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La Izquierda Diario
12 de mai de 2020 Twitter Faceboock

Les industriels à l’offensive
Tribune des Echos. Le patronat européen fait bloc pour faire payer la crise aux travailleurs
Jean Beide

Si la crise du coronavirus bouscule de nombreux dogmes économiques et politiques, il y en a un que le patronat n’abandonnera décidément jamais : Partager les pertes en temps de crise, confisquer les profits en temps de prospérité. En témoigne la tribune, parue dans Les Echos à l’initiative des patronats industriels italien, français et allemand.

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Alors que le patronat se montre toujours hostile, quand les bénéfices affluent, à toute forme de resocialisation de la richesse, le voilà n’ayant plus à la bouche que les mots de « solidarité », de « réponse commune » et de « justice » quand sonne l’heure des périodes de vaches maigres

Une solidarité d’apparence

A contre-courant des dogmes libéraux jusqu’ici en vigueur en Europe, le Medef, la fédération de l’industrie allemande (BDI) et la Confindustria italienne plaident conjointement ; dans une tribune intitulée La relance économique que nous, patrons, voulons et publiée ce mardi 12 mai dans le journal Les Echos, en faveur de l’intervention massive des institutions européennes (Banque Européenne d’investissement, Commission européenne et Mécanisme européen de stabilité) ainsi que pour des plans de relance directs à l’initiative des Etats eux-mêmes.

La tribune en appelle notamment explicitement au creusement des déficits (baisse des impôts et hausse des dépenses pour soutenir la demande), chose encore impensable il y a quelques mois. Sous le fard de la solidarité « envers les plus fragiles », c’est en fait une mise sous assistance respiratoire d’urgence, aux frais des populations, qu’exige le patronat.

La « solidarité » qu’invoque la tribune n’est rien en fait que le nom d’une campagne massive de subventions (le terme est lâché) et de prêts accommodants et garantis destinés à racheter les pertes et les créances pourries sans compensation.

Un revirement dogmatique, vraiment ?

Nombreux sont les observateurs qui voient dans cette tribune la marque d’un patronat changé en profondeur par la crise, abandonnant volontiers ses vieux dogmes libéraux, allant jusqu’à plaider en faveur de subventions (auxquelles l’esprit libéral européen est historiquement très hostile).

En réalité, ce revirement n’a rien d’une volte-face mais s’inscrit au contraire dans la continuité très nette des politiques patronales. En effet, l’austérité et le pillage direct des ressources publiques (par l’intermédiaire des privatisations) ont pour but structurel de faire peser le poids du fonctionnement normal de la société sur les seules épaules des travailleurs (des petits contribuables). En plus de permettre le dégagement, pour le capital, de surprofits (grâce à des impôts plus faibles) tout en lui préservant l’usage des richesses publiques (écoles, transports, routes etc.), ces politiques libérales préparent le terrain en cas de crise.

Si le capital privé ne participe pas, ou peu, au financement des ressources de l’Etat, alors l’intervention de ce dernier lui sera d’autant plus profitable que sa participation aura été faible. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que se multiplient les discours patronaux favorables aux interventions publiques.

Une autre version du Too big to fail

En 2008, les organisations financières en faillite menaçaient d’emporter avec elles dans leur chute le système économique tout entier (et donc la société avec lui). Jouant sur cette importance systémique critique, les capitalistes de la finance étaient parvenus à forcer la main aux Etats et aux puissances publiques afin que celles-ci épongent, à grands coups de désastres sociaux, les pertes dont ils étaient seuls responsables.

Le patronat industriel, qui voit ses marges et ses promesses de profits se réduire très considérablement du fait de la crise du coronavirus, cherche par tous les moyens à faire refinancer ses activités par les Etats et les institutions, sous peine de laisser périr et disparaître une grande partie du tissu industriel européen et les centaines de milliers d’emplois qui vont avec. Le too big to fail systémique de la finance se voit remplacer par le too big to fail social de l’industrie.

Sauver l’industrie et les emplois, pas le patronat

Mais cet artifice de maitre chanteur ne tient plus dès lors que l’on distingue le patronat de l’industrie. Sauver l’industrie ne signifie pas forcément sauver ses propriétaires. Ces derniers, précisément, usent de cette confusion pour tirer à eux la couverture des ressources publiques en se rendant prétendument aussi nécessaires que l’industrie elle-même.

Pourtant, un programme porté par les travailleurs pourrait permettre de sauver l’économie de la faillite et de la ruine grâce à la socialisation sans compensation du grand capital industriel. Les plans de « solidarité » concoctés par les cartels capitalistes ne doivent laisser subsister aucune illusion. Nous devons refuser de racheter leur faillite pour mieux sauver nos emplois et nos industries.

Pour ce faire, il est indispensable d’élaborer un programme d’alternative de classe pour faire face à la crise économique qui arrive. La première des exigences est celle du refus net de tous les licenciements, la baisse du temps de travail, l’augmentation des salaires et la fin des contrats précaires. Face aux chantages du patronat sur les risques de faillites, il s’agit d’exiger l’ouverture des livres de comptes, pas seulement des entreprises mais de l’ensemble des branches de l’industrie et de l’économie. Pour que les travailleurs ne payent pas la crise, et pour lutter contre le chômage et la misère de masse, il s’agit d’exiger, enfin, la nationalisation sous contrôle des travailleurs de l’ensemble des entreprises ou les plans de licenciements sont légion, voire de branche entière de l’économie.

 
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