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La Izquierda Diario
11 de août de 2020 Twitter Faceboock

« Tout le système doit tomber »
Liban. Le président et le Premier ministre prévenus dès juillet des risques d’explosion
Cléo Rivierre

Selon l’agence Reuters, des responsables de la sécurité ont prévenu le Premier ministre et le président libanais dès le mois dernier que 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium étaient stockées dans le port et qu’en cas d’explosion, cela pouvait détruire Beyrouth. Cela dans un contexte où le système politique libanais dans son ensemble est fortement contesté par une mobilisation populaire d’ampleur.

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Selon les autorités locales, l’explosion ayant dévasté le port de Beyrouth ce mardi 4 août a tué plus de 170 personnes et fait plus de 6 000 blessés, selon les derniers comptes. Elle a réduit en poussière le port de Beyrouth où transitent 70% des importations faisant ainsi planer un risque de pénurie alimentaire sur le pays, et endommagé ou détruit plus de 8 000 bâtiments, mettant à la rue plus de 300 000 personnes.

À l’origine de l’explosion, ce sont 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium, un produit utilisé dans la fabrication d’engrais, qui ont pris feu. Il est avéré que ce produit est extrêmement explosif et dangereux – c’est d’ailleurs l’explosion d’entre 300 et 400 tonnes de celui-ci qui avait causé la catastrophe de l’usine AZF à Toulouse en 2001. À l’origine acheminées par un cargo poubelle faisant escale à Beyrouth en 2013, ces 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium avaient été saisies par la douane et étaient restées entreposées au port depuis.

Les dirigeants du pays prévenus des risques dès le mois de juillet

Mais ce mardi 11 août, l’agence de presse Reuters révèle que le Premier ministre et le président libanais avaient été alertés de la situation dès le 20 juillet. Selon le journal libanais L’Orient-Le Jour, « Un rapport de la direction générale de la Sécurité de l’Etat, portant sur les évènements qui ont mené à l’explosion, fait référence à une lettre privée adressée au président Michel Aoun et au Premier ministre Hassane Diab le 20 juillet. Bien que le contenu de cette lettre n’a pas été reproduit dans le rapport consulté par Reuters, un haut représentant des services de sécurité a déclaré qu’elle résumait les résultats d’une enquête judiciaire, débutée en janvier, qui concluait que les produits chimiques devaient être mis en sécurité immédiatement. »

Le journal poursuit : « "Il y avait un danger que ce matériau, s’il venait à être volé, soit utilisé pour une attaque terroriste", a déclaré à Reuters le haut représentant, sous couvert d’anonymat. "A l’issue de l’enquête, le procureur général (Ghassan) Oueidate a préparé un rapport final qui a été transmis aux autorités", a-t-il ajouté, en référence à la lettre envoyée au Premier ministre et au chef de l’Etat. "Je les ai prévenus que cela pourrait détruire Beyrouth en cas d’explosion", a poursuivi le représentant, impliqué dans la rédaction de la lettre. »

Le président libanais, Michel Aoun, a confirmé avoir été informé de la présence du nitrate d’ammonium. Toujours selon L’Orient-Le Jour, « Il a déclaré aux journalistes avoir demandé au secrétaire général du Conseil supérieur de défense de "faire le nécessaire". "(Les services de sécurité de l’Etat) ont dit que cela était dangereux. Je ne suis pas responsable ! Je ne savais pas où c’était stocké et je ne savais pas à quel point c’était dangereux. Je n’ai pas autorité à m’occuper directement du port. Il y a une hiérarchie et tous ceux qui étaient au courant auraient dû reconnaître leur devoir de faire le nécessaire" » a déclaré le président, tentant de se dédouaner de toute responsabilité.

Comme nous l’écrivions hier, l’utilisation massive de ce produit au mépris des risques est déjà en soi criminelle, son stockage au port de Beyrouth pendant aussi longtemps sans « mesures de protection » est scandaleuse et a choqué la population. C’est la raison pour laquelle le président de la République libanaise, Michel Aoun, a évoqué dans un premier temps l’hypothèse d’« un missile ou d’une bombe », afin de dédouaner les autorités gouvernementales de leurs responsabilités dans ce drame.

Soulèvement populaire et démission du gouvernement

Déjà depuis octobre dernier, les masses populaires libanaises s’étaient soulevées contre le régime. Depuis plusieurs jours, le pays est à nouveau secoué par une révolte populaire qui met en cause la corruption et la gestion catastrophique de l’État libanais par ses dirigeants, dans un contexte de crise économique et de risques de pénurie alimentaire. Après des occupations de ministères par les manifestants ce samedi, mais aussi une forte répression faisant de nombreux blessés, quatre ministres ont commencé par démissionner ce week-end, avant que le premier ministre n’annonce la démission de l’ensemble du gouvernement ce lundi, proposant des élections anticipées dans deux mois.

Ce mardi en fin d’après-midi, pile une semaine après le drame, des centaines de Libanais se sont rassemblés proche du port de Beyrouth afin de rendre hommage aux victimes de l’explosion et réclamer la chute des dirigeants responsables de la catastrophe, selon L’Orient-Le Jour. Un manifestant interviewé par le journal déclare : « Je suis descendu pour tous ces gens qui sont morts et dont le sang n’a pas encore séché. C’est tout le système qui doit tomber. Il ne doit pas rester un seul d’entre eux, ou alors on ne pourra pas reconstruire un nouveau Liban ».

Ainsi, comme le réclament les manifestants, la démission du gouvernement est loin d’être suffisante. Comme nous l’écrivions hier, la mise en place d’une assemblée constituante libre et souveraine en charge de réaliser les aspirations sociales et démocratiques du peuple libanais doit pouvoir unifier l’ensemble des masses populaires, la jeunesse et les travailleurs en tête, pour abolir le système et ouvrir la voie à un gouvernement des travailleurs. Cette avancée ne pourra être rendue possible que par la grève générale et la mobilisation des classes populaires. De plus, l’exigence du peuple libanais d’obtenir la vérité concernant l’explosion du port de Beyrouth est légitime ; elle doit être satisfaite par la mise en place d’une commission d’enquête indépendante du régime et des institutions internationales impérialistes. Enfin, contre les tentatives d’ingérence étrangère, au premier rang desquelles celle de la France, la lutte pour l’auto-détermination du peuple libanais doit permettre aux masses populaires de prendre leur destin en main. Pour ce faire, il serait nécessaire de construire une organisation qui représente leurs intérêts et qui leur permette de déjouer les manœuvres du régime et de l’impérialisme.

 
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