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La Izquierda Diario
1er de juin de 2020 Twitter Faceboock

Rassemblement 2 juin
« C’est une expertise raciste et mensongère ». Retour sur quatre ans de combat de la famille Traoré
Enora Lorita

Depuis la mort de Georges Floyd, plaqué au sol et étouffé par un policier, des révoltes ont éclaté aux Etats-Unis contre les violences policières. Dans le même temps, en France, une nouvelle expertise médicale qui tente de disculper les policiers qui ont tué Adama Traoré par un placage ventral a été transmise au juge d’instruction. Retour sur quatre ans de combat acharné pour exiger la vérité et la justice pour Adama.

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Photo : AFP/KENZO TRIBOUILLARD

Adama est né le 19 juillet 1992, et décédé le 19 juillet 2016. Le jour de ses 24 ans, à Beaumont-sur-Oise, il tente d’échapper à un contrôle de police, n’ayant pas ses papiers sur lui. Quelques instants plus tard, les policiers le rattrapent et lui infligent un placage ventral, il mourra dans les heures qui suivent. Depuis cette date, s’est engagé un combat acharné de sa famille, et notamment de sa sœur, Assa Traoré, véritable figure de la lutte contre les violences policières, ainsi que du collectif Vérité pour Adama pour obtenir la vérité sur les circonstances de la mort du jeune homme.

Ainsi, de nombreuses expertises ont été demandées sur l’origine de la mort d’Adama, dont certaines, pour le moins bancale, ont tenté de déresponsabiliser les policiers mis en cause, pointant par exemple une supposée défaillance cardiaque du jeune homme. Au total, deux expertises, dont une exigée par la famille, ont écarté cette piste.

Début 2019, la famille d’Adama demandait en effet à quatre professeurs de médecine d’effectuer une contre-expertise qui fut cette fois sans appel. Les médecins ont clairement affirmé qu’aucune preuve médico-légale ne pouvait démontrer l’hypothèse d’une pathologie qui aurait causé la mort d’Adama : « le décès de Monsieur Adama Traoré ne peut être imputé ni à la sarcoïdose de stade II, qui ne nécessite aucun traitement et n’a aucun impact en termes de qualité de vie et d’espérance de vie, ni au trait drépanocytaire qui n’est pas une maladie, ni à la conjonction des deux ».

Au-delà des incohérences scientifiques, les médecins avaient également alerté sur le manque de déontologie des premiers experts, signalant que deux d’entre eux n’avaient « aucune compétence dans ces domaines » et soulignant que les notions médicales du rapport avaient été « improprement et faussement utilisées et leurs conclusions sont contraires aux connaissances et recommandations scientifiquement et internationalement validées ».

Puis, une autre expertise avait avancé que la course d’Adama pour échapper aux policiers et l’effort qu’il avait produit seraient à l’origine de sa mort. Une nouvelle fois, cette information avait été démentie par l’enquête : la conclusion médicale indiquait en effet que le jeune homme était décédé à la suite d’une course de 18 minutes sur 437 mètres, alors qu’il faut pour un adulte moyen environ 5 minutes pour parcourir cette distance en marchant et que rien d’indiquait sur les vidéos de surveillance qu’il avait fait un tel effort physique. 

En mars 2019, les juges d’instruction annoncent qu’une nouvelle expertise aura lieu. Pourtant, comme le souligne le Comité Adama, cette dernière expertise qui affirme qu’Adama souffrait d’une pathologie qui aurait été à l’origine de son décès, est truffée d’incohérences. D’une part, la temporalité est étrange : les juges ne désignent des experts qu’en novembre 2019, soit plus de 8 mois après l’annonce des juges.

L’examen du dossier n’aurait commencé que le 11 février 2020, ce qui aurait laissé seulement un mois et demi aux experts et laisse imaginer que cette expertise n’est pas sérieuse, alors que les médecins des précédentes expertises y avaient passé plusieurs mois.

De plus, les experts en question n’avaient pas les compétences médicales pour analyser la question des potentielles pathologies d’Adama, à savoir la sarcoïdose et la drépanocytose, qui sont maladies très spécifiques. Les experts en question, qui n’ont aucune compétence en cardiologie, ont affirmé qu’Adama souffrait d’une pathologie cardiaque, alors que cette hypothèse avait déjà été rejetée par un expert cardiologue.

Dans leur rapport, ils affirment que Adama Traore serait décédé d’un œdème cardiogénique tout en affirmant « nous ne retrouvons pas de pathologie évidente expliquant cet œdème ». C’est ainsi qu’ils excluent de façon totalement incompréhensible la responsabilité des policiers et de l’asphyxie positionnelle, expliquant «  nous avons déjà une autre cause de décès, soit l’œdème cardiogénique, ce qui élimine donc le diagnostic d’asphyxie positionnelle ».

C’est cette énième expertise, truffée d’incohérences, qui conduit le Comité Adama a appeler à un rassemblement devant le Tribunal Judiciaire de Paris, le 2 juin à 19h.

L’affaire Adama fait tristement écho aux méthodes qu’utilise la police de Minneapolis pour se déresponsabiliser du meurtre de Georges Floyd. De la même façon, les conclusions de l’expert médical soulèvent qu’il n’y a « pas de preuves physiques qui permettrait d’établir un diagnostic d’asphyxie traumatique ou d’étranglement » et que « M. Floyd avait des antécédents de santé, incluant une maladie à l’artère coronaire et des problèmes cardiaques d’hypertension ».

Au-delà du combat pour exiger la vérité sur les circonstances exactes du décès d’Adama, et la responsabilité des policiers, il est aussi nécessaire de souligner l’acharnement judiciaire et politique qui s’abat sur toute la famille Traoré depuis des années. Plusieurs frères d’Adama ont été condamnés et incarcérés : Bagui, Yssoufou, Yacouba et Samba. Bagui a notamment été mis en examen pour tentative d’assassinat sur personne dépositaire de l’autorité publique, sans aucune preuve, arrêté une nuit de révoltes à Beaumont-sur-Oise en réaction à la mort d’Adama.

Pour toutes ces raisons, Révolution Permanente co-organise le rassemblement appelé par le Comité Adama le mardi 2 mai à 19h devant le Tribunal Judiciaire de Paris, Porte de Clichy, pour montrer que les Etats-Unis n’ont pas le monopole des meurtres policiers, que c’est la même violence policière et la même impunité qui s’abattent partout dans le monde contre les classes populaires, les afro-descendants, les noirs et les personnes issues de l’immigration. Un rassemblement auquel il faudra être présents massivement, et dans lequel le nom de Georges Floyd et les images des mobilisations aux Etats-Unis devraient être omniprésents.
 

 
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