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La Izquierda Diario
5 de juin de 2020 Twitter Faceboock

“la réincarnation de l’esclavage”
Racisme aux Etats-Unis. Les Africains-Américains constituent un tiers de la population carcérale
Irène Karalis

Depuis les années 2000, les États-Unis ont le taux d’incarcération le plus élevé au monde, avec plus de prisonniers que la Chine et la Russie réunies. En 2017, les États-Unis comptaient 25% des prisonniers de la planète pour 5% de la population mondiale. Ce chiffre exorbitant pose une fois de plus la question profonde de l’institution pénitentiaire et de son rôle dans la société capitaliste, mais aussi du racisme qui lui est consubstantielle : alors qu’un Américain sur 10 est noir, un prisonnier sur 3 est Africain Américain.

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Crédits photo : Zarita Zevallos, Pariah, 2018

La surreprésentation des Africains Américains

Alors que dans le monde, on assiste à une résurgence du mouvement Black Lives Matter, la taux d’incarcération des Afro-Américains aux États-Unis montre une fois de plus le caractère raciste des institutions bourgeoises, en particulier du combo police, justice, prison. Bien que les chiffres varient selon les sources, le taux de prisonniers africains américains est trois fois plus élevé que le taux d’africains américains dans la population américaine au total. En effet, alors que les africains américains constituent 12,9% de la population américaine, 34% de la population carcérale est noire selon le Bureau of Justice Statistics, et 37% selon Prison Insider. Alors qu’un Américain sur 10 est noir, un prisonnier sur 3 est donc africain américain.

Plus encore, sur les 80 000 détenus placés en cellule d’isolement, la majorité sont des hommes africains américains. Le traitement cruel et inhumain qui leur est infligé est un moyen de leur imposer des privations mentales et physiques qui continuent à avoir des conséquences après leur libération. C’est cette déshumanisation que la photographe Zarita Zevallos aborde dans sa série de photos intitulée Pariah, sur laquelle Prison Insider a consacré un article. Pour la photographe, “Pariah raconte l’histoire d’hommes et de femmes noir·e·s opprimé·e·s, mis·e·s au ban par un gouvernement qui cherche toujours à les contrôler ou les éliminer. Des délits mineurs se terminent en prison à vie, et le condamné portera toujours, même après sa libération, cette marque de criminel. C’est cette réalité que j’explore à travers mon œuvre. Les modèles, par leur gestuelle, retranscrivent les émotions des détenus, et le fil barbelé qui les entrave représente cette cage dont les prisonniers ne s’échappent jamais tout à fait.

Pour citer Angela Davis, l’incarcération constitue, d’une certaine manière, “la réincarnation de l’esclavage”. Après l’abolition de l’esclavage et l’abolition des lois de ségrégation aux États-Unis, la prison est un moyen de continuer la domination sur les africains américains. Selon la photographe Zarita Zevallos, “on continue à appliquer la méthode de Willie Lynch qui expliquait comment dominer mentalement l’homme noir pour que les esclaves restent des esclaves. C’est ce qu’est la prison aujourd’hui aux États-Unis. On les met de force dans un système qui ne pourra jamais leur profiter. Pourquoi y a-t-il plus d’hommes noirs en prison que n’importe quelle autre ethnie ? Pourquoi l’homme noir est-il plus sévèrement puni que l’homme blanc ? On parle d’abolition de l’esclavage, mais il perdure de nos jours, sous les traits de l’incarcération. Il faut comprendre que les prisons n’ont jamais été pensées pour ‘corriger le comportement’, mais plutôt pour le contraire, et pour faire de l’argent.

L’impossible réforme des prisons

En effet, un rapport publié en décembre 2017 par le rapporteur spécial des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme a indiqué que le système judiciaire américain visait à garder des personnes dans la pauvreté et à générer des revenus. Loin d’aider à la réinsertion des détenus, le système pénitentiaire constitue un outil de domination de classe qui reproduit et accentue le racisme au même titre que l’armée ou la police et exerce le pouvoir de répression de l’État bourgeois. À ce titre, la fonction pénitentiaire constitue le prolongement du bras armé de l’État et de sa police. La prison démontre de jour en jour son caractère mortifère par les nombreux suicides de détenus et la violence des matons sur les prisonniers qui encouragent les rapports de domination et d’oppression entre les prisonniers eux-mêmes. La prison enfonce en réalité les détenus dans une disposition à la délinquance, le milieu carcéral étant une machine à fabriquer de la violence et de la frustration.

En réalité, le système pénitentiaire pose une question fondamentale de société. Impossibles à réformer, il s’agirait plutôt de se soucier de vider les prisons et surtout de ne pas avoir à les remplir. Comme nous l’écrivions dans un précédent article, “dans un contexte où les inégalités sociales se creusent, où les plus démunis sont précarisés ou marginalisés, le tout-répression ne cesse de se développer, encouragé par les lois toujours plus autoritaires. En conséquence, les prisons ne peuvent que regorger et prendre un visage de plus en plus barbare.”

 
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