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La Izquierda Diario
11 de juin de 2020 Twitter Faceboock

Soutien au plan Macron-Merkel : « Pas en notre nom » !
CGT : Le soutien de Martinez au plan Macron-Merkel passe mal en interne
Claude Manor

Un article paru dans le Canard Enchaîné du 10 juin fait état de fortes tensions au sein de la CGT. Depuis que Martinez s’est joint au syndicat allemand DGB et aux principaux syndicats français pour soutenir la relance capitaliste, plusieurs fédérations et UD s’insurgent et dénoncent. Un enjeu majeur pour l’orientation de la principale organisation du mouvement ouvrier.

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Crédit photo : STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

“Pas en notre nom !” déclarent les opposants au plan de relance

Dès l’annonce par Macron et Merkel de la politique « solidaire » de relance européenne concoctée pour défendre le marché unique et peser face à la Chine et aux États-Unis, « les directions syndicales n’ont pas hésité à soutenir et encourager explicitement la politique européenne de Macron en la peignant aux couleurs de “l’Europe sociale” ». Dès le 20 mai, les principaux syndicats français, à l’exception de Solidaires, signaient en effet, aux côtés du très puissant et très intégré syndicat allemand DGB, une déclaration commune louant le plan de relance et sollicitant le relais, par la commission Européenne, de cette heureuse initiative.

Si voir la signature de Berger (CFDT), Escure (UNSA), Chabanier (CFTC), n’a pas beaucoup surpris, celle de Martinez a soulevé un tollé parmi un bon nombre de militants de la CGT et suscité, dans la foulée, une opposition ouverte de plusieurs fédérations comme celles de la Chimie, du Commerce ou des Services, ou d’UD comme les Bouches du Rhône ou le Val-de-Marne. Sans mâcher leurs mots, ils ont accusé Martinez, ainsi que le rapporte le Canard Enchaîné de « relancer la machine infernale de l’accumulation capitaliste contre les peuples ».

Le 28 mai, franchissant une étape supplémentaire et directe dans l’affrontement au secrétaire Général, la fédération de la CGT Énergie Paris EDF-GDF lui adresse un courrier dont l’objet indiqué est : « texte du 20 mai des 5 centrales syndicales françaises et du DGB Allemand » et qui se conclut par la formule lapidaire :« Cher Philippe, tu n’as pas signé en notre nom ! ». Au-delà des rivalités d’appareil et des querelles de succession, c’est de manière plus militante et politiquement plus fondée, que ce courrier renvoie le secrétaire général aux responsabilités qu’il a prises à l’encontre de l’intérêt des travailleurs en signant cette déclaration commune.

Ce que reprochent les opposants CGT au plan de relance Macron-Merkel-Martinez etc…

Tout d’abord, l’adresse à Martinez souligne que « revendiquer une stratégie de relance qui aille au-delà des 500 milliards d’euros » (ce sera finalement 750 milliards), signifie que c’est bien, mais qu’il faut aller plus loin.
La lettre pointe ensuite, sur un ton ironique, le caractère délibérément capitaliste et anti ouvrier de la politique de la dette partagée et du plan de relance : « Il ne t’a pas échappé que ces 500 milliards seront destinés exclusivement au patronat ainsi qu’à l’économie capitaliste et non pas aux travailleurs ni aux services publics, notamment la santé. »

Voilà pour les « bénéficiaires ». Quant aux « financeurs » et à l’origine de ces fonds, la fédération Énergie Paris rappelle que ces sommes seront empruntées par les États aux banques privées sur les marchés financiers et que la dette et ses intérêts seront payés en grande partie sur le dos des travailleurs français et allemands. La conséquence sera pour les travailleurs la poursuite et l’aggravation des politiques libérales de baisse des salaires, de casse du code du travail et de destruction des services publics. » Ce qui amène les auteurs du courrier à poser la question fondamentale : « la direction confédérale CGT valide-t-elle le plan de relance Franco-allemand ? ».

Au-delà du plan de relance, c’est finalement sur la place accordée à l’Union Européenne que le courrier interpelle Martinez, dénonçant le fait que la déclaration dont il est co-signataire “ plaide pour un instrument d’emprunt garanti par l’UE… et [estime] que les états membres doivent emboîter le pas à cette proposition franco-allemande”. Il rappelle que « ce sont bien les politiques menées par l’Union Européenne et relayées par les gouvernements français depuis 30 ans, qui ont explosé le monde du travail et qui sont à l’origine de toutes les luttes menées par les bases CGT. » La condamnation est sans appel : « Ce texte, de façon honteuse et mensongère, place donc l’UE comme principal outil présent de protection pour les travailleurs et travailleuses européens. »

En jeu : l’indépendance syndicale à l’échelle nationale et européenne

Un tel débat, s’il traverse en premier lieu les militants de la CGT, pose de manière plus large au mouvement ouvrier la question déterminante de l’indépendance des syndicats par rapport au patronat et à son support, l’État. Un soutien quasi inconditionnel de la politique européenne de Macron-Merkel sur des bases souverainistes, dans le cadre de la France ou plus largement de l’Europe, est notoirement contraire à une approche syndicale appuyée sur la lutte de classe et l’indépendance des organisations du mouvement ouvrier à l‘échelle internationale.

Il faut, sur ce point, rappeler que c’est à l’initiative du syndicat allemand DGB qu’a été lancée cette déclaration commune qui fait, à juste titre, scandale. Le DGB, comme tous les syndicats signataires, CGT comprise, est adhérent à la Confédération Européenne des syndicats qui regroupe les organisations représentatives de 39 pays européens. C’est en 1999, dans le cortège des effets de la chute du mur de Berlin, que la CGT a rejoint la CES fondée en 1973. C’est évidemment dans ce cadre que l’initiative de la déclaration commune doit être resituée. La vocation officiellement déclarée de la CES est de « promouvoir le modèle social européen et d’œuvrer au développement d’une Europe unifiée de paix et de stabilité au sein de laquelle les travailleurs et leur famille peuvent pleinement profiter des droits humains et civils et de hauts niveaux de vie. » Ce modèle social est défini comme « combinant une croissance économique soutenable accompagnée de niveaux de vie et de travail en hausse constante y compris le plein emploi, la protection sociale, l’égalité des chances, des emplois de bonne qualité, l’inclusion sociale et un processus de prise de décisions politiques qui implique pleinement la participation des citoyens. » : ni plus ni moins que la conciliation des inconciliables, la négation des oppositions et des luttes de classes, la consécration du partenariat social et de l’intégration progressive des syndicats à l’Etat et à la collaboration de classes et l’absence de toute crise de ce modèle « indépassable ». Le dialogue social, en est l’avatar local auquel le gouvernement est contraint de recourir plus que jamais en cette période de crise aiguë, le soutien au plan Merkel-Macron en est le couronnement à l’échelon européen auquel Martinez, comme les autres, s’est prêté.

Les travailleurs et les populations opprimées ont décidément beaucoup d’occasions, ces derniers temps, de tirer des leçons accélérées de l’histoire. Les militants syndicaux lutte de classe devront être en première ligne pour contribuer à cette prise de conscience et à sa traduction en actions.

 
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