, elle contribue à ses crimes. De ce côté pas de demi-mesure, notre internationalisme doit être sans limite.

Car en dernière instance, ce qu’exprime en creux ce texte c’est qu’il n’y a pas trente-six solutions pour faire à la crise. Il y en a fondamentalement deux sortes. Celles qui sont favorables aux patrons et celles qui sont favorables aux travailleurs et aux classes populaires. Toute tergiversation entre les deux fait le jeu des puissants. Ce sont deux stratégies qui se font face : la conciliation de classe ou la lutte de classe.

La CFDT entretient le mythe du patron qui donne du travail à l’ouvrier. Pourtant la situation a montré radicalement que sans salariés, pas de production ; l’autre mythe de la robotisation en remplacement de la main-d’œuvre humaine a aussi fait lamentablement faillite. A l’inverse, les expériences de reprise de l’activité sans patron, comme au McDonald’s de Saint-Barthélémy à Marseille (qui sert désormais des colis alimentaires aux familles dans le besoin) ou dans les entreprises récupérées Zanon ou Madygraf en Argentine, prouvent que le patronat joue un rôle parasitaire dans le processus de production. Ces situations de reprise de la production par les ouvriers eux-mêmes ont en règle générale eu lieu suite à des offensives du patronat qui voulait fermer des usines, licencier massivement et détruire des machines, des richesses : c’est précisément ce que se préparent à faire le patronat face à la crise économique en cours. Quand les ouvriers se battent jusqu’au bout contre les licenciements, il vient à certains l’idée de reprendre eux-mêmes la production. C’est cette peur qu’a en tête le patronat, ou sans aller jusque-là, tout simplement d’une entrée en lutte encore plus massive que celle observée depuis plus d’un an en France avec les Gilets Jaunes puis avec la réforme des retraites. Les appels au « dialogue social » pour « la sauvegarde de l’emploi » sont une ficelle un peu grosse pour entraîner les ouvriers sur le terrain du compromis, les éloigner de la lutte. C’est là le souhait et le rôle des bureaucraties syndicales. En temps de paix, la bourgeoisie les maltraite, en temps de crise elle les appelle au secours, et Berger arrive au quart de tour accepter la caresse de ses maîtres.

Un exemple valant mieux que mille mots, une des premières entreprises à avoir annoncé un plan de licenciement massif est Daher, dans l’aéronautique. C’est la CFDT qui annonce, suivant le patron et parlant pour lui, qu’il est nécessaire de licencier 3000 personnes pour sauver l’entreprise et les emplois ! Il faut noter que cette entreprise est une de celles de l’aéro qui ont fermé le moins longtemps face au coronavirus. Laisser passer, temporiser ou tergiverser face aux attaques du patronat, c’est ouvrir la porte à toutes les attaques, toutes les divisions !

La CFDT accompagne aujourd’hui la première attaque, celle de la reprise sans conditions sanitaires suffisantes ! Il faut refuser la reprise tant qu’il n’y a pas des tests et des masques pour tous, du gel à tous les postes, des moyens de respecter la distanciation que ce soit dans les transports ou au travail.

Ce serait là le rôle d’une confédération syndicale que d’imposer une reprise à ses conditions au patronat pour une vraie stratégie sanitaire. Encore et toujours, l’issue de la crise sanitaire et économique se fera en faveur de la bourgeoisie ou en faveur des ouvriers : il n’y aura pas d’entre-deux. Pour imposer notre issue à la crise, nous devons nous armer d’un programme d’urgence et d’un programme d’action pour interdire les licenciements, partager le temps de travail et éradiquer le chômage, augmenter les salaires et contrôler les prix qui s’envolent ! C’est là, la seule véritable voie pour éviter un « drame économique et social ».

 
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