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La Izquierda Diario
1er de juillet de 2020 Twitter Faceboock

La santé en colère
Bordeaux. Le service de réanimation cardiaque en grève pour des revalorisations de salaires et plus de moyens
Petra Lou
O. R.

Depuis lundi, le personnel de réanimation cardiaque à l’hôpital Haut-Lévèque est en grève illimitée : conditions de travail très difficiles, précarisation de travailleuses dans un service majoritairement féminisé, manque de matériel et de personnel... après les discours démago de la macronie, les hospitaliers expriment leur ras-le-bol !

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La crise sanitaire du covid-19 a mis en lumière aux yeux de tous les conditions déplorables dans lesquelles travaillent les travailleurs de la santé. Les applaudissements de solidarité de la population tous les jours à vingt heures ont montré leur rôle essentiel dans la société, en décalage avec leurs véritables conditions de travail, qui se dégradent toujours plus. Le gouvernement s’est montré plus que jamais hypocrite dans ses discours démagogues envers les hospitaliers qu’il a qualifié de « héros de la nation », mais sans donner suite à ses promesses, comme la prime covid qui ne sera pas pour tout le monde, et qui est bien loin d’être suffisante.

Cela a donné un élan à la colère et le ras-le-bol généralisé dans l’hôpital public, et privé, où plusieurs milliers de soignants, brancardiers, infirmiers, cardiologues, etc, ont manifesté dès le déconfinement pour montrer leur mécontentement, avec des initiatives locales de grève et manifestations. Le 16 juin, à Paris et dans d’autres villes, les grévistes se sont fait réprimer durement par les forces de police, montrant au grand jour la volonté du gouvernement de faire taire les grévistes, travailleurs ayant acquis une forte légitimité auprès de la population.

Pour cette journée de mobilisation de la santé, près de 300 personnes se sont réunies à Bordeaux, une baisse de la mobilisation grandement due au silence des directions syndicales locales. Au premier CHU de France, celui de Pellegrin, dans une région qui n’a pas été des celles les plus touchées par l’épidémie, les conditions de travail restent très précaires pour les hospitaliers. Cependant force est de reconnaître que cette mobilisation n’a pas été à la hauteur du combat a mener ce mardi 30 juin. Le rassemblement bordelais n’a réuni que peu de personnes avec un taux de grévistes en baisse. Mais dans cet échec il faut y voir non pas celui des travailleurs mais bien celui des directions syndicales qui semblent plus occupées à négocier avec le gouvernement au travers du SEGUR. Cette illusion qui, de fait, ne donnera aucun plan d’investissement massif pour l’hôpital et qui laisse les travailleurs sans plan de bataille pour gagner sur leur revendications légitime et faire reculer la logique antisociale dominante.

A Bordeaux, l’appel à la mobilisation n’a pas été relayé par l’ensemble des branches syndicales du premier employeur de la région et du plus grand CHU du pays. Bien que la CGT ait appelé tardivement a un rassemblement sur la place de la mairie en ce mardi matin ce fut un appel avec peu d’échos, un appel formel qui ne fait que confirmer la ligne de la CGT : la négociation parlementaire, avec des ‘coups de pression’, lorsque ceux ci sont possibles et non une bataille sans concession contre la casse de l’hôpital public. D’une autre part, aucun appel de SUD, de FO ou de la CFDT. Un silence et un appel vide qui ont évidemment joué un rôle central dans la baisse de la mobilisation du 30 juin.

Depuis ce lundi, les personnels du service de réanimation chirurgicale cardiaque de l’hôpital Haut-Lévêque, situé à Pessac mais rattaché au CHU de Bordeaux, sont en grève illimitée. Ils dénoncent des conditions de travail de plus en plus difficiles, ainsi que les promesses non tenues par leur direction : en 2019 une prime mensuelle leur avait été promise, et il vient d’être annoncé qu’elle ne leur sera pas reversée. « On nous demande d’aller de plus en plus vite  » nous raconte une infirmière en réa cardio, en ajoutant : « maintenant à l’hôpital, il faut faire du chiffre, notre DRH est un technocrate, qui n’en a que faire des conditions des patients et de nos conditions de travail à nous  ».

La crise sanitaire s’est rajoutée à un hôpital public déjà en sur-tension avec des moyens humains et matériels insuffisants. Aujourd’hui, la prime « covid » qui avait été promise pour ces « héros » est remise en cause par les hospitaliers eux-mêmes ; celle-ci ne sera pas reversée pour tout le monde, et pas à la même somme, ce qui engendre une injustice entre les différents services, étant « distribuées arbitrairement et qui mettent les employés en compétition ». Au service de réanimation cardiaque, c’est 500 euros pour ces 90 infirmières, alors qu’elles ont été en première ligne avec des patients avec pathologie aggravée. Elles nous racontent qu’elles font aujourd’hui face à une sorte de deuxième vague, puisqu’elles récupèrent l’ensemble des patients qui ne se sont pas présentés aux urgences pendant le pic de l’épidémie, qui aujourd’hui sont dans un état grave.

Des conditions toujours plus difficiles, sans moyens humains et matériels pour faire son travail dignement : « le personnel est aujourd’hui sur les rotules » nous dit Didier Bachellerie, technicien de laboratoire et délégué syndical pour la CGT.

Comme le personnel hospitalier en général, le personnel du service de réanimation est majoritairement féminisé. Jeunes, mères de famille, même après 20 ans de carrière nous raconte une infirmière, elle touche 1500 euros en ayant un enfant, ne pouvant d’ailleurs toucher aucune aide pour les rentrées scolaires, la cantine, etc. Pendant le covid, pour celles qui ont des enfants, c’est la débrouille, quand souvent on n’a pas les moyens de payer une nounou, car de nombreuses travailleuses sont dans une situation très précaire. Sur le piquet de grève, au rond point de l’hôpital Haut-Lévèque, des dizaines d’enfants accompagnaient leur maman, avec écrit sur la blouse : « Je soutiens ma maman et ses collègues ». « Il y a des collègues qui font 100 kilomètres pour venir, ne pouvant pas se loger plus à proximité de l’hôpital » nous témoigne une infirmière en réanimation.

À Haut-Lévèque, ce sont depuis lundi environ 70 travailleuses sur un service d’une centaine de personnes qui se sont mis en grève, sans compter les congés et arrêts maladies. Mais la direction menace les grévistes en envoyant des huissiers pour assigner certains grévistes pour le service minimum.

Il faut rappeler que mi-mars, la direction du CHU de Bordeaux avait lancé une cagnotte pour payer du matériel nécessaire à la gestion de crise dans le but de financer 70 respirateurs en se disant prête à accueillir la vague de patients dans les semaines suivantes. Mais dans tous les services il manquait toujours, les semaines d’après du matériel pour faire face au virus. Sans aucun scrupule, la direction du CHU a instrumentalisé un discours de solidarité pour en réalité financer des respirateurs que l’État devrait massivement fournir, à l’heure où il donnait des milliards pour le patronat. Cette cagnotte, les soignants, et hospitaliers de l’ensemble des services n’en ont pas vu la couleur.

Les revendications du service de réanimation cardiaque de Haut-Lévèque sont claires : au-delà de la prime promise par la direction ensuite refusée qu’ils réclament, ils exigent des revalorisations salariales mais surtout des augmentations d’effectifs et des moyens humains et matériels. Ils demandent en particulier 18 postes d’infirmières et d’aides soignantes ainsi que des remplacements de tous les arrêts maladie. Le communiqué de la CGT Hôpital Sud laisse en clair : « La réanimation cardiaque a besoin de mesures urgentes pour continuer à jouer son rôle essentiel  ».

Au micro de Sudouest, Fabrice Boissimon, brancardier et secrétaire adjoint au syndicat CGT Haut-Lévèque dénonce : « Ce service de pointe, de réanimation après des chirurgies cardiaques lourdes, à haute technicité, ne fait pas exception aux salaires scandaleusement bas dans la fonction publique hospitalière  », et déplorent également des « conditions de travail très dégradées. Ces personnels travaillent dans des locaux vétustes, des boxes de réanimation avec des portes cassées, des lits vieillissants qui tombent très régulièrement en panne, des poches de dialyses de 10 kilos qu’il faut lever à bout de bras etc.  »

Ce mardi 30 juin, et après dans le rassemblement du service de réanimation cardiaque, la mobilisation était moins importante que le 16 juin, mais à Bordeaux c’est environ 200 personnes qui se sont mobilisées pour dénoncer la réponse totalement insuffisante du gouvernement avec l’annonce d’Olivier Véran, de 6,3 milliards d’euros pour les hôpitaux et les EHPAD. « On ne veut pas l’aumône !  » dénoncent des hospitaliers, comme cette travailleuse à la clinique de Bordeaux Nord suite à cette annonce du gouvernement : « On ne demande pas une prime, on ne veut pas l’aumône tout ça parce qu’il y a un virus un peu plus costaud que d’habitude ! Ce qu’on veut c’est la revalorisation de nos salaires. Et puis, le Ségur de la santé c’est que du blabla. Et cette enveloppe de 6 milliards, c’est grâce à la mobilisation du personnel de santé qu’on l’a obtenue, pas grâce au Ségur ! De toutes façons le gouvernement nous méprise. On était soit disant des héros, maintenant ils nous crachent à la gueule avec leurs 6 milliards.  »

Désormais, il faut exiger un véritable plan de bataille de la part des directions syndicales, et la sortie du Segur de la santé, qui donne l’aval et caution aux plans du gouvernement alors qu’ils sont très loin d’être suffisants, si ce n’est seulement des miettes, contrairement aux centaines de milliards débloqués pour le patronat.

Tous les jours à midi trente, le service de réanimation cardiaque donne rendez-vous au rond-point de Haut-Lévèque, jusqu’à ce qu’ils obtiennent satisfaction. Nous invitons à venir les soutenir massivement, en construisant un plan de bataille pour un hôpital public, gratuit et ouvert à toutes et tous, avec des revalorisations de salaire et investissements massifs, matériels, humains et financiers dans le service public de la santé. Et pour cela, il faudra marcher aux côtés des hospitaliers en grève et construire un grand mouvement d’ensemble capable d’acquérir un véritable rapport de force.

 
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