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La Izquierda Diario
7 de septembre de 2020 Twitter Faceboock

darmanin humilié !
Grenoble : après la descente de police pour un simple clip de rap, la justice s’acharne et met en examen le rappeur
Erell Bleuen

La publication des images d’un clip de rap tourné à Grenoble avec des armes factices a fait le tour des réseaux. Après le coup de comm’ raté de la descente de police dans le quartier du Mistral, le rappeur a été mis en examen. Une manière pour Darmanin de se venger de l’humiliation infligée par le jeune artiste.

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La polémique a commencé le 24 août, après la publication de deux vidéos sur les réseaux sociaux, montrant des hommes armés dans le quartier du Mistral à Grenoble, postés dans une aire de jeux pour enfants et qui semblent prendre part à un trafic de drogue. Les vidéos buzzent rapidement sur les réseaux sociaux, l’extrême droite réagit sur le qui vive pour déverser un flot d’arguments racistes, s’appuyant sur l’argumentaire de l’« ensauvagement de la société » déjà martelé par le gouvernement.

Les vidéos ont fait un tel buzz, qu’après que les médias se soient emparés de l’affaire et que les syndicats de police se soient insurgés, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin annonce sur Twitter deux jours plus tard qu’une opération policière aura lieu dans la journée à Mistral sous sa demande, précisant que « L’État s’imposera face à l’ensauvagement d’une minorité de la société », continuant dans la lignée de son discours réactionnaire et de sa politique de « guerre contre la drogue ».

Le 26 août donc, une vaste opération policière est lancée à Grenoble mobilisant une quarantaine de policiers, accompagnés des journalistes et caméras avec le préfet de l’Isère Lionel Beffre en tête, qui veut « montrer que la force doit rester aux forces de l’ordre, aux forces légitimes » selon une vidéo de France 3. Une opération qui ne donnera lieu à aucune interpellation, malgré une cinquantaine de contrôles, servant surtout au gouvernement à faire une « démonstration de force ».

Une opération de comm’ dénoncée par le maire de Grenoble, Eric Piolle, qui qualifie l’opération d’un « coup de communication » dès le lendemain sur BFM, affirmant qu’il « regrette fortement que le ministre s’engage dans cette logique où on pointe du doigt un quartier de telle ou telle ville ». Une réponse qui n’a visiblement pas plu à Darmanin, qui adressera dès le lendemain une lettre publique au maire de la ville, dans laquelle il affirme que « nos compatriotes n’attendent pas de nous des discours angéliques mais une intervention résolue pour restaurer l’autorité de l’État », revenant à plusieurs reprises sur le manque d’investissement dans les différents dispositifs de répression par la mairie, justifiant du même coup le tournant sécuritaire pris ces dernière semaines par le gouvernement, sur fond de discours régalien.

Seulement, dans la vidéo de France 3 citée précédemment mettant en scène la descente de police au quartier du Mistral à Grenoble, on peut entendre des habitants dirent devant les caméras « On a fait un clip de musique ! » Et sur les réseaux sociaux déjà, certains commençaient à avancer que les vidéos qui avaient fait tant de bruit et suscité une énorme opération de police étaient seulement des extraits d’un clip de rap. Et c’est le mardi 31 août que la sentence tombe, le rappeur Corbak Hood sort un clip dont les images correspondent aux vidéos qui avaient tant fait parler quelques jours avant :

Dès la sortie, le gouvernement se fait railler sur les réseaux sociaux, car nombreux dénoncent l’instrumentalisation des images au profit du discours sécuritaire avancé par le gouvernement, adoubé par les médias :

Interviewé par France 3 le lendemain, le rappeur explique qu’il a simplement publié les vidéos pour faire la promotion de son futur clip : « J’ai attendu que le buzz prenne, que ça monte et là, j’ai balancé le clip, c’était le bon moment. Je ne m’attendais pas à ça, ça m’a choqué (...) 30 000 vues, je m’attendais pas à ça (…) Je ne savais pas que ça allait marcher à ce point-là, faire déplacer le préfet, tout ça. » Il précise aussi que « tout ça c’est de la mise en scène » et que ça n’a rien à voir avec le trafic de stupéfiants grenoblois, et concernant la drogue et les armes dans les vidéos, il explique aussi que : « c’était des armes à billes, des fausses armes comme vous pouvez le voir dans le clip » et « c’est du CBD, c’est pas considéré comme de la drogue ».

Alors que l’affaire pouvait s’arrêter là, le jeune rappeur de 16 ans a été placé en garde à vue ce mercredi 02 septembre, pour « provocation à l’usage ou au trafic de stupéfiants, à l’usage de substances présentées comme douées d’effets stupéfiants ; provocation, non suivie d’effets, au crime ou au délit par parole, port prohibé d’armes, injures publiques envers une personne dépositaire de l’autorité publique ». Il a été déféré devant un juge pour enfant ce jeudi, et mis en examen pour « complicité de trafic de stupéfiant et usage de stupéfiants » car il aurait avoué avoir fait le guetteur sur un point de deal et avoir déjà participé au trafic de stupéfiants de Grenoble, selon un article de l’Obs. Il a été placé en liberté conditionnelle dans un foyer, avec obligation de mesure de réparation. Le procureur l’accuse d’avoir été aidé par les dealers du Mistral pour réaliser le clip, et donc que celui-ci participerait au trafic de stupéfiants sur la ville, puisque ses déclarations à la justice comporteraient des « incohérences et contradictions ». Le ministre de l’intérieur, essayant d’esquiver l’humiliation, à quant à lui déclaré que : « Quand j’ai demandé des opérations de police au préfet de l’Isère, nous nous sommes aperçus au bout de trois opérations qu’il y a eu une saisie de 10 kg de drogue dans les quartiers avoisinants. Vidéo vraies ou pas vidéo vraies, ça méritait sans doute que la police s’y intéresse ».

Si cette affaire a fait autant polémique pendant presque deux semaines, et menée à l’arrestation d’un jeune de 16 ans pour avoir réalisé un clip de rap dans Grenoble, cela est lié au contexte dans lequel elle est apparue, à savoir un contexte d’offensive sécuritaire et raciste du gouvernement et de l’extrême-droite. Le gouvernement a donc tenté de se servir de cette affaire pour imager son discours sur « l’ensauvagement de la société », et légitimer ainsi le tournant sécuritaire pris depuis déjà plusieurs semaines autour d’une « guerre aux trafiquants qui gangrènent la société », avec notamment la généralisation de l’amende de 200 € pour usage de cannabis.

Alors que Macron réaffirmait vendredi au Panthéon le discours raciste du gouvernement à propos de « la lutte contre les séparatismes », continuant à s’approprier une réthorique d’extrême-droite, il est nécessaire de faire front face aux offensives réactionnaires contre les habitants des quartiers populaires, qui tentent de camoufler la crise sanitaire, économique et sociale actuelle, et de continuer de mener le combat contre le racisme et les violences policières.

 
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