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La Izquierda Diario
11 de septembre de 2020 Twitter Faceboock

Retour sur la manifestation
Première journée de mobilisation à GFT : débrayage et soutien pour ouvrir la bataille
Jyhane Kedaz

Jeudi matin, plusieurs dizaines de salariés du site Getrag Ford Transmissions (GFT) à Blanquefort ont débrayé, dans le cadre d’un préavis de grève de 24h faisant suite à l’annonce de Ford de son retrait du site. Retour sur cette première journée de mobilisation.

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Après avoir fait fermer la FAI, l’usine voisine, Ford se retire des actionnaires de GFT, menaçant l’avenir du site de production de boîtes à vitesses. Aux côtés des nombreux soutiens présents, les salariés ont réaffirmé exiger de la direction, du groupe Magna et de Ford, des garanties quant au maintien et à la pérennité des emplois, tout en soulignant la nécessité de construire une lutte d’ensemble, face aux vagues de licenciements en cours. 

Alors que les salariés de GFT tiraient depuis plusieurs mois déjà la sonnette d’alarme quant à l’avenir de leur usine, la direction de Ford est venue confirmer ces inquiétudes, en annonçant fin août se retirer des actionnaires du site, partagé avec l’entreprise Magna.
Si la charge de production est maintenue jusqu’à 2023, l’annonce du retrait de Ford Motor Company, unique client de l’usine de production de boîte à vitesses manuelles, menace l’avenir des quelques 1000 travailleurs du site. Une nouvelle catastrophe industrielle en Nouvelle-Aquitaine, à quelques mois de la fermeture de l’usine voisine Ford Aquitaine Industries, au sein de laquelle travaillait Philippe Poutou - porte-parole du NPA et désormais conseiller municipal de Bordeaux en Luttes - laissant 800 ouvriers sur le carreau. 

Ford cherche ainsi se débarrasser du site de Getrag, en confiant la gestion d’un éventuel PSE à l’entreprise Magna, celle-ci ayant moins de responsabilités. En effet, Ford a historiquement reçu des millions de subventions publiques pour « maintenir les emplois », tout en se désengageant d’un site à l’autre. Cependant, Ford étant mono-client de l’usine, cette annonce inquiète à juste titre les salariés sur l’avenir de leurs emplois. « Les représentants de Magna nous disent qu’ils veulent reprendre l’usine mais nous expliquent qu’ils n’ont pas de nouveaux clients, pas de nouveaux produits, mais qu’on devrait leur faire confiance puisqu’ils ont une stratégie et un service commercial. » explique Gilles, ouvrier de GFT et délégué de la CGT. «  On réclame que Ford assume ses responsabilités, cela fait près de cinquante ans qu’ils sont sur Blanquefort, qu’ils ont accumulé des années et des années de dividendes et de bénéfices, ils ont donc une responsabilité vis-à-vis des salariés. »

« Ford se désengage, et on n’a aucune sûreté à long terme » explique Maud Briffaut, ouvrière sur le site depuis 2 ans et demi, et membre de la CGT Getrag Ford. « Ils peuvent vendre à Magna et derrière arrêter les commandes, donc ce qu’on demande c’est une pérennisation du travail. Ou du moins que s’ils se désengagent, que nous, on puisse partir avec quelque chose, et pas à ras-les-pâquerettes et avec les minimas sociaux. C’est une entreprise qui fait des bénéfices. S’ils arrêtent les commandes c’est uniquement parce que la boîte ne les intéresse plus : c’est une boîte qui est presque en fin de vie [qui
produit des boîtes manuelles], après cela tout va passer à l’hybride. On souhaite savoir si Magna a un projet pour nous, car pour l’instant ils n’en ont aucun. »
Elle poursuit : « On veut savoir où est-ce qu’on va, si on va avoir du travail sur une longue durée, pas seulement sur 2-3 ans. J’ai envie d’avoir du boulot, de continuer jusqu’à ma retraite. Il y a beaucoup de jeunes dans l’usine, on a envie de pouvoir bosser longtemps. Et même pour les anciens, imaginons que le site ferme demain, certains vont se retrouver au chômage à 57 ans. Qui va embaucher quelqu’un de 57 ans ? Est-ce que la personne aura le droit au chômage ? A la pré-retraite ? On n’en sait rien du tout.  » 

Une première étape dans la mobilisation

Les salariés étaient ainsi mobilisés dès mercredi soir, et ce, malgré les pressions de la direction : « On a fait un appel à la grève de 22h le mercredi soir jusqu’à 22h jeudi soir. Les trois équipes sont concernées. Certains suivent, d’autres non, ce que je comprends, il y a des jeunes qui ont peur, ils subissent une pression de la direction. Mais la grève est un droit, on ne peut pas empêcher quelqu’un de faire grève s’il en a envie. » explique ainsi Maud Briffaut. 

De nombreux soutiens étaient présents ce jeudi midi devant l’usine, afin de réaffirmer leur solidarité. Le chanteur du groupe HK et les Saltimbanks avait fait le déplacement afin d’animer ce rassemblement festif. De nombreux militants y ont pris part, notamment du NPA, de Lutte Ouvrière, ou encore du PCF mais également des anciens ouvriers de Ford Aquitaine Industries dont Philippe Poutou, des travailleurs de La Monnaie de Pessac, et de nombreux étudiants du NPA Jeunes. « On a beaucoup de soutiens qui viennent de l’extérieur aussi, dont des jeunes, ça fait plaisir. On rejoint les autres luttes quand on peut, et c’est important de voir que tout le monde se soutient. » explique la déléguée CGT. 

Jahan, membre du NPA Jeunes/Révolution Permanente, déclarait ainsi : « On est venus soutenir votre grève car aujourd’hui l’incertitude qui plane sur votre avenir […] cela nous concerne nous aussi en tant que jeunes, à qui on n’offre que chômage et précarité dans l’avenir. Dans le contexte de crise économique, avec des APC qui se multiplient, et alors que le gouvernement fait des cadeaux aux multinationales, nous on soutient votre grève et on refusera tout licenciement. Alors que Ford se retire, tandis qu’ils reçoivent des subventions de l’État énormes, on demande l’ouverture des livres de comptes pour savoir où vont tous ces profits, ce qu’ils font des subventions publiques. » Il poursuit « On se bat contre le chômage et pour le partage du temps de travail, alors qu’il y a déjà 25% de chômage dans la jeunesse. Il faut partager le temps de travail entre tous, sans baisse de salaire. Cette bataille on veut l’engager à vos côtés, dès le 17 septembre, bien que cette date posée par les directions syndicales ne propose pas de perspectives d’ensemble. » 

« C’était important de marquer le coup. Si on veut avoir des choses, il n’y a que la bagarre qui permettra de l’obtenir » nous confie Gilles. « Si on continue de se battre boîte par boîte, on continuera à se faire tous massacrer les uns après les autres. A un moment donné il sera important qu’il y ait un front ouvrier pour se bagarrer contre la politique patronale qui en ce moment, pour beaucoup, se résume à des fermetures en répétitions, et à des licenciements en veux-tu en voilà, en sachant que l’évolution du marché automobile ne va pas dans le sens de l’extension de la production de boîtes à vitesses manuelles, bien au contraire. Très rapidement, des problèmes de perspectives vont se poser pour nous, et partout en France, des usines se retrouvent avec la même problématique par rapport au virage vers l’électrique et l’hybride. Quand ce virage sera mis en place complètement, on estime qu’il y aura entre 40 et 50% du personnel de l’industrie automobile qui va fumer. Il est important qu’on se mette tous ensemble, sinon on va se faire avoir séparément. […] Les patrons de l’automobile sont en train de se faire financer ce virage à travers les États, en faisant passer des licenciements qui de toutes façons auraient eu lieu à cause de l’évolution technologique. Il n’y a rien qu’à voir les licenciements chez Renault : ce n’était pas un plan qui a été décidé après le covid mais qui était déjà dans les cartons avant la crise, et ils en ont profité pour avancer leurs pions. » 

La journée du 10 septembre est ainsi une première étape de la mobilisation, contre l’incertitude qui plane sur les quelques mille emplois du site. Alors même que les plans sociaux se multiplient d’ores et déjà dans le pays, et que les APC servent de levier d’ajustement des salaires, créer une solidarité envers les travailleurs de GFT est un premier pas dans la bataille contre les offensives menées par le patronat, qui nécessiteront une réponse d’ensemble de la part du monde du travail et de la jeunesse. Du côté de GFT, les salariés en sauront plus le 4 novembre, à la suite du CSE sensé prendre position quant à la dissolution de GFT. 

Avant ce prochain CSE, il y aura également une participation aux différentes journées de mobilisation, notamment le 17 septembre, date à laquelle participeront les travailleurs de GFT, même si comme le soulignait Gilles durant le rassemblement : «  On sera présent le 17, même si personnellement c’est une journée qui me pose problème, car c’est une journée sans lendemain, comme on en fait depuis des années. Cela permet plus de démobiliser que de mobiliser. Pour moi c’est problématique. ». Un critique juste, qui réaffirme le travail qui doit s’amorcer pour construire une alternative aux appels isolés des directions des centrales syndicales, ne proposant aucun plan d’ensemble à la hauteur des enjeux. 

 
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