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La Izquierda Diario
29 de juillet de 2020 Twitter Faceboock

Manoeuvre xénophobe
Travail détaché : le gouvernement prépare une diversion xénophobe pour couvrir sa politique pro-patronale
Paul Morao

Il y a un mois, le gouvernement annonçait discrètement vouloir faire de la lutte contre le travail détaché un axe de son plan de relance. Une diversion xénophobe que se prépare à mettre en œuvre Elisabeth Borne, comme elle l’a annoncé aux Echos, pour mieux couvrir la politique du gouvernement qui verse des milliards au patronat et autorise les licenciements.

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Crédits photo : Sipa Press

Le gouvernement attaque le travail détaché pour couvrir sa politique pro-patronale

En juin dernier, Les Echos révélaient que les travailleurs détachés étaient « dans le viseur du gouvernement ». « L’idée, telle qu’elle circule, consisterait à freiner l’accueil de travailleurs détachés dans les entreprises qui engagent des plans de sauvegarde de l’emploi, des plans de départs volontaires, ou qui recourent au chômage partiel - dans son régime de base ou dans le régime de longue durée que le président va dévoiler ce mercredi normalement. » rapportait le journal, dévoilant ainsi la manœuvre du gouvernement qui avait récemment montré sa volonté de permettre aux entreprises bénéficiant d’aides d’Etat de licencier

Le travail détaché, défini par une directive européenne de 1996 permet l’emploi en France de travailleurs sous contrats étrangers, dans des conditions de travail inférieures. Ce statut permet au patronat d’engranger des profits supplémentaires, en économisant notamment sur les cotisations sociales, et de créer une concurrence entre travailleurs faisant pression sur les conditions de travail, par la surexploitation d’une main d’oeuvre étrangère.

Ainsi, les travailleurs détachés ont par ailleurs été particulièrement exposés au cours de la pandémie comme le rappelle Alternatives Economiques : « Précaires, ces conditions se sont avérées catastrophiques pendant la crise du Covid. "Avec la fermeture des entreprises et des frontières, de nombreux salariés détachés ont été licenciés et sont restés bloqués loin de chez eux. Leur statut ne leur permettait d’avoir accès ni aux aides sociales ni même parfois aux soins", regrette Philippe Pochet, le directeur général de l’European Trade Union Institute, le centre de recherche de la Confédération européenne des syndicats à Bruxelles ».

Or, déconnectant la question du travail détaché de celle de l’exploitation de travailleurs étrangers, les travailleurs détachés sont fréquemment instrumentalisés à des fins xénophobes, par des politiciens qui entendent porter la responsabilité de la crise sur les étrangers plutôt que sur les grandes entreprises. De la gauche à l’extrême-droite, un tel procédé conduit à diffuser insidieusement l’idée d’une opposition d’intérêts entre travailleurs français et travailleurs étrangers, déplaçant la véritable cause du problème qui se situe du côté de la politique des grandes entreprises et du patronat.

Ces dernières semaines, le sujet avait cependant été finalement peu mis en avant par le gouvernement. Pourtant, dans une interview accordée hier aux Echos, Elisabeth Borne a confirmé que des mesures sur la question du travail détaché étaient en préparation. Interrogée à ce sujet, la Ministre du Travail a expliqué : « La persistance d’un recours massif au travail détaché dans certains secteurs est incompréhensible dans une période de fort chômage. Il n’est pas question que le plan de relance se fasse avec des travailleurs détachés ! ».

L’argumentaire de la ministre est clair : le recours au travail détaché, et les travailleurs détachés, seraient en partie responsables du chômage actuel, et constitueraient une menace pour le plan de relance du gouvernement, en subtilisant les emplois potentiels des travailleurs français. L’origine de cette rhétorique est elle aussi très claire, puisqu’il s’agit du discours traditionnel de l’extrême-droite qui tente de faire peser la responsabilité du chômage sur les travailleurs étrangers. Rien de surprenant dans le contexte de l’offensive tous azimuts du gouvernement sur le terrain sécuritaire et raciste, dont les déclarations récentes de Jean Castex, Gérald Darmanin ou Marlène Schiappa sont autant d’expressions.

Pourtant, la reprise du discours de l’extrême-droite sous prétexte de « relance » et de lutte contre le chômage apparaît encore plus choquante lorsque l’on connaît la nature du plan de relance du gouvernement, un plan pro-patronal, fondé sur des milliards d’euros de cadeaux au patronat sans conditions, dont le refus d’imposer une interdiction des licenciements pour les entreprises recevant des aides d’Etat ou ayant recours au chômage-partiel de longue durée est un exemple frappant.

Les « partenaires sociaux » main dans la main avec le gouvernement sur le terrain de la xénophobie ?

Outre la stratégie de diversion, qui vise à pointer les travailleurs détachés quand ce sont les patrons et le gouvernement qui sont responsables de la montée du chômage, et qui exploitent chacun à leur manière les travailleurs étrangers dans leur intérêt, la suite des propos de Elisabeth Borne soulève une autre question centrale, celle de l’attitude des directions syndicales face à cette stratégie. « Nous allons ensuite prendre le problème à bras-le-corps avec les partenaires sociaux, en s’attaquant à ses causes, branche par branche, pour élaborer d’ici à décembre des plans de diminution du travail détaché. » a en effet également affirmé la Ministre du Travail.

Des déclarations qui interrogent sur le rôle qu’ont accepté de jouer les directions syndicales dans le jeu du gouvernement. « Au sortir de la première réunion, le 4 juin 2020, l’ex-ministre du Travail Muriel Pénicaud évoquait sur le perron de l’Elysée la question de la régulation du travail détaché. « Nous avons été surpris par le sujet », se souvient Yvan Ricordeau, secrétaire national de la CFDT. « En tout cas, nous espérons plus qu’une opération de communication », ajoute Angeline Barth, secrétaire confédérale à la CGT. » rapportait notamment Alternatives Economiques dans un article du 15 juillet.

Pour le moment, la CGT n’a fait aucune déclaration publique à ce sujet, mais accepter de participer à l’élaboration d’une telle politique constituerait une trahison scandaleuse de l’ensemble des travailleurs. Or, de fait, une telle démarche s’inscrirait dans la continuité de l’attitude conciliante des directions syndicales concernant le plan de relance, qu’elles ont choisi d’accompagner en se rendant à l’ensemble des négociations et discussions ouvertes par le gouvernement ces derniers mois.

En ce sens, la stratégie de diversion du gouvernement sur le travail détaché, menée dans le cadre d’une large offensive sécuritaire et raciste, apparaît comme un rappel essentiel. Accepter de se compromettre avec ce gouvernement est une impasse, et n’a permis en rien d’infléchir l’orientation pro-patronale de la politique du gouvernement. En revanche, cette politique conduit à cautionner la politique du gouvernement, alors que celui-ci tente de flatter les préjugés les plus réactionnaires.

A l’inverse de cette tendance, les travailleurs ont besoin d’un véritable plan de bataille pour s’opposer aux licenciements, au chômage et à la précarité. Un plan qui permette de refuser que l’ensemble des travailleurs, Français ou étrangers, ne paient la crise comme c’est actuellement le cas dans de nombreux pays d’Europe où les plans de licenciements se multiplient. En ce sens, c’est le patronat et les gouvernements, qui bénéficie de milliards d’aides sans contrepartie, et les gouvernements qui l’appuient qu’il s’agit de viser, en refusant l’instrumentalisation de sa part de la xénophobie. En revendiquant l’interdiction des licenciements, l’embauche des précaires, mais aussi la répartition du temps de travail, ou encore un salaire égal pour un travail égal - dénonçant ainsi la surexploitation dont font l’objet les travailleurs étrangers - un tel programme pourrait permettre aux luttes contre les licenciements et les attaques contre les acquis des salariés, et pour le droit au travail, de converger. Mais une telle démarche exige le refus de faire des concessions au patronat et au gouvernement, et la rupture des négociations, pour affirmer clairement qu’il est inacceptable que les travailleurs ne paient la crise.

 
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