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La Izquierda Diario
9 de septembre de 2020 Twitter Faceboock

Edito
Rentrée sécuritaire du gouvernement : le monde du travail doit imposer un autre agenda
Paul Morao

Hier se tenait le séminaire gouvernemental de rentrée. Centré sur la question sécuritaire, celui-ci est révélateur du projet du gouvernement pour les mois à venir : continuer d’imposer un débat public centré sur les enjeux sécuritaires, distiller ainsi le poison du racisme et de la peur, évincer les enjeux économiques et sociaux et ouvrir la voie à un durcissement répressif. Un projet face auquel le monde du travail doit imposer un autre agenda, qui peine pour le moment à émerger.

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Crédit photo : Les travailleurs de Grandpuits aux côtés de la Coordination RATP-SNCF lors de la bataille des retraites / O Phil des Contrastes

Un séminaire de rentrée à l’image du projet du gouvernement pour la fin du quinquennat

« Poursuivre l’offensive [du plan de relance] avec un gouvernement à l’attaque pour être efficace, pour aller chercher toutes les bonnes volontés, à l’attaque aussi pour faire reculer ceux qui veulent faire douter le pays », c’est ainsi que Gabriel Attal synthétisait hier l’état d’esprit qui a animé le séminaire gouvernemental de rentrée. Rendant compte du séminaire, le porte-parole du gouvernement est revenu sur le projet du gouvernement en cette rentrée, en évoquant tour à tour le plan de relance et la mise en place d’un « Comité de suivi », la lutte contre l’épidémie, l’égalité des chances « fil rouge du quinquennat », le « patriotisme républicain à travers la sécurité du quotidien et la lutte contre les séparatistes » ou encore l’écologie.

Si le porte-parole avait affirmé le 26 août dernier que la question sécuritaire « figurait en priorité à l’ordre du jour du séminaire gouvernemental » à la demande d’Emmanuel Macron, Gabriel Attal a choisi de rester évasif sur cette question, se contentant d’évoquer le bilan actuel du gouvernement et l’importance accordée à la lutte contre « les séparatismes ». Un moyen de contrebalancer la centralité prise par ce sujet ces dernières semaines et d’apaiser les tensions que celui-ci suscite dans la majorité ? On sait en tout cas que le gouvernement a bien choisi de mettre l’offensive sur le terrain régalien au cœur de sa rentrée. Au menu d’hier figurait ainsi un tour d’horizon des mesures sur lesquelles planche le gouvernement qui veut démontrer son activisme sur le terrain sécuritaire, sous la houlette de Gérald Darmanin et de Marlène Schiappa, avec un projet de loi sur le « séparatisme », la mise en place des points mensuels sur les chiffres de la délinquance ou encore le développement de la « lutte contre les stupéfiants ».

Pour la fin de son quinquennat, Emmanuel Macron veut occuper le terrain sécuritaire pour mieux étouffer les critiques que les Républicains pourraient formuler à son encontre sur ce point. En parallèle, la question sécuritaire que ne cesse d’alimenter l’extrême-droite et les médias dominants constitue un contre-feu idéal face à la triple crise économique, sanitaire et sociale qui gronde. Enfin, l’offensive du gouvernement constitue une réaction et un moyen de faire taire la contestation anti-raciste massive qui s’est déployée en juin dernier et a surpris le gouvernement.

Trois bonnes raisons de s’engouffrer dans la brèche ouverte par l’extrême-droite, qui multiplie les campagnes sur les réseaux sociaux pour imposer ces questions dans le débat public. Symbole du succès de l’opération ? La banalisation du terme raciste d’« ensauvagement » qui, s’il suscite quelques remous dans le gouvernement et la majorité, a vu son usage se répandre massivement. Au point que même dans l’opposition située à gauche du gouvernement, les prises de position sur l’« insécurité » se multiplient.

A gauche, la grande adaptation aux thématiques sécuritaires imposées par le gouvernement

Face à l’activisme sécuritaire du gouvernement, la droite et l’extrême-droite tentent de contre-attaquer. Tandis que certains pointent l’insuffisance des mesures évoquées ou le « retard » du gouvernement, comme Valérie Pécresse qui affirmait hier sur Europe 1 que « Emmanuel Macron ne fait pas une politique de droite », d’autres poussent l’outrance jusqu’à faire passer l’offensive sécuritaire pour du laxisme à l’image de Marine Le Pen qui affirme que l’amende de 200€ pour l’usage de stupéfiants serait un pas… vers la dépénalisation.

Pourtant, une partie de l’opposition située à la gauche du gouvernement a également choisi de suivre le gouvernement et l’extrême-droite dans le débat sécuritaire qu’ils imposent. Sur le plateau de BFM TV, Yannick Jadot a ainsi épousé en début de semaine les termes d’Emmanuel Macron et de Jean Castex, en se disant « extrêmement inquiet d’une forme de banalisation de la violence », terme préféré par le chef du gouvernement à celui d’« ensauvagement ». L’écologiste, perçu comme le candidat potentiel d’une union de centre-gauche pour 2022, a ensuite affirmé : « Ce n’est pas simplement un sentiment d’insécurité, c’est une réelle insécurité. C’est une réalité ». Le PCF s’est de son côté tristement illustré par un discours très ambigu appelant à « reprendre le pouvoir dans toutes les rues de la République ».

Du côté de La France Insoumise, le député Ugo Bernalicis, interrogé par L’Express souligne avec justesse : « On assiste à une offensive médiatique et politique, relayée par les chaînes d’informations en continu. Emmanuel Macron veut sanctuariser son électorat de droite et neutraliser les sujets économiques et sociaux. » De son côté, Adrien Quatennens de La France Insoumise a pointé sur LCI la « surenchère » et dénoncé le terme d’« ensauvagement ». Le parti de Jean-Luc Mélenchon défend par ailleurs l’augmentation des moyens de la police et le recrutement de « 10 000 policiers » supplémentaires comme une mesure nécessaire.

Ces prises de position de l’opposition sont diverses, mais elles tendent souvent à répondre à l’offensive sécuritaire sans en dénoncer les fondements, ou à n’y opposer, au mieux, qu’une position attentiste, voire une solution sur le terrain des moyens à allouer aux forces de répression. A l’inverse, il faut souligner que le champ laissé aux discours réactionnaires est inhérente à la faible expression de la question sociale, dans un contexte de crise économique et sociale pourtant explosif. Dès lors, seul son surgissement, au travers des luttes de tous ceux qui s’opposent à la crise, peut clore cette séquence sécuritaire.

Le monde du travail doit imposer un autre agenda

Si l’on ne doute pas que la lutte de classe et la question sociale pourraient provoquer la fermeture de la séquence sécuritaire à l’œuvre, force est de constater que l’absence de réponse coordonnée face à la crise laisse pour le moment le champ libre au gouvernement pour imposer son agenda réactionnaire. Dans un tel contexte, seule la construction d’un grand mouvement opposé à la crise économique et sociale, mais aussi à la gestion pro-patronale de la crise sanitaire, permettrait d’imposer un autre agenda.

Or sur ce plan, on ne peut que constater l’absence d’un plan de bataille à la hauteur de la situation. En guise de plan pour le moment, outre l’Acte 96 des Gilets jaunes qui aura lieu samedi 12 septembre, la date du 17, une journée interprofessionnelle isolée à l’appel de la CGT. Pourtant, partout où les plans sociaux et autres attaques contre les salariés s’abattent, les salariés montrent leur détermination à répondre. A Derichebourg, à la MCA-Maubeuge, à la Fonderie de Bretagne, chez Nokia, dans les magasins Alinéa, chez TUI France ou encore très récemment chez AAA.

Isolées ces batailles sont généralement passées sous silence et invisibilisées. Une coordination des secteurs en lutte associée à un véritable plan de bataille autour d’un programme de refus radical que les travailleurs ne paient la crise constituerait un véritable bouleversement dans la situation, qui ferait vaciller le gouvernement autant que ses projets sécuritaires et racistes. Mais une telle démarche implique que les directions syndicales sortent immédiatement de la logique du dialogue social qui, tant au niveau local que national, les conduit à une conciliation qui constitue une véritable trahison des intérêts de la majorité de la population dans cette période de crise.

Un tel plan de bataille serait également la meilleure des manières de répondre à l’offensive sécuritaire et raciste, dont les effets vont être bien réels pour une partie de notre classe.

 
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