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La Izquierda Diario
24 de juin de 2020 Twitter Faceboock

Vers des baisses de salaires ?
Le gouvernement veut généraliser l’accord de chômage partiel prolongé déjà signé dans la métallurgie
Gabriella Manouchki

Avec la crise qui s’approfondit, le gouvernement et le patronat se félicitent du « dialogue social » établi avec la CFDT, FO et la CFE-CGC dans la métallurgie : une loi pourrait être votée, reprenant l’accord signé entre les lobbys et ces trois directions syndicales de la métallurgie qui prévoit un dispositif de chômage partiel longue durée pris en charge par l’État, c’est-à-dire une baisse des salaires compensée par de l’argent public sans garantie de maintien des emplois à plus long-terme.

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©Illustration/Pixabay

C’est dans un article du journal pro-patronal L’Opinion que l’on apprend que le modèle d’un accord signé dès le 18 mai dernier au sein de la branche de la métallurgie devrait être généralisé au travers d’une loi émanant du gouvernement, et concerner ainsi l’ensemble des entreprises Concocté par les grands patrons de la métallurgie, puis négocié d’un côté par l’organisation patronale qu’est l’Union des Industries et Métiers de la Métallurgie (UIMM) et de l’autre par la direction de la branche métallurgie de la CFDT, de FO et de la CFE-CGC, cet accord « permet aux entreprises touchées par la crise de réduire le temps de travail, mais aussi les salaires, la différence de rémunération étant prise en charge par l’Etat ». Autrement dit, derrière le discours du « moindre mal pour éviter les licenciements », l’accord mis en place dans la métallurgie est en réalité le modèle d’une attaque profonde faite aux travailleurs, qui consiste à préparer le terrain vers une baisse générale de leurs salaires via un chômage partiel de longue durée compensé provisoirement par l’État et sans assurer qu’il n’y aura pas de PSE à l’issue de ce dispositif.

Un objectif : faire payer la crise aux travailleurs

Premièrement, le dispositif modélisé dans la branche de la métallurgie et cyniquement appelé « ARME » (Activité Réduite pour le Maintien de l’Emploi), laisse complètement intactes les profits des patrons. Si les travailleurs doivent se serrer la ceinture, c’est bien parce que le patronat entend maximiser ses profits pour être en bonne position sur le marché international à l’aube d’une crise économique d’ampleur mondiale. Alors que l’industrie métallurgique génère des milliards d’euros de chiffre d’affaire par an, les grands patrons appellent l’État au secours pour financer leurs pertes avec de l’argent public. Le président de l’UIMM Philippe Darmayan, qui est aussi le dirigeant de la filiale française du géant ArcelorMittal, assume : « Moi, je fais confiance aux chefs d’entreprise. Je n’appelle pas à ne plus verser de dividendes, je dis qu’il y a des entreprises qui font appel aux ressources de l’Etat pour passer la crise, il y en a qui ne le font pas. ». Mais quel intérêt pour les patrons de baisser leurs dividendes quand un accord à l’échelle de toute leur branche, voire de toute l’industrie, leur permet de faire payer la crise aux travailleurs ? En effet, au travers de ce dispositif de chômage partiel longue durée financé par l’État, c’est l’argent des impôts qui est utilisé pour limiter, du moins dans l’immédiat, des plans de licenciements massifs.

Ensuite, il faut voir que cet accord qui semble aller dans le sens d’un « maintien des emplois » cache en réalité la volonté des patrons et du gouvernement de retarder le plus possible l’explosion de la crise économique, afin de limiter une potentielle explosion des colères. En effet, rien dans cet accord ne garantit que des PSE ne pourront pas être utilisés à l’issue de ce dispositif de chômage partiel. En ce sens, on retrouve le même principe que les APC qui commencent à tomber dans l’aéro, comme chez Derichebourg : il s’agit, au nom du « maintien de l’emploi », de faire passer des attaques avec des accords de prolongation du chômage partiel et, in fine, des baisses de salaires. Par ailleurs, l’Opinion précise : « au sein d’une même entreprise, certains secteurs pourront bénéficier du dispositif ARME (par exemple les activités de production, pour protéger les compétences), mais les fonctions support pourront faire l’objet d’un PSE. Pas facile à expliquer aux salariés. » De plus, la loi qui reprend cet accord doit encore être précisée par des décrets, et il y a fort à parier que l’engagement de maintien de l’emploi pendant la durée du dispositif aura disparu des négociations à l’échelle de branche ou d’entreprise. Pour résumer : alors que les patrons devraient être les premiers et les derniers à mettre la main à la poche, ce sont les travailleurs qui, indirectement, vont payer le maintien de leurs propres emplois au travers de l’argent public investi dans la compensation des salaires, tout en restant sous la menace de licenciements dans les mois et années à venir.

Les directions syndicales au coeur du « dialogue social » en pleine crise économique, ou le rêve de la Macronie

Il est intéressant de noter comment la négociation « paritaire » entre les « partenaires sociaux » a ici été employée par le patronat et le gouvernement pour légitimer une profonde attaque contre notre classe, dans le secteur de la métallurgie et dans le but de la généraliser en la consacrant dans le code du travail. L’Opinion explique que dès le mois d’avril, un « groupe de travail » a été créé au sein du lobby France Industrie, à l’initiative de son président Philippe Varin et du ponte de la métallurgie Philippe Darmayan qui en est également membre. Ce lobby dans le lobby, qui « réunit différentes branches (textile, agroalimentaire, chimie et métallurgie) et plusieurs DRH de grosses entreprises », se donne pour objectif de définir une stratégie inspirée des méthodes employées par le patronat allemand pour « arbitrer en faveur du maintien dans l’emploi plutôt que du niveau des salaires, alors que traditionnellement, la France fait le choix contraire », précise l’Opinion. Et de poursuivre : « Quand ce groupe patronal adopte un schéma de chômage partiel longue durée, il sait que ce dispositif aura plus de poids s’il est adoubé de manière paritaire. Et la métallurgie paraît la mieux placée pour négocier avec ses syndicats : elle emploie la moitié des effectifs de l’industrie, et elle a une tradition de dialogue social. »

Suite à cela, les patrons de la métallurgie ouvrent chaleureusement les portes de la négociation aux directions syndicales représentatives de ce secteur, qui ne manquent pas de s’y jeter. Si la CGT a refusé de signer l’accord, elle a cependant participé aux négociations qui ont permis de légitimer ce dernier. Pire encore : FO métaux aurait sollicité l’UIMM dès le mois de février « pour imaginer une boîte à outils face à la crise », comme si les solutions pour les travailleurs pouvaient se trouver entre les mains des patrons qui les exploitent. Parallèlement à la trahision de FO chez Derichebourg, il s’agit là d’une nouvelle preuve de la position au mieux conciliatrice et au pire directement pro-patronale des directions syndicales. En allant négocier avec les patrons de leur branche d’activité, elles se retrouvent à participer à des transformations normatives majeures, qui visent à précariser l’ensemble des travailleurs de l’industrie. « Un exemple de dialogue social de qualité rappelant le modèle allemand comme Emmanuel Macron les aime », résume l’Opinion au sujet du processus de négociation du dispositif ARME.

Si les modalités de cette loi sur la généralisation de l’accord adopté dans la branche de la métallurgie devraient être précisées dans les jours à venir avec l’ouverture de nouvelles négociations, on peut déjà voir à l’œuvre certains mécanismes développés par la classe dirigeante pour préparer des baisses de salaires et des licenciements tout en essayant de contenir la colère. La conciliation de classe est une arme redoutable pour le patronat et le gouvernement contre les droits de travailleurs. Alors que les premiers effets de la récession économique historique qui va frapper notre classe à l’échelle internationale se font sentir, comme on a pu le voir avec les premiers PSE et APC dans l’industrie française et dans les secteurs qui y dont directement liés (tels que les compagnie aériennes), l’auto-organisation des travailleurs autour d’un programme de lutte est une nécessité pour rompre avec le dialogue social. Zéro licenciement, zéro baisse de salaire et coordination des luttes : voilà les revendications minimales qui devraient être portées par les syndicats dans la période que nous traversons ! Si les directions syndicales ne sont pas capables de prendre en charge ce combat, c’est une tâche qui nous incombe au sein des syndicats et au delà, comme l’ont fait les travailleurs de Derichebourg Aero qui se sont organisés en collectif pour contrer la politique conciliatrice de FO.

 
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