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La Izquierda Diario
9 de juillet de 2020 Twitter Faceboock

Accident de personne dans le Grand Est
Chute d’un homme de 88 ans sous un train à Colmar : quelle-est la part de responsabilité de la SNCF ?
Correspondant-e cheminot-e

Il est 10h25 lorsque le train démarre de la gare de Colmar après l’avoir desservie. Un homme de 88 ans y était monté par la porte la plus proche de la cabine de conduite et avait chaleureusement salué le conducteur. Juste après les premiers tours de roues, il ouvre la porte (qui n’est verrouillée sur ce matériel dit « Corail » qu’à une vitesse supérieure à 15 km/h) et tombe entre le quai et le train. L’arrêt ne sera obtenu que 670m plus tard, après avoir atteint la vitesse de 51 km/h. Comment expliquer cet accident de personne ?

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Depuis le 15 décembre 2019, une nouvelle procédure de départ, permettant réglementairement de se passer des agents à quai, a été mise en place par la Direction de la SNCF sous couverture de correspondre aux directives européennes concernant l’interopérabilité entre les différents réseaux d’Europe.

On peut y constater que rien n’obligeait l’entreprise publique à modifier aussi profondément ses conditions de départ. Il est juste indiqué dans le texte de la commission européenne que l’accès au réseau ne peut se faire qu’après communication entre l’entreprise ferroviaire (quelle qu’elle soit) et le gestionnaire d’infrastructure (pour le moment SNCF Réseau).

L’UE sert à nouveau de prétexte pour imposer des restructurations qui dégradent le service et la sécurité

La SNCF ne poursuit qu’un seul but depuis plusieurs années : réduire sa masse salariale et faire des économies, quitte à mettre en danger la sécurité des usagers et des circulations. Voilà pourquoi elle se jette sur ce prétexte pour organiser la fusion de l’escale (postes de sécurité) et de la vente (poste uniquement de conseil voyageurs).

A terme l’entreprise prévoit donc que les agents à quai n’aient plus aucune mission de sécurité vis-à-vis de la circulation des trains. Pourtant on peut voir, avec ce nouvel accident, l’indispensabilité d’une présence humaine pour surveiller les premiers tours de roues.

Pourquoi le train a-t-il été arrêté si tardivement ?

A Colmar, il n’y a plus d’agent de départ à proprement parler. Il reste un seul agent d’escale qui doit se placer assez loin de la tête du train pour surveiller les montées et descentes de l’escalier menant au quai. Son rôle, au moment du départ, se borne à constater que les portes de la rame sont fermées et d’en aviser le contrôleur qui transmet ensuite au conducteur puis referme sa propre porte. Lorsque qu’il reçoit le « service terminé », le conducteur se donne lui-même l’autorisation de se mettre en mouvement après avoir observé le signal principal en bout de quai. À ce moment-là, plus personne n’a la responsabilité des montées ou des descentes de la rame, ou de tout problème qui pourrait survenir lors des premiers tours de roues.

Résultat, lorsque l’agent, seul et placé trop loin, observe l’homme tomber du train après avoir à nouveau ouvert la porte. Il tente de siffler (crise sanitaire oblige il porte un masque et doit se contenter d’un sifflet à poire, moins puissant) mais ni les contrôleurs ni le conducteur ne peuvent l’entendre.
Ce n’est qu’après un appel radio au poste de Colmar qui à son tour a appelé le conducteur, que l’arrêt du train est obtenu, soit presque 700m plus loin. Les 8 caisses de la rame sont passées sur l’homme qui, entre la vie et la mort, s’en sortira au mieux avec une jambe en moins.

Aucun bilan sérieux tiré suite aux multiples accidents du même type

Ce n’est malheureusement pas un évènement très exceptionnel, d’autres accidents, tels que celui-ci, surviennent, comme ce 4 juillet à Montauban ou encore le 21 octobre 2019 sur le RER C avec cette fois une circulation EAS (équipement agent seul, c’est-à-dire que le seul agent à bord du train est le conducteur lui-même). Si l’on peut admettre que l’ancienne procédure n’aurait pas empêché le monsieur de descendre en marche à Colmar, on doit bien comprendre que si la gare avait été équipée de deux agents à quai, formés sécurité et correctement équipés, le train se serait arrêté immédiatement, les conséquences sur la victime en auraient peut-être été moindres.

Mais la direction de la SNCF au lieu de tirer des conclusions qui s’imposent, persiste à dégrader le service et la sécurité. Chaque modification des procédures réglementaires tend à supprimer les boucles de rattrapage qui ont sauvé tant de vies par le passé. La présence humaine reste un élément déterminant pour la sécurité des circulations et des personnes et ce n’est pas les 11000 postes que Farandou veut supprimer qui vont rassurer les usagers du rail.

Les syndicats alertent dans le vide

Lors de la mise en place de la nouvelle procédure Européenne de départ, les syndicats ont tiré le signal d’alarme, notamment sur ce scénario qui avait déjà été envisagé par celles et ceux qui pratiquent et connaissent leur métier. Ainsi l’on peut lire sur la Demande de Concertation Immédiate nationale SUD-Rail (procédure à travers laquelle la direction de l’entreprise est obligée de recevoir l’organisation syndicale dans les 48h) que la suppression de l’autorisation de départ telle que nous la pratiquons depuis des décennies revient à se passer des dernières boucles de rattrapage que sont les agents d’escale et d’accompagnement.

SUD-Rail et la CGT Cheminots ont déposé un droit d’alerte suite à cet évènement, car en plus de la victime physique, les cheminots qui assuraient ce train sont très choqués de n’avoir rien vu, de n’avoir rien pu faire. Il apparaît que désormais ce n’est que par la contrainte d’un rapport de force que la direction ne saura privilégier la sécurité des circulations, des usagers et des cheminots avant les profits.

 
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