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1er de septembre de 2020 Twitter Faceboock

Quelle suite pour le mouvement ?
Biélorussie. Des manifestations monstres mettent Loukachenko en difficulté
Cléo Rivierre

Cela fait désormais bientôt un mois que le mouvement persiste en Biélorussie contre la sixième réélection consécutive de son président, Alexandre Loukachenko. Ce dimanche, pour la troisième fois, une manifestation d’ampleur historique a eu lieu à Minsk et ce malgré la répression et les tentatives du président d’apaiser le mouvement.

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Crédits photo : AFP

Le 9 août, le président biélorusse Alexandre Loukachenko était réélu à la tête du pays pour la sixième fois consécutive depuis 1994. Depuis, les manifestations n’ont pas cessé : une grande partie de la population conteste les résultats, qui le donnent gagnant à 80%. Les manifestants exigent un recompte des voix, voire de nouvelles élections.

Quels secteurs sont mobilisés ?

Ce dimanche 30 août, une troisième journée de manifestations d’une très grande ampleur a eu lieu dans la capitale, rassemblant environ 100 000 personnes – des chiffres similaires aux manifestations record des dimanches 16 et 23 août.

La veille, samedi 29 août, une manifestation féminine avait donné un nouveau souffle à la contestation, comme le souligne le journal Le Monde, qui relate que « des milliers de femmes, habillées souvent en blanc, [ont défilé] dans Minsk et [forcé] les cordons de police qui tentaient de les contenir ».

En revanche, le mouvement semble s’être légèrement affaibli du côté des usines, dans lesquelles de nombreuses grèves avaient pris place à la mi-août. Selon Le Figaro, « Jusqu’à présent, le pouvoir a réussi à enrayer le mouvement de grève - en brandissant la menace de licenciements ou de délocalisations - dans les grandes entreprises d’État (la construction mécanique, notamment), qui constituent le socle de l’économie. Les débrayages se poursuivent toutefois dans les mines de potasse de Belaruskali, premier producteur mondial. Partout, une sourde colère prévaut, pesant sur la productivité des entreprises à hauteur d’au moins 25 %, selon une bonne source. »

Quelle réaction du pouvoir en place ?

Face à l’ampleur des manifestations, Loukachenko tente l’intimidation et la répression. Toujours d’après Le Monde, « Dans la soirée, [Loukachenko est] apparu dans le palais présidentiel, le corps ceint d’un gilet pare-balles, fusil automatique à la main, posture menaçante. Comme pour donner plus de poids à ces images rebattues, des blindés armés de canons entraient dans la capitale au même moment, dans la soirée. Ils se sont ensuite dispersés dans la ville sans intervenir dans le face-à-face entre le dirigeant et son peuple. »

De plus, les policiers ont « procédé à des arrestations (140 de source officielle), choisissant au hasard parmi les cortèges de manifestants pacifiques, pour intimider la masse. [...] Les manifestants étaient alors systématiquement battus en pleine rue et des dizaines d’actes de torture ont été commis en détention » comme nous l’écrivions déjà dans un précédent article.

Le Point relate également deux cas de « suicides » de manifestants par pendaison, qui pourraient en réalité être des meurtres orchestrés par les autorités ; ainsi que « quatre-vingt-dix disparus enregistrés » depuis le début du mouvement.

Le pouvoir tente aussi de silencier les journalistes : selon Paris Match, « samedi 29 août, les autorités bélarusses ont retiré leurs accréditations à plusieurs journalistes de médias étrangers. Parmi eux, des professionnels de la BBC, Radio Liberty, d’AP et de l’AFP ont fait part du retrait de leur autorisation à travailler sur le territoire. »

Quelles suites pour le mouvement ?

Selon plusieurs médias, le président bélarusse semble « lâcher du lest ». Il a en effet évoqué ce lundi l’idée d’un « référendum constitutionnel », sans préciser les modalités ni le calendrier. Il aurait également reconnu que la Biélorussie serait un « système quelque peu autoritaire ».

Ce dimanche, les manifestants ne se sont pas laissé faire face à la répression, au point que LCI écrit que « le bras de fer semble avoir en partie tourné en faveur de l’opposition. » La raison de cette affirmation : une scène filmée sur les réseaux sociaux où l’on voit « des policiers en civil sortir d’un van banalisé pour essayer d’interpeller un manifestant. Essayer seulement, car très vite des dizaines de personnes viennent soutenir ce dernier, rapidement relâché. Les policiers, en minorité, sont mis en déroute, leur van subissant les coups des manifestants. » LCI relaye l’analyse de Benoît Vitkine, correspondant du journal Le Monde à Moscou et récent prix Albert Londres, selon qui cette scène montre que « la peur a changé de camp » dans le pays. « Pendant des années, ces vans banalisés avec des policiers en civil ont représenté l’arbitraire, l’impossibilité du moindre rassemblement ».

Pour RFI, le mouvement serait plutôt dans une « impasse », une forme de « match nul » temporaire entre le pouvoir et les manifestants. Cependant, pour Anna Colin Lebedev, maîtresse de conférence à l’université Paris Nanterre et spécialiste des sociétés post-soviétiques, Loukachenko et son gouvernement finiront forcément par tomber.

Mais le système ne tombera tout seul. Pour cela, il serait central que le mouvement dépasse ses limites subjectives et organisationnelles, notamment en dépassant le projet politique libéral et populiste de Svetlana Tikhanovskaïa, figure principale de l’opposition. La participation de pans massifs de la classe ouvrière au mouvement, comme cela a pu être le cas à la mi-août, est absolument nécessaire afin de rassembler la puissance nécessaire pour renverser Loukachenko. Par conséquent, il serait primordial que la classe ouvrière s’organise indépendamment de l’État et des différentes fractions des classes dominantes et propose un projet de société alternatif, progressiste pour les classes opprimées et exploitées de la société.

 
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