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La Izquierda Diario
12 de octobre de 2020 Twitter Faceboock

Paroles de travailleuse en lutte
Une gréviste d’Onet-Airbus témoigne : « C’est plus une vie, c’est de la survie ! »
Anna Ky

Leila*, travailleuse d’Onet sur les chaînes de montage d’Airbus, a engagé un véritable bras de fer avec la direction de la boîte. Un combat qui est devenu collectif et solidaire, quand plus de 130 salariés de l’entreprise sous-traitante aéronautique sont entrés en grève le 8 octobre. Elle a accepté de témoigner anonymement.

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Leila (le prénom à été modifié) est salariée de l’entreprise Onet depuis presque 15 ans. C’est après une première grève victorieuse en 2017, face au géant du nettoyage, qu’elle a rencontré ceux qui sont aujourd’hui ses camarades de lutte. En effet, peu après cette victoire, elle a obtenu une mutation sur un des sites concernés par le conflit : « C’était l’occasion pour moi de changer de site pour développer de nouvelles compétences. J’ai fait une formation chez Airbus et en même temps j’ai été élue au syndicat. »

Mais à son retour de la formation, c’est la douche froide : « Quand je suis revenue sur la chaîne de montage de l’A330, je n’ai pas du tout retrouvé ma place, on m’avait enlevé tous les accès de l’ordinateur, j’avais plus de téléphone, on m’avait démunie de tous mes outils de travail, ça a été très compliqué pour moi. » Un mois plus tard, Leila est transférée sur une autre chaîne de montage puis clairement poussée vers la sortie.

Une façon de la mettre à la porte qui n’est pas sans rapport avec son engagement auprès de ses collègues. « C’est clairement de la discrimination syndicale, atteste-t-elle. Parce que même en tant que cheffe d’équipe je me suis toujours placée du côté des salariés, contre le patronat. J’ai toujours essayé de les aider au maximum, comme je pouvais. »

Mais le combat de Leila n’est pas un combat individuel. Son moteur dans la grève, c’est la solidarité avec ses collègues face à des conditions de travail toujours plus dégradées. Pour elle, l’élément déclencheur a été la pandémie de Covid-19 et le confinement. Parce que comme elle le raconte, d’habitude « beaucoup de salariés ont peur et ils font profil bas. Il faut savoir que dans la boîte il y a du harcèlement moral, énormément. On fait profil bas pour plusieurs raisons, parce qu’on a des crédits, des enfants... Moi j’ai un garçon de neuf ans par exemple. Mais en fait là c’est même plus de la vie, on survit, tous un petit peu. Je pense que l’expérience du Covid nous a tous fait réfléchir aussi, on a tous été enfermés, on a tous réfléchi à notre avenir, à notre vie. Je pense que ça a eu un énorme impact, parce que c’est là qu’on a décidé d’être tous solidaires et de porter ensemble des revendications qu’on a depuis des années. »

Parmi les revendications des grévistes, une revalorisation salariale pour pallier d’énorme inégalités de salaires sur exactement le même poste. Mais aussi la prime Covid : « certains ont eu une toute petite prime au mois de mars, mais il faut savoir qu’aujourd’hui même Toulouse passe en alerte maximale concernant la situation sanitaire. On parle de salariés qui, pour beaucoup d’entre eux, ont travaillé pendant le confinement. L’entreprise a donné des masques et du gel hydroalcoolique mais les salariés d’Onet sont aussi chargés de la désinfection sur les chaînes de montage, ils ont dû être formés sur le tas, manipuler tout un tas de produits... Donc on estime qu’on doit avoir la prime Covid pour tous les salariés, tous les mois jusqu’à ce que la crise sanitaire se termine, c’est la moindre des choses. Sachant aussi que depuis des années, les travailleurs manipulent des produits vraiment toxiques et dangereux, des produits cancérigènes, qui peuvent entraîner des problèmes pulmonaires graves. Alors le Covid ne va pas arranger les choses. »

La crise sanitaire et économique a également augmenté considérablement la charge de travail pour les salariés de l’entreprise sous-traitante : « Une partie des salariés d’Onet sont au chômage partiel, donc ceux qui bossent se retrouvent à faire le travail de deux ou trois personnes, il y a vraiment une surcharge de travail, un épuisement physique et moral. Ceux qui bossent demandent de rappeler ceux qui sont au chômage partiel, parce qu’on a besoin d’eux, il y a trop de boulot. » Une raison de plus qui a poussé les travailleurs à se mettre en grève, à laquelle participent également ceux qui étaient en chômage partiel.

Quand on demande à Leila comment elle parvient à mener tous ces combats de front, tout en s’occupant de son fils, elle répond qu’il s’agit simplement d’une question d’organisation : « J’ai vu tellement de choses pas normales au travail, des magouilles, du harcèlement moral... Moi je pars du principe qu’il faut aider les gens au maximum, il y en a beaucoup qui ne connaissent pas trop leurs droits. C’est vrai que moi je suis mère de famille, je suis gréviste et je suis aussi dans le syndicat, mais c’est une organisation, ça nécessite de bien s’organiser, voilà. »

Un esprit combatif qui se ressent parmi l’ensemble des grévistes : « A Onet y a plus de 90% de grévistes, on impacte énormément la production, mais la crise touche tout le monde, il y a d’autres sous-traitants, et les travailleurs d’Airbus directement qui sont concernés. » Et l’objectif, pour Leila et ses collègues, est d’aller s’adresser aux autres travailleurs du secteur, à commencer par les salariés d’Airbus qui sont sur les mêmes chaînes de montage que les ouvriers d’Onet : « C’est important parce qu’actuellement il n’y a plus du tout de désinfection, donc il y a pour eux des dangers graves et imminents. On fait aussi de la prévention, pour leur sécurité. Ils se sont déjà mis en droit de retrait vendredi pour ça, et on leur explique que quand ils exercent leur droit de retrait ils ne perdent pas de salaire. Chez les travailleurs d’Airbus il y a des gens formidables, on a toujours travaillé ensemble, s’il faut les soutenir on le fera. »

Leila conclut cet entretien par un appel à la solidarité et à la coordination de l’ensemble des travailleurs de l’aéronautique : « C’est un combat de tout le secteur aéronautique et on veut vraiment dire aux travailleurs de toutes les boîtes sous-traitantes et même à Airbus que quoi qu’il arrive, on sera tous solidaires avec eux ! Ils pourront compter sur nous, on sera les premiers à les soutenir. »

 
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