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La Izquierda Diario
19 de mai de 2020 Twitter Faceboock

Mise en concurrence, attente, stress
Parcoursup : les lycéens face à l’angoisse de la sélection et l’incertitude de l’avenir
Lorélia Fréjo

Cette année encore, les lycéens devront passer par Parcoursup, plateforme en ligne qui impose chaque année une sélection brutale sur les futurs étudiants. Ce sont 950 000 jeunes qui attendaient fébriles leurs résultats en ce 19 mai, après avoir rempli leurs vœux début mars.

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Mise en concurrence, attente permanente et stress : le calvaire de Parcoursup

Cette année encore les lycéens doivent s’affronter à Parcoursup, une plateforme mise en place en 2018 avec la loi ORE. Depuis cette réforme, le bac ne donne plus accès « automatiquement » à une formation universitaire, un moyen de faire baisser le nombre d’étudiants à l’Université et donc les coûts. Avec la nouvelle plateforme, l’Université devient plus sélective et le poids du lycée d’origine dans le tri des lycéens est accru, approfondissant les inégalités à l’entrée à la fac. Ce sont même des quotas des élèves hors académie qui sont mis en place par les facs et les dossiers sont traités à partir de l’appréciation des notes, de l’évaluation des professeurs et d’une lettre de motivation (a priori peu lue par manque de temps). Fini l’illusion de « méritocratie », il est très clair que la sélection se fera de manière différenciée selon l’appartenance sociale.

Une réforme augmentée par la mise en place du bac Blanquer, avec notamment les E3C, des épreuves de bac anticipées, contre lesquelles se sont battus cette année de nombreux lycéens. Elle met en place un bac local, qui encore une fois accentue les inégalités par la mise en place d’épreuves différentes selon les régions, soumis uniquement à la logique de la professionnalisation, au détriment de la pédagogie. Surtout que cette réforme va fermer d’autant plus de portes aux lycéens des quartiers populaires car les lycées sont mis en concurrence et ne permettent pas d’accéder aux mêmes formations.

Comme l’expliquent Romuald Bodin et Sophie Orange dans un article intitulé « La gestion des risques scolaires. ‘Avec Parcoursup, je ne serais peut-être pas là’ » : « l’accompagnement des bacheliers et l’aide à l’orientation tend de moins en moins à prendre la forme d’une relation directe et personnalisée entre un élève et un ou un enseignant, et de plus en plus à devenir l’examen de son dossier scolaire, possiblement réalisé par un simple algorithme. ». Comme avant lui Admission Post Bac, Parcoursup est donc un outil totalement dépersonnalisé de mise en concurrence des futurs étudiants, obligés de rendre leurs dossiers conforme aux attentes pour être reçus.

Pour ces chercheurs, au-delà de la fiche avenir, qui oblige clairement les lycéens à se mettre dans la peu d’un futur travailleur et à se vendre comme à un employeur, c’est aussi la mise en place de la réponse « Oui si… » et l’attente permanente qui augmente la pression mise sur les jeunes. Un oui si, qui oblige les lycéens en question à suivre un parcours de remise à niveau. Selon eux, il s’agit d’un moyen de « gérer les risques », c’est-à-dire de limiter l’accès à l’Université de ceux qui ne semblent pas capables de finir leurs études. La continuation des mesures austéritaires et de la marche vers la privatisation, qui vise à limiter les places et à ne garder que les profils qui sont prêts à être sur le marché du travail. Les budgets de l’Université et de la recherche ne font que baisser, avec moins 331 millions en 2017. En novembre 2019 ce sont 35 millions que le gouvernement voulait enlever, et même pendant le Coronavirus la recherche a encore pâti.

Parcoursup, des milliers de lycéens se retrouvent en attente pendant plusieurs mois, obligés de passer par différentes vagues d’admissions. Cette année encore, ils sont très nombreux à être mis sur liste d’attente, comme en témoignent les nombreux tweets sur le sujet, avec notamment les #Parcoursup ou #Demain17h qui ont fleuri un jour avant les premiers résultats.

En plus de l’attente, ce sont les nombreux bugs, et les dysfonctionnements qui rythment le passage des lycéens par Parcoursup. Mais cette année, c’est surtout une angoisse de l’avenir, renforcée dans une période de pandémie, qui s’est ajoutée au processus.

Mêlée au stress de la sélection, l’angoisse de l’avenir renforcée en pleine pandémie

De fait, alors que l’avenir semblait déjà difficile à entrevoir pour de nombreux de jeunes, avec le Coronavirus, toutes les certitudes qu’ils pouvaient avoir sont bouleversées. Des lycéens qui se sont battus pour certains face à l’urgence climatique, contre les violences de genre ou encore pour un avenir meilleur, et qui se retrouvent aujourd’hui pris dans l’étau d’un futur entre crise sanitaire et crise économique.

Avec le confinement, le stress des lycéens a beaucoup augmenté, comme en témoigne une étude de l’association Article 1, reprise par Le Point qui explique que 54% d’entre eux disent avoir « peur d’être désavantagés » alors qu’ils n’ont pas passé le bac comme tout le monde et que les modalités de sélections ont été modifiées. De fait, de nombreux concours n’ont pas pu avoir lieu et tous les processus de sélection ont eu lieu sur dossier, du bac à l’entrée dans le supérieur. Pour ceux qui avaient des difficultés pendant l’année, c’est un stress de plus. 67,5% des lycéens se déclarent stressés dans l’attente des résultats de Parcoursup et 54,1% ont peur de la manière dont vont s’organiser leurs études, ce qui exprime la peur de ces jeunes face à la possibilité de voir leur avenir se jouer avec ces résultats. Une difficulté accrue par l’impression de devoir entrer dans le supérieur sans y avoir été préparé, alors que le dernier semestre s’est fait en ligne et n’a pas pu être suivi également par tous. Ainsi, comme l’explique un professeur de terminale à La Croix « Parcoursup suscite tous les ans de l’inquiétude chez les élèves, mais cette année, avec le coronavirus, on atteint des sommets ».

La possibilité que les universités ne réouvrent que partiellement et que de nombreux cours se fassent en ligne, de même que la perspective de périodes de reconfinement, a également de quoi accroître les inquiétudes sur l’avenir. Conditions de logement, condition familiale, accès au matériel informatique, autant de facteurs d’inégalités entre les étudiants dont le confinement ne fait qu’accroître le poids. A ces inégalités, s’ajoutent par ailleurs l’angoisse concernant l’avenir à l’heure d’une crise économique mondiale. Sur Twitter, les lycéens ont ainsi exprimé leur stress et la peur d’un avenir fait de boulots précaires et de chômage.

Des lycéens qui se moquent sur Twitter d’être tombé par hasard sur « Pôle emploi » en cherchant leurs résultats sur Parcoursup, à ceux qui déposent leur candidature à Pizza Hut après avoir vu leurs résultats, beaucoup ironisent sur leur avenir. Une manière de rire de l’angoisse que procure la possibilité de se retrouver sans aucune perspective, alors que le chômage augmente comme la précarité.

Sélection, précarité et chômage, quel futur pour la jeunesse ?

Avec Parcoursup, les jeunes sont confrontés à une sélection souvent brutale qui n’est souvent qu’un avant-goût des logiques qui prévalent toujours plus au sein même de l’Université. Les présidences de fac en font d’ailleurs ces dernières semaines une démonstration limpide en cherchant à maintenir les partiels à tout prix, en phase avec la ministre de l’enseignement supérieur qui a promis qu’elle refuserait de « brader » les diplômes. A La Sorbonne, les élus ont ainsi été emmenés jusqu’en justice pour avoir voulu défendre un droit égal à tous les étudiants à accéder à l’année supérieure en pleine pandémie. Ce sont là aussi les étudiants précaires, obligés de travailler ou qui ont subi la crise économique de plein fouet qui vont le payer.

Annuelle, l’angoisse montante dans la jeunesse lycéenne face à son avenir que révèle Parcoursup, prend une dimension nouvelle dans une période où il semble de plus en plus clair que ce qui attend la jeunesse c’est une crise économique profonde. Une crise qu’elle va être obligée de payer, alors que les mesures d’austérité vont s’abattre notamment sur l’Université et que la logique de flexibilisation, accompagnée par la casse du droit de travail, ont été choisies comme solution à la crise.

Comme l’explique Léo Valadim dans un article pour Révolution Permanente, : « L’augmentation brutale du chômage chez les jeunes va s’accompagner d’une volonté de la bourgeoisie française et de l’État d’accélérer l’élitisation des universités, pour limiter le nombre de diplômés face à la contraction du marché du travail, mais aussi baisser rapidement le coût des facs. En effet, après avoir arrosé de milliards d’euros les grands groupes capitalistes et leurs actionnaires pour les maintenir à flots, la dette publique a une fois de plus explosé et le gouvernement va devoir trouver un moyen de rattraper ces dépenses. » Parcoursup, risque donc fort de n’être que le premier maillon d’une liste plus longue de mesures qui vont avoir pour but de renforcer la sélection.

Mais il est possible de se battre, comme à Paris 1 où les élus ont réussi à forcer la direction à reculer et continuent de mener la bataille, après avoir obtenu une première victoire dans les conseils qui dirigent la fac. Mais aussi, comme l’ont montré les étudiants-salariés qui se battent pour une prime à la hauteur de leur sacrifice dans la grande distribution. Aujourd’hui face à un avenir fait de chômage et de précarité mais aussi alors que les capitalistes ont montré qu’ils étaient prêts à mettre nos vies en danger pour leurs profits, il est nécessaire de s’organiser. Pour revendiquer un avenir meilleur, qui ne soit pas celui du désastre climatique ou de la misère, pour lutter contre la sélection, comme l’ont fait des lycéens pendant les E3C, pour arrêter ce monde qui tourne pour le profit d’une minorité.

Crédit photo : AFP

 
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