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La Izquierda Diario
12 de juin de 2020 Twitter Faceboock

A Seattle des manifestants établissent la « zone autonome de Capitol Hill »
Léon Sidhoum

Des manifestants ont proclamé une zone autonome de quelques pâtés de maison à Seattle après des journées d’affrontement avec la police. Elle a fait les gros titres après que Trump a appelé à reconquérir la ville de Seattle aux anarchistes.

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A Seattle (État de Washington), les manifestations ont commencé trois jours après celles de Minneapolis. La brutalité de la répression a attiré l’attention dans tout le pays, notamment lorsqu’une fillette d’à peine 10 ans a été aspergée de gaz lacrymogène par la police. On a pu y voir un policier appréhender un manifestant avec la même technique que celle qui a été utilisé lors du meurtre de George Foyd. Les policiers ont également détruit du matériel médical appartenant aux manifestants et, alors qu’ils étaient interdits depuis le 5 juin, n’ont pas hésité à faire un usage massif de gaz lacrymogènes seulement deux jours plus tard. Les manifestants se sont adaptés pour faire face à cette répression. S’inspirant des soulèvements de Hong kong, ils ont utilisé des parapluies pour détourner les gaz lacrymogènes, rassemblés des cônes de signalisation et des bouteilles d’eau pour éteindre les cartouches de gaz lacrymogènes et enfilés des masques à gaz afin de faire face à l’arsenal de la police. La confiscation d’un parapluie rose par la police a rendu cet objet iconique du mouvement dans la ville. Cette situation a créé des remous au sein du conseil municipal, certains élus revendiquant la démission de la mairesse démocrate Jenny Durkan. Ces tensions ont conduit la police et la garde nationale à abandonner et barricader un commissariat dans l’Est de la ville.

Un groupe de militants anarchistes ont déplacé les barricades de la police pour établir un périmètre autour de six pâtés de maisons des environs pour former la zone autonome de Capitol Hill (CHAZ). Les personnes à pied peuvent se déplacer librement, mais les barricades empêchent les voitures d’accéder à la zone - une précaution importante, étant donné les multiples attentats de policiers, de suprémacistes blancs et d’autres contre-manifestants se servant de leurs véhicules comme une arme pour traverser les foules. Le commissariat du SPD (Seattle Police Department) a été rebaptisé Seattle People’s Department.
Craignant des pillages, les services de police et d’incendies de Seattle ont lancé un avertissement aux entreprises environnantes de Capitol Hill sur la possibilité d’incendies criminels. Mais cette nuit-là, les manifestants ont pacifiquement pris le contrôle des pâtés de maison autour du commissariat. La zone contient un mémorial à George Floyd, de la nourriture gratuite et de l’eau ainsi que des produits sanitaires et du matériel de protection nécessaire en période de Covid. L’ensemble est mis à disposition des sans-abri qui restent à proximité. Actuellement, le gouvernement de Seattle n’envoie pas la police pour reprendre l’espace, et certains organismes municipaux ont été contraints de fournir des infrastructures de première nécessité telles que des toilettes portables.

Les occupants de Capitol Hill ont publié une liste de 30 revendications. Une partie importante des revendications avancent vers l’abolition de la police et du système carcéral très justement défini comme impossible à réformer dans la déclaration. Y est avancée notamment la nécessité de l’auto-organisation de la population pour assurer les tâches d’auto-défense. Les revendications restantes portent sur des questions économiques ,comme le contrôle des loyers et l’université gratuite, des mesure pour réduire les disparités raciales dans l’éducation et l’accès à la santé.
 
Seattle est une ville qui s’est particulièrement gentrifiée ces dernières années de par l’implantation de géants du numérique comme Microsoft. Cette gentrification a pour conséquence principale d’accentuer les disparités sociales au sein de la métropole ; notamment auprès des jeunes travailleurs et étudiants qui peinent à se loger et à boucler les fins de mois. La forte augmentation du coût de la vie explique en partie pourquoi des revendications sociales fleurissent rapidement en lien avec les problématiques policières et de justice.
 
Si cette occupation fait les gros titres de la presse américaine, c’est parce qu’elle incarne de manière visible le fait que des secteurs du mouvement actuel (hétérogène, disparate de par sa spontanéité et son caractère de masse) refusent les appels aux calmes de la part de la direction de Black Lives Matter à travers un appel implicite au vote démocrate pour les prochaines élections. Sachant que sous la précédente investiture démocrate d’Obama les violences policières raciales ont été particulièrement forte. De plus en plus de manifestants pointent cette contradiction.
 
L’appareil de captation historique des contestations progressistes aux États-Unis, à savoir le parti démocrate, est remis en cause, même si le vote pro-Biden risque d’être perçu sinon comme un débouché au moins comme un mal nécessaire pour un nombre important de manifestants. Des secteurs de gauche de la mobilisation cherchent donc des issues en dehors des institutions. Ce phénomène s’exprime y compris au sein de Black Lives Matter où la section de Seattle a émis un appel exemplaire à la grève générale dans l’Etat de Washington pour le 12 juin, un État industriel où est notamment implanté Boeing qui procède actuellement à des licenciements massifs, 10.000 emplois étant supprimés.

Ce phénomène d’occupation des rues tend encore la situation après que Trump a interpelé l’administration municipale de Seattle (dirigée « par la gauche radicale » selon lui) à chasser les anarchistes qui tiendraient la ville, menaçant de la reprendre. Un sujet qui rouvre la polémique et la concurrence entre le pouvoir fédéral et les maires et gouverneurs sur l’envoi de la garde nationale. Paradoxalement, les sorties de Trump offrent des occasions pour les mairies démocrates de se repoudrer à peu de frais d’un peu de radicalité. Il est cependant clair que les occupations ne seront pas suffisantes pour impulser des changements profonds dans l’Etat américain. Cette occupation soulève la nécessité de porter le combat au sein du monde du travail, notamment au sein des grandes entreprises telles que Boeing mais aussi de toutes les grandes entreprises du numérique qui entourent la ville de Seattle.

 
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