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La Izquierda Diario
11 de septembre de 2020 Twitter Faceboock

Edito
12 septembre : les Gilets jaunes appellent à reprendre la rue face à la crise
Paul Morao

Dans un contexte marqué par une catastrophe sociale sans précédent, les Gilets jaunes appellent à reprendre la rue face à la crise. Le 12 septembre, Jérôme Rodrigues ainsi que de nombreux collectifs de GJs appellent à un « retour à la base » pour la rentrée.

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Une première date et un appel à revenir aux revendications initiales du mouvement

Après les trois « Ultimatums » et la manifestation anniversaire du 16 novembre 2019, les Gilets jaunes appellent à un nouveau « retour à la base ». Promu par Jérôme Rodrigues, figure du mouvement, l’appel au 12 septembre a été publié début août et rapidement rejoint par de nombreux collectifs de GJs issus de toute la France.

Pour l’occasion, Jérôme Rodrigues a appelé à un retour aux sources du mouvement, pas seulement par le retour sur les Champs-Elysées, théâtre des premiers actes massifs du mouvement, mais aussi par un rappel de ses revendications. Interviewé par RT France, le Gilet jaune a rappelé les grands axes programmatiques du mouvement autour « du mieux-vivre, d’une démocratie directe et participative, la fin des privilèges de nos gouvernants et tout ce qui est sur le terrain des violences policières. »

En outre, cette mobilisation se fera évidemment dans un contexte social explosif, marqué par une profonde crise économique qui s’est exprimée et continue de s’exprimer dans la multiplication des plans sociaux et des Accords de Performance Collective, attaquant directement les conditions de travail de nombreux salariés. « Vous avez des licenciements en pagaille, 700 000 jeunes qui arrivent sur un marché du travail quasiment inexistant. (…) Le mécontentement et la colère qui vont arriver en septembre ne seront pas que [celles] des Gilets jaunes : elles seront d’abord citoyenne » a précisé à ce titre le Gilet jaune. « On est là pour rétablir non pas l’économie de la France, mais l’économie de nos portefeuilles. Parce que ceux qui font vivre la France c’est nous, les Gilets jaunes, les citoyens en colère, ceux qui triment chaque jour, ceux qui ont été donner leur vie pendant le Covid. » a-t-il par ailleurs précisé lors d’un live Facebook.

Pour les Gilets jaunes, cette date se veut une occasion de reprendre la rue de façon visible. Depuis l’anniversaire du mouvement en novembre 2019, celui-ci a évolué dans ses formes. Si les manifestations le samedi ont eu une dimension beaucoup plus réduite en 2020, y compris à Paris, cela n’a en effet pas empêché les Gilets jaunes d’être présents et nombreux sur les piquets de grève et dans les manifestations du mouvement contre la réforme des retraites, mais aussi d’influencer le mouvement par leurs méthodes subversives. Cette première date de mobilisation fera par ailleurs office de coup d’envoi de la « rentrée sociale ».

Une rentrée sociale dans laquelle la question de l’unité se pose de façon brûlante

Face à une rentrée marquée par la crise sanitaire et économique, la question de l’unité se pose de façon brûlante pour les mobilisations à venir. Interrogé, toujours par RT France, sur la question de la « convergence », Jérôme Rodrigues a appelé une fois de plus l’ensemble de ceux qui luttent pour une autre société et contre le gouvernement à « l’union ». Un appel qui correspond à l’état d’esprit de tous ceux qui ont pris part aux dernières mobilisations.

En ce sens, on peut déplorer une certaine confusion dans le texte de l’appel à la manifestation concernant les mobilisations anti-racistes. En affirmant d’emblée « Vous ne nous diviserez pas ! Le seul racisme systémique qui existe en France, c’est celui du bloc élitaire, du bloc bourgeois, vis-à-vis du reste de la population, de « ceux qui ne sont rien » celui-ci donne en effet l’impression de dénier l’existence du racisme systémique en France, contre lequel des dizaines de milliers de jeunes se sont soulevés en juin dernier. Des mobilisations anti-racistes auxquelles Jérôme Rodrigues et autres Gilets jaunes ont d’ailleurs pris part.

De fait, les Gilets jaunes et les habitants de quartiers populaires font face aux mêmes problématiques de précarité et de chômage, comme l’avaient montré en 2018-2019 les convergences réalisées, notamment avec le Comité Adama. De même, les violences policières qui se sont abattues sur le mouvement des Gilets jaunes sont déployées régulièrement dans les quartiers populaires, véritable terrain d’expérimentation du maintien de l’ordre comme le furent en leurs temps les colonies.

Une question d’autant plus importante, à l’heure où, emboitant le pas à l’extrême-droite, le gouvernement a lancé une offensive sécuritaire et raciste pour tenter de polariser le débat public sur la question de l’insécurité et contrer l’importante dynamique de mobilisation ouverte contre le racisme et les violences d’Etat dans le sillage des révoltes aux Etats-Unis. Une vague de mobilisation qui a remis au premier plan le racisme d’Etat, que le gouvernement cherche désormais utiliser pour diviser le monde du travail. En ce sens, plutôt que de vouloir mettre de côté cette question, l’unité implique au contraire de lutter et dénoncer le racisme et les violences policières qui se déploient quotidiennement dans les quartiers populaires, tout en pointant l’ennemi commun de ceux qui luttent contre le racisme, pour des conditions de vie dignes et pour une autre société.

L’unification des colères, un enjeu central pour cette rentrée

Plus largement, ce débat pose la question plus large de l’unification des colères dont nous avons besoin pour affronter cette rentrée. En effet, celle-ci sera marquée par la catastrophe sociale engendrée par la crise avec la suppression de 800.000 emplois dans le cadre des Plans Sociaux qui se multiplient, mais aussi les attaques contre les conditions de travail dans le cadre des Accords de Performance Collective. Des attaques contre les travailleurs menées alors que le gouvernement vient d’annoncer un plan de 100 milliards dirigés centralement vers les grandes entreprises.

Dans ce cadre, un véritable plan de bataille va être essentiel, pour aller au-delà de la simple journée interprofessionnelle appelée le 17 septembre. Ce plan de bataille devra s’articuler autour de revendications qui refusent que les travailleurs et la majorité de la population ne paient la crise. Un objectif en phase avec celui des Gilets jaunes, comme le souligne Sabine, une Gilet jaune interrogée par Slate : « Le mécontentement s’est élargi avec la mise à nu des mensonges du gouvernement et de ses alliés médiatiques, pharmaceutiques ou financiers, de leur acharnement criminel à continuer les suppressions de lits et à saccager notre système de santé. Et malgré les profits et les milliards donnés aux grands groupes, les licenciements se sont accélérés ! ».

Un programme contre la crise devrait ainsi inclure le refus absolu des licenciements et leur interdiction, la nationalisation sous contrôle ouvrier des entreprises menacées de fermeture, le partage du temps de travail comme réponse au chômage qui frappe déjà plus de 6 millions de personnes en France, mais aussi la fin des contrats précaires qui constituent une modalité d’ajustement des patrons face à la crise. Un programme de ce type, articulé à un plan de bataille pour l’imposer dans la rue et par la grève, serait central pour unifier les Gilets jaunes et le mouvement ouvrier autour de revendications communes contre le gouvernement, mais aussi le grand patronat qui dicte à Macron sa politique économique. Finalement, alors que Gérald Darmanin prépare une longue offensive sécuritaire et raciste, cette bataille devra aller de pair avec une dénonciation claire de la politique du gouvernement qui va intensifier la répression contre les classes populaires et le racisme.

Si les Gilets jaunes ne cessent de montrer leur aspiration à l’unité, du côté des directions syndicales, une telle perspective impliquerait pour commencer la rupture du dialogue social. Depuis le début de la crise, le gouvernement a cherché à ramener les directions du mouvement ouvrier dans son giron en multipliant les réunions. Celles-ci n’ont évidemment permis d’obtenir aucune concession, et ont même joué un rôle traître au moment où de très nombreuses équipes syndicales luttaient localement pour faire fermer leurs entreprises ou obtenir des conditions sanitaires décentes. Dans le même sens, le dialogue social constitue un véritable obstacle à l’émergence de revendications et d’un plan de bataille à la hauteur, et donc à l’unité de l’ensemble des secteurs auquel le gouvernement entend faire payer la crise.

 
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