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La Izquierda Diario
2 de septembre de 2020 Twitter Faceboock

Crise économique
Alinea, Courtepaille : quand les patrons utilisent le Covid pour licencier ou éponger leurs dettes
Philomène Rozan

La Covid et la crise économique qu’elle a déclenché va de pair avec une vague de licenciements, mais est aussi devenue un prétexte à des suppressions d’emploi prévues de longue date. Certains patrons, comme chez Alinéa, profitent d’une ordonnance Covid pour déposer le bilan puis racheter l’entreprise une fois les dettes épongées et une partie du personnel licenciée.

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Crédit photo : © FRANCE 3 HAUTS-DE-FRANCE

Depuis le mois de mars et le début de la crise sanitaire en France, les suppressions de postes et les licenciements se sont multipliés. Ainsi entre le 1er mars et le 19 juillet on décompte pas moins de 275 PSE (Plan Sauvegarde de l’Emploi), qui représentent 45 000 suppressions de postes rapporte Le Monde. En parallèle de cette explosion du chômage, les APC (Accord de Performance Collective) se sont enchaînés dans de nombreuses entreprises, permettant aux patrons de réduire les salaires de ceux qui ont encore un emploi, ou de s’en prendre à leurs conditions de travail.

Si les PSE comme les APC existaient déjà avant le mois de mars, leur usage est devenu monnaie courante. En effet c’est sous couvert de Covid-19 que de nombreux grands patrons font passer des plans de licenciements, parfois envisagés depuis longtemps ou pouvant être bénéfiques à leurs yeux dans le contexte.

L’exemple de Courtepaille est à ce titre intéressant. L’entreprise est en redressement judiciaire de-puis le 29 juillet. La direction de l’entreprise prétend que la période de confinement les aurait obligés à mettre la clef sous la porte. Mais ils ont surtout montré peu d’empressement à trouver une solution, comme l’explique Pascal Zoublir, délégué syndical central CGT, à Révolution Permanente : « Ils ont eu peu envie d’investir des sous sur Courtepaille et c’était pour eux une opportunité la crise et le confinement ». Pascal Zoublir dénonce ce choix de licencier, qui n’est en rien une nécessité, l’entreprise rapportant encore l’an dernier 7 millions d’euros de bénéfices pour 190 millions de chiffre d’affaires. « Ces dernières années Courtepaille a bénéficié d’aides, les actionnaires se sont régalés et là ils ont profité de la crise pour licencier. Courtepaille appartient au groupe britannique ICG qui pèse des milliards alors les 30 millions de cessation de paiements ils auraient pu les prendre en charge ».

Un autre exemple édifiant est celui d’Alinéa. Là, l’entreprise a pu bénéficier d’un des cadeaux que le gouvernement a destiné au patronat ces derniers mois. En effet une ordonnance datant du 20 mai permet à l’actuel propriétaire d’une entreprise de déposer le bilan et de la racheter derrière. Cette ordonnance qui a été prise d’après Libération « par le gouvernement dans le but de limiter la casse économique et sociale post-Covid » permet en réalité au patronat, et dans le cas d’Alinéa à la famille Mulliez, de se refaire une santé sur le dos des travailleurs.

En effet « la société a été souvent déficitaire et est endettée depuis une dizaine d’année  » nous explique Julien*, vendeur pendant plusieurs années chez Alinéa, or cette ordonnance permet au PDG de reprendre l’entreprise avec ses 120 millions d’euros de dettes effacées et 1 000 salariés licenciés. « C’est le même PDG qui repart avec son enseigne avec juste 9 magasins sur les 26, sans rien changer » résume avec colère Eddy Chhlang, délégué syndical de la CGT Alinéa, interrogé par Révolution Permanente. D’autant que derrière le rachat par l’entité « Néomarché » se cache la 6ème famille la plus riche de France qui possède 26 milliards d’euros de patrimoine, détient le groupe Auchan et qui choisit de licencier 1 000 personnes en se cachant derrière l’effet « Gilets Jaunes et Covid » et en tentant de se fondre dans la marée des plans de licenciements.

Un prétexte que dénonce Julien : « Ça fait dix ans que l’entreprise était en déficit alors ce n’est pas le Covid - où ils n’ont pas eu à payer le salaire des travailleurs en chômage partiel - qui les a tué. Ce n’est pas les Gilets jaunes non plus, moi je n’en ai pas vu un seul bloquer mon magasin à Toulouse. C’est juste la très bonne excuse pour Alexis Mulliez de se mettre en plan de redressement et de fermer les sites qu’il voulait fermer depuis longtemps, éponger les 120 millions de dettes et licencier. » Des licenciements qui encore une fois n’ont été mis en place que pour préserver les profits des actionnaires, pour Eddy Chhlang : « ce qui prouve encore une fois qu’ils n’avaient pas besoin de licencier c’est que maintenant ils ont de la trésorerie, ils ont 20 millions de trésorerie, ils ont fait du chiffre depuis le 13 mai ». « Mes anciens collègues ils se retrouvent sans travail, avec les crédits à payer, ces dernières années ont leurs a demandé de faire des heures en plus, d’oublier les primes pour continuer à garder les emplois alors qu’à la direction pendant ce temps savait très bien qu’elle allait tout fermer » conclue de son côté Julien avec dégoût.

Face à ces licenciements et à ces manœuvres du patronat pour faire disparaître leurs dettes, les travailleurs entendent se battre. « On demande que le repreneur prenne tout le monde, ce qu’il faut c’est zéro licenciement » explique ainsi Pascal Zoublir du côté de Courtepaille. De fait, et plus largement, face à une volonté évidente du patronat de préserver à tous prix leurs profits, en licenciant et en cassant les acquis sociaux, une lutte de grande ampleur s’impose. Pour défendre réellement les intérêts des travailleurs, celle-ci devrait s’articuler autour d’un programme clair de revendications, refusant que les travailleurs paient la crise. Dans ce programme, le refus de tout licenciement s’impose comme une évidence. De même, face aux velléités des patrons d’instrumentaliser la crise pour restructurer leurs entreprises, il faut revendiquer la nationalisation sous contrôle ouvrier de toutes les entreprises déclarées en faillite ou en liquidation. Enfin, contre la volonté du patronat d’utiliser le chômage comme un outil de pression à la baisse sur les conditions de travail, la revendication du partage du temps de travail revêt également une importance centrale.

*Le prénom a été modifié.

 
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