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La Izquierda Diario
3 de octobre de 2020 Twitter Faceboock

Islamophobie d’État 
Séparatisme. Macron dévoile « les cinq piliers » de son projet de loi islamophobe
Mahdi Adi

Macron l’a confirmé ce vendredi : le projet de loi contre les séparatismes vise bien les musulmans. Le couronnement de l’offensive islamophobe en cours ces dernières semaines sera présenté au parlement en décembre. Au menu : plus de discriminations au travail pour les musulmans, et la répression des associations entre autres choses.

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Après plusieurs semaines d’offensive islamophobe menée avec ses ministres sur le terrain de l’extrême-droite, Emmanuel Macron a annoncé ce vendredi que le projet de loi contre les séparatismes sera présenté à l’Assemblée le 9 décembre. En déclarant ne pas se laisser « entraîner dans les pièges de l’amalgame tendu par les polémistes et extrêmes qui veulent stigmatiser tous les musulmans », le chef de l’Etat a cherché à se délimiter d’une Marine Le Pen face à qui il se projette déjà pour le second tour des élections présidentielles de 2022, et d’un Eric Zemmour dont les propos ignobles sur les mineurs étrangers avaient provoqué un scandale la veille.

Pourtant l’allocution présidentielle n’a fait que confirmer ce que tout le monde savait déjà, malgré le déni de certains ministres et députés macronistes : le projet de loi contre les séparatismes vise en priorité « le séparatisme islamiste ». Ce faisant Macron joue précisément le rôle dont il faisait mine de se défendre, et stigmatise en particulier les musulmans, alors que pas un jour ne passe sans que ces derniers soient la cible de nouvelles attaques racistes et islamophobes. Une manière d’intimer le silence à tous les travailleurs et tous les jeunes musulmans ou présumés musulmans, qui occupent les emplois les plus précaires et les moins socialement rétribués, et qui auraient à ce titre toutes les raisons de se révolter. On pense par exemple aux intérimaires dans l’automobile ou l’aéronautique, déjà victimes des licenciements pendant et après le confinement, ou alors des agents de nettoyage et des caissières qui ont fait tourner la société pendant le confinement. Des travailleurs qui constituent une part importante de la main d’oeuvre issue de l’immigration, et dont le patronat se sert comme d’une variable d’ajustement en temps de crise, suivant la formule consacrée par le sociologue Saïd Bouamama : « premiers licenciés, premiers embauchés ».
Un projet de loi dont Macron a donc présenté « les cinq piliers », une référence provocatrice aux cinq piliers de l’islam.

Un projet de loi pour renforcer les discriminations contre les musulmans au travail

Pointés du doigt par les polémiques sur les « certificats de virginité et le port du voile dans l’espace public, comme étant les principaux représentants du patriarcat sur Terre en même temps que de potentiels terroristes en voie de radicalisation, les musulmans sont un bouc émissaire bien pratique pour un gouvernement dont le ministre de l’Intérieur est accusé de viol, et qui n’a su répondre aux dernières mobilisation féministes que par la matraque. Un gouvernement également responsable de la gestion catastrophique de la crise sanitaire et ne propose comme seule perspective pour les classes populaires que les licenciements, la casse des droits sociaux et les baisses de salaires.

Car c’est aussi de cela qu’il s’agit. Pour détourner l’attention en pleine crise sanitaire et sociale, alors qu’une crise économique sans précédent menace les emplois, l’épouvantail de l’islam radical a bon dos. D’autant plus qu’il permet de justifier l’usage de pratiques autoritaires et anti-démocratiques, en les employant d’abord contre les ennemis désignés d’aujourd’hui suspectés de « radicalisation » pour avoir laissé poussé une barbe, porté un voile, ou pratiqué la prière. Pratiques qui seront utilisées demain contre les mouvements sociaux à l’instar des Gilets jaunes et du mouvement ouvrier.

A l’instar du premier « pilier » du projet de loi présenté par Emmanuel Macron, qui vise à étendre le « devoir de neutralité » à l’ensemble des salariés du service public mais aussi aux salariés des entreprises délégataires des services publics. En 2016 déjà, la loi Savary donnait aux services de police des prérogatives pour enquêter sur les salariés postulant à certains métiers spécifiques dans les entreprises de transports comme les conducteurs de métro à la RATP, ou pour les salariés des Aéroports de Paris, et émettre un droit de veto à l’encontre de leur candidature. 

Par ailleurs, ce dispositif « donne force exécutoire à un soupçon policier qui n’est pas étayé, ni débattu contradictoirement » pour recaler un candidat, comme le pointe l’avocat Raphaël Kempf dans un article intitulé « Séparatisme. Mettre au pas l’islam et les musulmans de France ». L’extension de cette procédure présage l’augmentation des discriminations racistes à l’embauche, les candidats musulmans ou supposés musulmans tendant à être systématiquement suspectés de radicalisation, en même temps qu’elle renforce le champs d’action de l’appareil policier pour surveiller et s’en prendre à ceux qui s’opposeraient à la politique du gouvernement.

Encadrer les associations : une mesure répressive et anti-démocratique

« Il sera permis de dissoudre les associations et assumer que, en vertu de nos principes républicains et sans attendre le pire, on puisse dissoudre des associations dont il est établi qu’elles portent des messages qui contreviennent à nos lois et nos principes ». C’est ainsi que le chef de l’État a présenté le deuxième pilier de son projet de loi, touchant cette fois à l’encadrement des associations. Leur financement sera également d’avantage contrôlé, tandis que « toute association sollicitant une subvention auprès de l’État ou d’une collectivité territoriale devra signer un contrat de respect des valeurs de la République […] Si le contrat est rompu, ses responsables devront rembourser, car il est nécessaire que l’argent public ne serve pas à financer les séparatistes ».

De cette manière Emmanuel Macron élude le rôle joué par les grandes entreprises multinationales, comme le groupe Lafarge mis en examen pour financement du terrorisme après les révélations de l’association Sherpa sur des sommes d’argent importante que le cimentier aurait versées à Daesh entre 2012 et 2014. De même, les échanges cordiaux entretenus avec les pétro-monarchies et pétro-bourgeoisies du Golfe, ainsi que la responsabilité de l’État français concernant le chaos libyen suite à l’intervention militaire de l’Otan menée à l’époque par Nicolas Sarkozy montre que les vrais terroristes sont à l’Élysée !

Qui plus est cette mesure de contrôle des associations donne d’avantage d’outil à l’appareil répressif d’État pour s’en prendre aux associations jugées subversives en raison de leur opposition à la politique du gouvernement. Dans les quartiers populaires et ailleurs, ce dispositif vise au fond à réduire la marge d’actions des associations pour subordonner toujours plus le secteur associatif aux politiques gouvernementales et à en faire une pure courroie de transmission du régime. D’autant plus dans un contexte où la faiblesse des corps intermédiaires qui s’était exprimé avec la crise des Gilets jaunes, s’est à nouveau montré dans les quartiers populaires cette fois, avec l’absence d’organisme en mesure d’assurer le maintien d’une couverture sociale pour les plus précaires pendant et après le confinement.

A l’école, agiter le foulard de l’islam pour voiler le manque de moyen

De la loi contre le port du foulard dans les établissements scolaires en 2005, au déclarations de Jean-Michel Blanquer pour l’interdiction des sorties scolaires aux mères voilées, en passant par les polémiques sur les repas hallal, l’école a souvent été le terrain privilégié des attaques islamophobes, toujours au nom d’une conception réactionnaire de la laïcité. Ainsi pour cette rentrée scolaire, les écoles, collèges et lycées ont tous reçu une circulaire titrée « Covid, replis communautaristes et dérives sectaires », véritable appel aux personnels éducatifs à « détecter et signaler » les « signes de radicalisations », à l’instar d’une fiche islamophobe diffusée à l’université de Cergy l’automne dernier. L’annonce par Emmanuel Macron du renforcement des écoles hors-contrats et des fermetures administratives « lorsqu’elles s’imposent » pousse donc à interroger cette conception à géométrie variable de la laïcité qui stigmatise les musulmans et supposés musulmans. En effet, rien dans le discours gouvernemental ne vient remettre en cause le régime concordataire qui subsiste en Alsace-Moselle, où les clergés catholique, protestant et juif restent financé par l’État jusqu’à aujourd’hui, et les enfants soumis à des cours de religion dans l’école publique.

D’autre part agiter le foulard de l’islam en sanctifiant l’école républicaine apparaît tout aussi hypocrite quand on connaît les conditions avec lesquelles les enseignants, élèves et personnels sont forcés de travailler et d’étudier. En plus du manque criant de moyen révélé par la mobilisation l’an dernier contre la réforme du Bac, cette année c’est le rebond épidémique et l’apparition de cluster de Covid19 qui met à mal les établissements scolaires. Et alors que les revendications des enseignants qui réclament plus de moyens matériels et humains pour faire face à cette situation restent lettre morte, Emmanuel Macron annonce rendre l’école obligatoire à partir de trois ans en limitant « strictement » l’instruction à domicile. Il est clair que cette déclaration ne relève de rien d’autre que de la provocation non seulement à l’égard des populations musulmanes jugées responsables de l’échec scolaire et des déscolarisation, mais aussi à l’égard des profs mobilisés qui demandent des moyens depuis des années et sont confrontés au mépris du gouvernement.

« Islam en France, islam des Lumières », Macron veut ressusciter le Conseil Français du Culte Musulman

La volonté de séculariser l’islam en France n’est pas nouvelle. Elle correspond à une volonté pour le régime de contrôler les populations musulmanes, majoritairement issues de l’immigration post-coloniales et ancrées dans les couches populaires de la société. Dans une période de crise historique des mécanismes de représentations classiques de la démocratie bourgeoise, avec l’effondrement du PS et du PCF qui canalisaient au moins en partie les luttes de l’immigration, la classe dominante se doit de se prémunir de rupture trop importante avec les habitants des quartiers populaires. « Labelliser des formations, certifier des imams et éditer une charte qui entraînera la révocation des imams si elle n’est pas respectée », comme l’a annoncé Emmanuel Macron ce vendredi, constitue ainsi pour le gouvernement une manière de pallier à cette situation. 

Un projet qui s’appuie sur le contrôle accru des mosquées et de leur financement, mais aussi sur la nécessité de « faire émerger une meilleure compréhension de l’islam », sur le modèle anglo-saxon. Emmanuel Macron a annoncé la création d’un « institut scientifique d’islamologie » ainsi que le versement de 10 millions d’euros à l’association pour l’Islam de France. Une manière de ressusciter le Conseil Français du Culte Musulman créé en 2003 par Nicolas Sarkozy, alors que l’offensive islamophobe menée à l’époque par son gouvernement nécessitait de donner le change en mettant en avant des figures musulmanes à même de défendre le mythe de « l’égalité des chances » qui volait déjà en éclat, comme en ont témoigné les révoltes dans les banlieues en 2005.
Ce que ce dispositif révèle, c’est donc une tentative du gouvernement pour se prémunir d’éventuelles explosions sociales parmi les secteurs subalternes des classes populaires urbaines, par d’avantage de répression et de contrôle social.

« L’espoir de l’émancipation » : un redit de « l’égalité des chances » de Sarkozy

Le dernier « pilier » du projet de loi présenté par Emmanuel Macron s’apparente à un mix entre la promotion de son plan de relance « pour permettre à nos quartiers et à nos quartiers les plus en difficulté de mener les projets éducatifs, culturels, entrepreneuriaux qui sont souhaités et de réussir la transition, à la fois numérique et environnementale » présenté comme « l’espoir de l’émancipation » sans autres précisions, et « un travail d’historiographie et de mise à plat de notre histoire » pour faire face à des « traumatismes toujours pas réglés », en référence à la colonisation.

Si Emmanuel Macron a promis un autre projet de loi contre le racisme et l’anti-sémitisme à l’automne, il n’a consacré pas un mot aux attaques islamophobes de ces dernières semaines sur les plateaux télé, ni aux caricatures racistes de Valeurs Actuelles. On n’en attendait pas moins, vu le contenu du projet de loi qui certifie le caractère institutionnel de l’islamophobie en France. Face à l’islamophobie et au racisme d’État, il apparaît donc urgent que les organisations de gauche et d’extrême-gauche, se réclamant de la jeunesse et du mouvement ouvrier, apportent une réponse à la hauteur des enjeux, contre ce projet de loi et les idées d’extrême-droite qu’il véhicule.

 
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