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20 de mai de 2020 Twitter Faceboock

précarité étudiante
Lettre de Vidal aux étudiants : derrière les mots creux, une politique au service de la sélection
Simon Derrerof

Frédérique Vidal a adressé il y a quelques jours une lettre à tout les étudiants. Derrière un ton de compassion et de sollicitude, personne n’est dupe, c’est la politique de son gouvernement qu’elle tente aujourd’hui de défendre auprès de la jeunesse.

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LP/Frédéric Dugit

La continuité pédagogique, intensificateur des inégalités au sein du système éducatif

 
Frédérique Vidal ouvre sa lettre par la question sensible de la continuité pédagogique : « C’est pourquoi, dès que la décision a été prise de fermer les établissements d’enseignements supérieurs au public, j’ai souhaité que tout soit mis en œuvre pour que vous puissiez continuer à vous former à distance. En effet, le respect des engagements que moi-même et la communauté de l’enseignement supérieur avons pris envers vous, les valeurs portés par notre public d’éducation et, au-delà, l’avenir de notre société exigeaient de ne pas rompre ce fil de formation et de la connaissance ».
 
Pourtant, la réalité de cette continuité pédagogique, imposée par le gouvernement, n’est pas aussi reluisante que ce que la ministre de l’enseignement supérieur tente de faire croire. Nombreux sont les témoignages d’étudiants qui ont fleuri sur les réseaux sociaux, dénonçant les conditions dans laquelle elle a été menée. La politique du gouvernement a avant tout accentué les inégalités de classe au sein du système scolaire, rendant le confinement plus compliqué encore pour des centaines de milliers d’étudiants. A la crainte de la fin du mois, de la maladie, de l’isolement, aux inégalités de confinement, le ministère a ajouté une pression scolaire accrue et l’amplification des inégalités.

Comment la continuité pédagogique pourrait ne pas nourrir les inégalités ? : suivre un cours avec un téléphone portable, ou avec une connexion wifi défaillante, sans bibliothèque personnelle relève d’une logique absurde, quand disposer d’un ordinateur à soi, d’une imprimante, ou même d’une chambre individuelle sont des biens très inégalement partagés. Les ENT fonctionnement mal, des familles n’ont pas un accès suffisant au numérique.
 
En réalité, la politique menée dans les universités est celle de la sélection sociale. Il était bien sûr important que les professeurs continuent à transmettre, à enseigner, mais les directives ont été avant out celles de continuer à noter et à évaluer. Vidal afiirme avoir pris pour les examens « les solutions les plus bienveillantes et les plus personnalisées ». Mais la question des partiels a surtout révélé le jusqu’au-boutisme des gouvernement et des directions d’universités. Alors que la crise économique et sanitaire pèse lourdement sur la jeunesse, qui occupe massivement les emplois précaires ou non déclarés, elle constitue une des première variables d’ajustement pour le patronat en pleine pandémie, contribuant encore à renforcer la précarité étudiante. La macronie a montré que le maintien coûte que coûte des examen est une priorité absolue. Le soir même où à l’université Pars 1, les élus étudiants de différentes organisations obtenaient un cadrage des examens impliquant de ne mettre aucune note en dessous de 10 , Vidal appelait les présidences d’université et faisait sortir une nouvelle ordonnance interdisant la validation de l’année pour ses étudiants. 
 

Derrière l’argumentaire de la « valeur du diplôme », une bataille idéologique entre deux visions de l’université

 
« La période des examens et des concours approche et je sais là aussi combien le calendrier et l’organisation des épreuves ont pu cristalliser vos inquiétudes : soyez convaincus que vos établissements et les services du ministère sont, une fois encore entièrement mobilisés pour que tout se déroule dans les meilleures conditions possibles dans le respect de l’équité et des exigences sanitaires  »
 
C’est par ces mots que Frédérique Vidal évoque le sujet des examens au cœur des polémiques dans de nombreuses universités. Que ce soit à Evry, Nanterre, en Lorraine, ou encore à Paris 1, le combat s’est mené entre d’un côté le camp défendant le fait que ce n’était pas aux étudiants de payer la crise et de l’autre les soutiens de la sempiternelle valeur du diplôme, défendue par le gouvernement.
 
Derrière la défense de la valeur du diplôme, c’est une bataille idéologique qui se joue, c’est la défense d’un projet par le gouvernement d’une université élitiste qui sélectionne et évalue. Si la valeur du diplôme est menacée ce ne sera pas en raison des modalités d’examens mais à cause de l’immense vague de chômage et de précarité qui attend la jeunesse.
La validation pour tous est une nécessité. La jeunesse va prendre de plein fouet la crise économique qui s’annonce. La politique jusqu’au boutiste des présidences témoignent de la stratégie du gouvernement à l’égard de la jeunesse. Évaluer aura pour conséquence d’éliminer des bancs des universités une partie des étudiants qui sont en première ligne de la crise : au travail, au chômage, en situation de précarité importante, matérielle et psychologique. 
 
Vidal appelle à la bienveillance,mais de quelle bienveillance s’agit-il ? Celle d’un gouvernement qui a envoyé des travailleurs au front sans protections, sans masques pour préserver les profits ? Celle d’un ministère de l’éducation, en lien direct avec le sien, qui a fait de l’école la garderie du Medef au détriment de la responsabilité sanitaire ? Ou c’est celle des professeurs de droit à l’université Paris 1 qui, soutenus par la présidence ont porté plainte au tribunal administratif contre un cadrage voté par ses propres instances ?
 
La période a révélé les traits anti-démocratique des instances universitaires. Les étudiants n’ont voix au chapitre que pour appliquer la politique du gouvernement, dans le cas contraire, tout est fait pour casser les décisions votées. A Evry, Nanterre, en Lorraine, à Paris 8 mais aussi à Aix et ailleurs, il a été demandé qu’en cette année de crise, les précaires ne payent pas le poids de son incompétence et ne soient pas virés des facs, le gouvernement leur a répondu par du mépris et des ordonnances.
 

Face aux mesurettes du gouvernement , défendons un programme qui correspondent à nos besoins

 
A la fin de sa lettre, la ministre de l’enseignement supérieur rend hommage « à celles et ceux qui se sont dévoués lors de cette épidémie » et appellent à ce qu’ils « puissent être publiquement récompensés pour leur engagement ». Ces travailleurs en première ligne face à l’épidémie- dans la grande distribution, dans la livraison à domicile- ce sont pourtant eux que le gouvernement tente de virer des universités en maintenant coûte que coûte des examens et en apliquant une politique d’écrémage social.
 
Avec le confinement, des milliers de jeunes ont été plongés dans une urgence vitale, celle de payer un loyer et de continuer à s’alimenter, qui devient complexe voire même impossible quand on a perdu son emploi du jour au lendemain. Fin mars 550 000 intérimaires ont été arrêtés, tout comme des dizaines de milliers de salariés en CDD, avec une très grosse partie de jeunes dans leurs rangs. Ces jeunes sont aussi ceux qui n’ont pas été concernés par les mesures de chômage partiel et sont ceux qui font la queue par milliers pour obtenir des aides alimentaires. A paris 1 et Paris 8 c’est plusieurs milliers d’étudiants qui ont fait la demande d’aide financière et alimentaire.
 
Alors Vidal fait sans frémir la liste des aides administrées par son ministère : 10 millions d’euros supplémentaires accordées au CROUS, exonération des loyers des étudiants ayants quitté leurs logements universitaires, paniers repas, bons alimentaires... il est pourtant évident que ces aides sont insuffisantes et ne permettent pas de répondre à la précarité dans laquelle est plongée la jeunesse aujourd’hui. Rappelons que ce gouvernement n’a pas hésité au début du confinement à fermer les Crous et à mettre des étudiants à la rue. La crise économique qui s’ouvre, va s’accompagner d’une augmentation brutale du chômage chez les jeunes renforçant encore la précarité dans laquelle est déjà plongée la jeunesse. Cette jeunesse qui travaille au black dans la restauration, comme auto-entrepreneur dans les pires entreprises que sont Uber, Deliverroo... qui n’ont jamais hésité à mettre la santé des travailleurs en danger pour se faire toujours plus d’argent. Ces aides ne sont que des arguments pour justifier une politique d’aides sociales du gouvernement. Ce sont autant de mensonges.
 
Edouard Philippe a annoncé une aide de 200 euros pour les étudiants précaires. Mais ce sont seulement les travailleurs déclarés qui toucheront cette aide, des milliers de jeunes au black n’y auront pas droit. De plus, 200 euros ce n’est pas même un loyer quand le confinement a duré plus de deux mois ...
 
Face à l’urgence, pour garantir la survie de la jeunesse, il faut un vrai programme, de vrais mesures. Une politique juste serait celle d’un grand moratoire sur les loyers, personne ne devrait choisir entre manger et payer un loyer à de grands groupes immobiliers ou propriétaires qui s’enrichissent sur notre dos. Pour tout les jeunes qui ont perdu leurs revenus c’est une allocation au niveau du smic qu’il fat réclamer. Le gouvernement n’a pas hésité à injecter des centaines de milliards pour les grands patrons, il n’a pas hésité à casser l’ISF mais refuse de mettre en place une politique d’aide pour la jeunesse. Les 500 familles les plus riches du pays détiennent l’équivalent de plus de 20% du PIB. C’est cet argent dont nous avons besoin aujourd’hui...

Mais surtout, à problème de fond il faut des solutions de fond. Comment peut-on accepter qu’en même temps que le chômage explose, le gouvernement veuille augmenter le temps de travail ?Aujourd’hui c’est d’un partage du temps de travail dont nous avons besoin, sans baisses de salaires pour permettre à chacun de vivre décemment.
 
Vidal conclue ainsi : « cette crise inédite a révélé en même temps que votre incroyable solidarité, la très grande fragilité de certains d’entre vous. Il nous faudra dans les mois à venir prendre ensemble le temps de faire le bilan de cette période pour dessiner le chemin de la société que nous souhaitons pour demain. C’est à vous aussi qu’il revient d’écrire cette page et je sais pouvoir compter sur vos idées, votre créativité et votre engagement comme vous pouvez compter sur mon total soutien. »
 
Le bilan qui devrait être fait aujourd’hui c’est celui de ce gouvernement, et plus encore de cette société : celui d’une casse du services publics et des université. Surtout nous n’oublions pas que ce sont leurs politiques qui sont responsables de la précarité de la jeunesse et de la difficulté avec laquelle elle a vécu la crise. L’Education nationale et la recherche, subissent ces dernières années, de la part des classes dirigeantes et dominantes, des attaques sans précédent.
 
Alors qu’une course contre la montre est lancée pour trouver un remède, l’état de l’enseignement et de la recherche est critique. Les politiques de recherche sont guidées par un modèle court-termiste de profit. L’exemple le plus frappant et le plus amère, étant donné la situation actuelle, est la baisse des financements dès 2004 pour les laboratoires travaillant sur les coronavirus après la crise du SRAS en 2003. En France, l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) n’a un budget que de 920 millions d’euros quand les grands groupes pharmaceutiques mondiaux ont des capitaux de plusieurs milliards d’euros qu’ils choisissent d’investir sur ce qu’ils jugent rentable.
 
La crise a révélé plus fortement encore l’impossibilité pour le gouvernement d’organiser cette société dans l’intérêt de tous. Il a défendu le camps qui est le sien, celui du profit, celui du patronat. Elle a aussi révélé la capacité de la jeunesse à faire face et à obtenir des victoires. A Paris 1 par exemple, le second semestre est validé pour l’ensemble des étudiants. N’en déplaise à Vidal et à son gouvernement cette victoire est un pas en avant non négligeable pour la jeunesse dans une période où tout les moyens sont bons pour lui faire payer une crise que les classes dominantes ont engendrées. Cela nous montre une nouvelle fois la nécessité de se battre et de s’organiser pour en finir avec un avenir de misère et de précarité.

 
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