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La Izquierda Diario
13 de mai de 2020 Twitter Faceboock

Etat d’urgence sanitaire
Chômage partiel : une nouvelle ordonnance permet au patron de choisir qui il fera travailler ou non
Elsa Marcel
Inès L

L’ordonnance du 27 mars 2020, issue de la loi dite « Etat d’urgence sanitaire » modifie substantiellement plusieurs dispositifs du code du travail. A l’approche du déconfinement, les modifications relatives à l’activité partielle sont un enjeux particulier en tant qu’elles permettent au patron de choisir qui reprendra le travail … ou pas.

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Crédit photo : Frédéric Blanc, CC BY 2.0

L’instauration d’une « activité partielle individualisée »

L’article 10 ter de l’ordonnance du 27 mars 2020 a été modifié par l’Ordonnance du 22 avril 2020. L’article 8 de cette dernière prévoit que l’employeur peut placer une partie seulement des salariés de l’entreprise, d’un service ou d’un atelier en activité partielle. Elle permet également d’appliquer une répartition différente des heures travaillées, y compris pour les salariés relevant d’une même catégorie professionnelle alors que l’activité partielle était jusqu’alors une mesure collective.

Cette individualisation de l’activité partielle ne peut être mise en place que lorsqu’elle est « nécessaire pour assurer le maintien ou la reprise d’activité ». Il s’agit par là d’assouplir le régime de l’activité partielle afin de répondre aux besoins du patronat qui cherche à rouvrir les usines qui ont pu fermer à la suite notamment de l’exercice massif de droit de retrait de la part de salariés.

Quant aux modalités de mise en œuvre, l’activité partielle individualisée doit être mise en place par accord d’entreprise ou d’établissement. Dans le cas où l’entreprise n’a pas de délégué syndical disposé à négocier ou si aucun accord n’a pu être trouvé, alors le dispositif peut être mis en place lorsque l’accord de branche l’autorise. Dans le cas ou l’accord de branche ne prévoit rien l’employeur peut mettre en place cette individualisation après avis favorable du CSE. Celui devra préciser un certain nombre d’informations telles que :

  • Les compétences identifiées comme nécessaires au maintien ou à la reprise de l’activité de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier
  • Les critères objectifs, liés aux postes, aux fonctions occupées ou aux qualifications et compétences professionnelles, justifiant la désignation des salariés maintenus ou placés en activité partielle ou faisant l’objet d’une répartition différente des heures travaillées et non travaillées
  • Les modalités et la périodicité, qui ne peut être inférieure à 3 mois, selon lesquelles ces critères objectifs sont rééxaminés afin de tenir compte de l’évolution du volume et des conditions d’activité de l’entreprise en vue, le cas échéant, d’une modification de l’accord
  • Les modalités selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés concernés
  • Les modalités d’information des salariés de l’entreprise sur l’application de l’accord pendant toute sa durée.

La réduction des délais de consultation des CSE

Toutefois, il faut compter avec une nouvelle modification, cette fois relative aux délais de consultation du CSE. Un décret du 3 mai 2020 « adapte les délais applicables dans le cadre de l’information et de la consultation du comité social et économique et du comité social et économique central, menée sur les décisions de l’employeur qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 ».

Il réduit ainsi drastiquement les délais de consultation, à quelques jours seulement (8 jours pour une expertise par exemple), et ceux dans des domaines aussi variés que le licenciement de dix salariés ou plus, l’accord de performance collective ou encore les informations et consultations récurrentes dudit CSE. A défaut d’exclusion explicite, il semblerait que ce régime s’applique également à la consultation du CSE au sujet de l’activité partielle individualisée et tend à l’imposer dans les faits en réduisant drastiquement la capacité des instances représentatives du personnel de rendre des avis dans les délais impartis.

Sélectionner les travailleurs les plus « productifs » ?

L’activité partielle collective est d’ores et déjà un dispositif qui répond aux perspectives de fermeture temporaire d’une usine en arrangeant largement le patronat. En effet, un salarié au chômage partiel ne recevra que 84% de son salaire qui sera par ailleurs payé par l’Etat.

Alors que l’une des revendications qui a traversé la première séquence de l’épidémie a été celle d’un paiement du salaire à 100% pris en charge par le patron, c’est dans une toute autre direction que s’engage le gouvernement. A travers les ordonnances, en individualisant le recours à l’activité partielle, l’employeur dispose de l’assise légale pour faire pression sur certains pour qu’ils reprennent le travail tout en écartant ceux qui le dérangent. Plus encore, ce dispositif prétendument en vigueur jusqu’en 31 décembre 2021 pourrait entrer dans le droit commun et constituer un acquis définitif pour l’employeur. Dans plusieurs entreprises, la dynamique est déjà claire : sélectionner les « plus productifs », leur imposer une reprise ou une répartition particulière des heures travaillées quand les autres resteront chez eux. A l’approche de plans massifs de licenciements force est de constater que ce dispositif de sélection permet de préparer le terrain.

 
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