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La Izquierda Diario
13 de mai de 2020 Twitter Faceboock

Attaques liberticides
Adoption de la loi Avia : derrière la "lutte contre la haine en ligne", un dangereux outil de censure
Simon Derrerof

L’Assemblée nationale a adopté ce 13 mai la version définitive de la controversée loi Avia. Sous couvert de lutte contre les " contenus haineux" sur internet, c’est une nouvelle attaque liberticide qui est proposée par le gouvernement.

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La proposition de loi qui vise à « lutter contre les contenus haineux sur internet » et que la députée défend depuis plus d’un an a été adoptée hier par l’Assemblée Nationale, après un long marathon législatif. L’objectif du texte ? Permettre à la police d’intervenir pour supprimer des contenus jugés problématiques. Preuve de l’importance que lui a accordée LREM, il s’agissait du premier texte au menu du Parlement, sans lien direct avec le coronavirus, depuis le début de l’épidémie.

Défendu par une députée au cœur de polémiques et marqué par les critiques pointant son caractère liberticide, le projet de loi « anti-haine » n’a jamais aussi mal porté son nom. En effet, depuis hier est au cœur de la tempête médiatique, après que Médiapart ait révélé dans une enquête, le harcèlement et les pressions homophobes, sexistes et racistes qu’elle exerce sur ses assistants depuis le début de son mandat. Médiapart a également révélé le portrait acide d’une députée obsédée par son image, demandant à ses collaborateurs de contrôler sa page Wikipédia, appliquant des méthodes de travail impitoyables, avec des brimades et insultes quotidiennes.

Surtout, le texte n’a pas cessé de soulever l’inquiétude que ce soit d’associations telles que l’inter-LGBT, la Quadrature du Net mais également d’instances telles que le Conseil National du Numérique, la Commission Européenne ou encore la ligue des Droits de l’Homme. Ainsi, douze organisations non gouvernementales ont signé un appel, indiquant qu’"en contournant les prérogatives du juge judiciaire, [le texte de loi] porte atteinte aux garanties qui nous permettent aujourd’hui de préserver l’équilibre de nos droits et libertés fondamentaux".

Une loi liberticide

De fait, derrière le discours officiel de « lutte contre la haine sur internet » le gouvernement compte en réalité offrir à la police des possibilités de censures inédites avec cette loi liberticide. La notion de « contenus haineux » n’est évidemment pas recevable puisqu’elle ne fait l’objet d’aucune définition juridique. Le gouvernement, par le vote de cette loi, s’offre ainsi la possibilité d’interdire des contenus jugés « haineux » ou « terroriste ». « En droit la notion de terrorisme est suffisamment large pour lui donner un large pouvoir discrétionnaire, contre des manifestants » ou des opposants politiques s’inquiète en ce sens la Quadrature du Net. Fait aggravant, la loi ne comporte de que très vagues dispositions pour sanctionner une éventuelle "sur-censure", l’abus de la loi ne pouvant être sanctionnée par une amende pénale.

La loi marque également un véritable passage en force du gouvernement. Le texte initial avait été en grande partie vidé de sa substance lors de son passage au Sénat, la chambre haute retirant la proposition phare de la loi : l’obligation pour les plateformes de retirer les « contenus illicites sous 24h, sous peine de perdre 4% de leur chiffre d’affaire ». Pourtant, Laetitia Avia est passée un cran au-dessus le 21 janvier, alors que la loi était examinée pour la deuxième fois à l’assemblée nationale, en faisant rétablir la mesure controversée mais aussi et surtout en accentuant encore le caractère répressif de la réforme. Ce sont désormais tous les sites internet qui sont concernés par le projet de loi, et qui seront contraints de supprimer leur contenu en moins d’une heure, si la police décide de les censurer ! Si le site ne censure pas son contenu dans l’heure, la police peut exiger immédiatement son blocage par les fournisseurs d’accès à internet.

La loi permet ainsi à l’ensemble des forces de police de supprimer n’importe quel contenu sur internet en moins d’une heure, et ce sans aucune procédure juridique, tout en laissant toute liberté à la police pour fixer les critères permettant de censurer un site.

Le but du projet de loi « anti-haine » doit être compris comme ce qu’il est véritablement, un projet de loi interdisant la haine « anti-macron ». Une anecdote révélée par La Quadrature est en ce sens particulièrement significative : « Ce pouvoir « de fait » de la police a déjà été dévoyé à des fins de censure politique. Dernier exemple en date : en réponse à une demande CADA de La Quadrature du Net, la police a expliqué avoir signalé à Google le 13 janvier 2019 une image caricaturant Emmanuel Macron sous les traites du dictateur Pinochet. Dans les documents transmis, le signalement est enregistré dans la catégorie « injures et diffamations xénophobes ou discriminatoires ». Cette qualification, en plus d’être une aberration juridique, entre exactement dans le champ des infractions que la PPL Avia imposera de retirer en 24h », détaille l’article. De quoi craindre les usages qui seront faits des possibilités qu’ouvrent la loi.

Derrière la volonté affichée de lutter contre les contenus haineux, c’est une nouvelle expression des aspirations liberticides du gouvernement qui s’affirme

Le gouvernement n’a jamais cessé depuis le début du quinquennat, et plus fermement encore depuis le début de l’épidémie, de dévoiler sa volonté de se donner les moyens de contrôler l’information sous toutes ses formes. La proposition de loi portée par Laetitia Avia en est un nouvel exemple. Si elle prétend vouloir faire de son projet le parangon de la lutte contre la haine en ligne, elle amorce en réalité la transformation du gouvernement en un grand régulateur d’internet.

La loi Avia n’est pas le coup d’essai du gouvernement pour tenter de censurer la liberté d’expression. Le 15 Janvier, Emmanuel Macron, affirmait, lors de ses vœux à la presse dans une allocation édifiante : « Nous sommes confrontés à la lutte contre les fausses informations, les détournements sur les réseaux sociaux. L’éducation reste le fondement de cette lutte. Il nous faut donc pouvoir répondre à ce défi contemporain, définir collectivement le statut de tel ou tel document ».

Plus grave encore, en pleine crise du Covid-19, le gouvernement n’a pas hésité à lancer une plateforme destinée à imposer une validation des informations par le gouvernement. Face à la son incompétence et face à la colère provoquée par sa gestion de la crise, le gouvernement tente le tout pour le tout afin de contrôler l’information. Baptisée « Désintox Coronavirus », la plateforme a été retirée le 5 mai, retoquée par le Conseil d’Etat.

Cette réforme s’inscrit également dans une politique autoritaire menée de front avec la prorogation de l’état d’urgence et se traduisant par l’augmentation des forces de répression, par la restriction drastique des droits démocratiques, par des attaques contre le droit du travail, et par la limitation des droits individuels. La semaine dernière la chambre haute puis le Sénat n’ont pas hésité à valider la prolongation de l’état d’urgence, permettant ainsi la création d’un système d’information identifiant le plus rapidement possible les personnes qui ont été au contact des personnes infectées. Laissant ainsi le flou et de nombreuses portes ouvertes pour passer d’un dispositif présenté comme inoffensif par le gouvernement à la mise en place d’une surveillance généralisée.

Lors de son discours à la tribune de l’Assemblée en juillet 2019, Laetitia Avia affirmait : "A vous, mes chers trolls, haters, têtes d’oeuf anonymes qui vous croyez seuls cachés derrière vos écrans, vous qui êtes infiniment petits et lâches, sachez que nous nous battrons pour vous trouver et vous mettre face à vos responsabilités, car ce que nous engageons, c’est la fin de l’impunité.". Derrière ses paroles, la volonté du gouvernement est claire, il s’agit d’étouffer la colère qui gronde contre cette société et ce gouvernement, à l’aube d’une crise économique qui devrait encore l’approfondir.

 
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