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La Izquierda Diario
16 de septembre de 2020 Twitter Faceboock

Encore des cadeaux
Activité partielle de longue durée : le gouvernement veut modifier le dispositif pour faciliter les licenciements
Paul Morao

Alors que les concertations sur le décret mettant en place le dispositif d’Activité partielle de longue durée prennent fin, le gouvernement souhaite modifier en faveur du patronat ses conditions. Les employeurs pourraient ainsi licencier sans devoir rembourser les aides perçues dans le cas où leurs « perspectives » se trouvent dégradées par rapport au moment de la signature de l’accord.

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Depuis le début de pandémie, le gouvernement a mis en œuvre une réponse pro-patronale à la crise. Si dans le cadre du plan de relance de 100 milliards d’euros les baisses d’impôts de production apparaissent de façon particulièrement éclatante comme des cadeaux aux employeurs, il n’en va pas autrement du prétendu « bouclier anti-chômage » promis par Jean Castex.

En effet, alors que le gouvernement revendique les différents dispositifs de chômage-partiel mis en place depuis le confinement en mettant l’accent sur la préservation des emplois, il ne cesse de les modeler dans le sens le plus favorable possible aux employeurs.

Alors qu’un décret portant sur l’Activité partielle de longue durée (APLD) fait l’objet de concertations ces dernières semaines, dans le cadre de la prolongation de ce dispositif, le gouvernement a à nouveau démontré que, plutôt que l’emploi, c’est bien la défense des intérêts économiques des employeurs qu’il vise prioritairement.

A la dernière minute, le gouvernement modifie le décret en faveur du patronat

Discuté avec les directions syndicales et patronales depuis la rentrée, le décret et l’ordonnance portant sur l’APLD vise à en prolonger la durée ainsi qu’à en maintenir le niveau, en revenant sur la décote qui avait été annoncée lors du premier décret passé en juillet dernier pour les accords signés après le 1er octobre. Ainsi que l’avait annoncé sur BFM TV Elisabeth Borne jeudi dernier, le gouvernement a choisi de « maintenir le niveau de prise en charge, donc un reste à charge limité à 15% pour l’employeur, sans limite jusqu’au délai qui est prévu pour négocier ces accords d’activité partielle de longue durée, jusqu’à l’été prochain. » Alors que cette mesure avait des visées incitatives, et malgré le caractère très favorable du dispositif, le gouvernement semble ainsi peu enclin à faire peser la moindre contrainte sur le patronat.

Pourtant, le gouvernement semble prêt à aller encore plus loin. En effet, dans une nouvelle version du décret, soumise à la Commission nationale de la négociation collective, le gouvernement a apporté une modification mardi 15 septembre à son projet. « Le gouvernement souhaite apporter une nouvelle modification au dispositif de l’activité partielle de longue durée en prévoyant que le remboursement des sommes dues par l’employeur en cas de licenciement d’un salarié placé en APLD, ou d’un salarié dans le champ de l’engagement en matière d’emploi, ne sera pas exigé si les perspectives d’activité se sont dégradées par rapport à celles prévues dans l’accord collectif ou le document de l’employeur pris sur le fondement d’un accord collectif de branche étendu » a-t-il expliqué rapporte l’agence AEF dans une dépêche.

Une modification loin d’être anodine puisqu’elle revient sur l’unique disposition contraignante du dispositif d’ALPD, contenue dans l’article 2 du décret du 28 juillet dernier, qui dispose que « l’autorité administrative demande à l’employeur le remboursement à l’Agence de service et de paiement des sommes perçues pour chaque salarié placé en activité partielle spécifique et dont le contrat de travail est rompu, pendant la durée de recours au dispositif, pour l’une des causes énoncées à l’article L. 1233-3 du code du travail. » En clair, en cas de licenciement économique de salariés au chômage-partiel l’employeur était jusque-là sanctionné d’une obligation de rembourser l’aide perçue, une contrainte déjà minimale puisqu’elle ne concernait que la « durée de recours au dispositif », laissant tous les espaces aux employeurs pour licencier des salariés à l’issue du recours au chômage partiel.

Avec la modification défendue par le gouvernement, l’employeur pourrait se prévaloir d’une « dégradation » de ses perspectives économiques pour justifier des licenciements et ainsi éviter toute sanction. Un « assouplissement » qui révèle à lui seul les intentions du gouvernement : donner aux patrons les outils les plus larges pour financer sa baisse d’activité en le contraignant le moins possible.

Un gage supplémentaire au patronat qui n’a pas manqué de faire réagir les directions syndicales, qui ne cessent ces dernières semaines de réclamer d’illusoires « contreparties » aux cadeaux au patronat. « Le ministère a décidé unilatéralement d’assouplir les conditions de remboursement des aides pour les entreprises dans le cadre de l’APLD ; par contre, il n’a toujours pas introduit l’engagement de l’employeur au maintien dans l’emploi des salariés en chômage partiel de droit commun qui avait été acté lors du sommet social du 24 juin à l’Elysée » a ainsi expliqué aux Echos, Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO en charge de l’emploi.

En plein « dialogue social », l’urgence d’un plan de bataille des travailleurs est plus claire que jamais

Si la modification proposée par le gouvernement n’est pas encore actée, elle souligne à nouveau l’urgence d’un plan de bataille face à la crise et aux licenciements. En effet, par-delà ses annonces sur l’emploi, le gouvernement sait que les grandes entreprises réclameront, dès la fin des dispositifs temporaires d’activité partielle, des licenciements massifs et travaille à écarter toute contrainte en ce sens.

Or face à cette situation, aucun plan de bataille ne se dégage pour le moment. S’il s’agit de travailler à faire du 17 septembre un point d’appui, cette journée sans lendemain ne constitue en rien une réponse face à l’ampleur de la situation. Celle-ci exigerait à la fois un programme radical, de refus des licenciements et de toutes les attaques contre les conditions de travail, de partage du temps de travail, de nationalisation sous contrôle ouvrier des entreprises menacées de fermeture, ainsi qu’un plan pour les imposer en coordonnant pour cela l’ensemble des entreprises et secteurs attaqués ou menacés par la crise.

Or, un tel objectif entre en contradiction avec l’attitude des directions syndicales. Depuis le confinement, celles-ci assument un « dialogue social » quasi-permanent avec le gouvernement dans l’espoir d’arracher quelques concessions dans le cadre des mesures de relance et autres dispositifs de soutien à l’économie. Or, il faut bien le dire, ce travail de « concertation » est loin d’avoir porté ses fruits. A chaque annonce du gouvernement, les directions syndicales de la CFDT, FO ou la CGT se retrouvent ainsi à dénoncer l’absence de « contreparties » tout en continuant d’accepter le dialogue social. Des prêts garantis, qui n’ont pas empêché des milliers de licenciement comme chez Renault ou Air France au plan de relance de 100 milliards d’euros, centré presque totalement sur des mesures de soutien aux employeurs, le gouvernement affiche une politique pro-patronale décomplexée. Pire, localement, le respect du dialogue social à conduit des sections de la CFDT ou de FO à accepter de signer des accords constituant des attaques brutales contre les conditions de travail comme cela a été le cas chez Derichebourg du côté de Force Ouvrière.

Du côté de la CGT, de nombreuses sections luttent sur le terrain contre les attaques qui se multiplient. Lors de sa conférence de presse de rentrée, Philippe Martinez a de son côté pointé la façon dont le patronat instrumentalise les dispositifs de soutien à l’activité au service d’un chantage aux conditions de travail. « Souvent les entreprises conditionnent l’APLD à un accord de performance collective avec notamment de la modération salariale voire la suppression de primes, le chômage partiel de longue durée étant noyé dans des mesures de modification de l’organisation du travail et suppriment même en même temps des emplois dans certaines entreprises » a-t-il expliqué. Pourtant, dans le même temps, la confédération qui appelle à une date de mobilisation ce jour se maintient dans une logique de dialogue social et de pression impuissante sur le gouvernement.

Dans le contexte de crise que nous connaissons, le maintien du dialogue social constitue autant une impasse qu’un frein à l’émergence d’un véritable plan de bataille pour lutter contre la crise. De la part de la CGT, qui continue de dénoncer la politique du gouvernement et de défendre de nombreuses revendications progressistes comme l’abaissement du temps de travail ou l’augmentation des salaires en vue d’affronter la crise, l’acceptation du dialogue social devient plus coupable à chaque plan social annoncé.

 
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