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La Izquierda Diario
20 de octobre de 2020 Twitter Faceboock

NON A LA FERMETURE ET AUX LICENCIEMENTS
Bridgestone. 400 emplois supprimés : le scandaleux "plan alternatif" du gouvernement
Nathan Deas

Lundi, la ministre déléguée à l’industrie Agnès Pannier-Runacher, a présenté un « scénario » de sauvegarde de 400 emplois sur les 863 que compte site de Béthune. Un plan qui nécessiterait un investissement de 100 millions d’euros et des sacrifices de la part des salariés. Face à la détermination de la multinationale à fermer le site et à l’inconsistance du plan gouvernemental, le rapport de force demeure seul à même d’ouvrir des perspectives pour les travailleurs

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Crédits photo : AFP

Lundi, la ministre déléguée à l’industrie Agnès Pannier-Runacher, a présenté un « scénario » de sauvegarde de 400 emplois sur les 863 que compte site de Béthune. Un plan qui nécessiterait un investissement de 100 millions d’euros et des sacrifices de la part des salariés. Face à la détermination de la multinationale à fermer le site et à l’inconsistance du plan gouvernemental, le rapport de force demeure seul à même d’ouvrir des perspectives pour les travailleurs.

Le 16 septembre dernier, le fabricant de pneus Bridgestone, numéro un mondial de son secteur et ses 27 milliards de chiffre d’affaire l’année dernière, annonçait brutalement la fermeture de son site et la cessation de toute activité, ainsi que son intention de mettre sur carreau les 863 salariés qui restent du site, après avoir été des milliers. Ce lundi donc, la ministre déléguée de l’Industrie présentait un « plan alternatif ».

A l’issue d’une réunion avec les élus locaux, et les représentants des salariés, le gouvernement dévoilait un projet face à la fermeture totale du site souhaitée par le groupe nippon. Face à la direction de l’équipementier qui a condamné le site industriel du nord du Pas-de-Calais, l’Etat après avoir fait réaliser une contre-expertise par le cabinet Accenture table sur la sauvegarde de la moitié des emplois et un investissement de 100 millions d’euros.

La secrétaire d’Etat aux industries, accompagnée de Xavier Bertrand, président LR des Hauts-de-France, et des représentants des salariés a défendu un plan qui « vise à maintenir une production de 3 millions de pneus sur le site de Béthune au moyen de nouvelles machines-outils qui permettront à Bridgestone de gagner en agilité entre les productions de pneus à faible valeur ajoutée et les autres à plus forte valeur ajoutée », et qui « s’attaque aux deux aspects critiques du site : son déficit de productivité, conséquence de dix ans de sous-investissement ; et le positionnement sur un marché (les pneus de petite taille) en perte de vitesse » explique-t-on au cabinet de la ministre.

Un plan inacceptable : en finir avec les illusions d’une résolution de la crise par les voies institutionnelles

Ce plan alternatif du gouvernement est loin d’être une réponse aux inquiétudes des salariés.Agnès Pannier-Runnachier a déjà prévenu que le « sauvetage » du site ne pourrait se faire sans « un effort collectif, un effort de productivité et une restructuration non négligeable ». Ainsi pour le géant industriel l’effort s’annonce minimal, un investissement de 100 millions, pour les salariés la donne s’annonce différente, plus de la moitié perdront leur emploi.

Un scénario qui rappelle celui de Bari, site industriel de Bridgestone qui avait du faire face le 4 septembre 2013, à l’annonce brutale de se fermeture. Après sept mois de négociations, les directions syndicales et les élus locaux avaient signé un plan de « sauvegarde » de l’usine. Dans l’affaire 377 postes étaient supprimés sur 935, les salaires étaient diminués de 30% et la quasi-totalité des acquis sociaux des travailleurs du site étaient supprimés. Et alors que la direction du groupe s’est déclarée prête à « examiner » la proposition du gouvernement, le scénario de Bari revient nécessairement sur le devant de la scène.

Dans la continuité de sa prise de parole du 13 octobre dernier, la ministre déléguée à l’industrie a déclaré que le gouvernement était prêt à investir mais a refusé de répondre à la question de son contenu, « ce n’est pas le sujet. Le sujet c’est de savoir s’il y a un bon projet industriel ». Et en réalité, si l’on peut imaginer le gouvernement mettre la main à poche, et réunir les 100 millions d’euros demandés pour éviter une fermeture pure et simple du site, au regard de la forte charge symbolique et politique de ce dossier, les promesses gouvernementales restent pour l’heure floues et surtout subordonnées à la position du groupe Bridgestone. Or, comme la multinationale l’a précisé dans un communiqué fin septembre, elle reste déterminée à fermer le site dont elle prétend qu’il nuirait à sa compétitivité. « Le projet de cessation totale d’activité est toutefois la seule option qui permettrait de répondre à la surcapacité de production structurelle de Bridgestone et donc de sauvegarder la compétitivité de ses opérations en Europe. » écrivait en effet Bridgestone Europe le 21 septembre dernier. Une position que le groupe n’a toujours pas infirmé, et s’il a déclaré vouloir « examiner » le plan du gouvernement, la possibilité que celui-ci devienne réalité est très hypothétique :« Cette possibilité repose sur des hypothèses qui nécessitent d’être détaillées et travaillées » explique l’équipementier dans un communiqué

Ce plan proposé par les élus et le gouvernement est le signe d’un net recul par rapport aux promesses et déclarations qui avaient succédé à l’annonce de la fermeture. Le 16 septembre dernier le gouvernement et la Région s’étaient empressés de dénoncer la mesure. Dans un communiqué commun, Elisabeth Borne, ministre du travail, Agnès Pannier-Runnacher, ministre de l’industrie, et Xavier Bertrand, président de la Région interpelaient le groupe et appelaient à cherche des plans alternatifs. La Région comme le gouvernement se présentaient alors comme ceux, qui en jouant la partition de la négociation, à l’échelle française et européenne, allaient permettre de sauver les emplois et l’usine.

En axant le combat sur les « scénarios alternatifs » ou sur la recherche d’un repreneur, en transférant la lutte dans les salons feutrés, en déléguant la bataille à des discussions d’expert, le gouvernement aura réussi à désamorcer la conflictualité. En témoigne le communiqué de l’intersyndicale locale le 21 septembre dernier dans lequel le plan de bataille se résumait à « la recherche de solutions alternatives » en s’appuyant sur le « soutien » du gouvernement : « Un « plan A [pour] sauver l’usine en obtenant de l’invertissement », un « plan B [pour] participer aux discussions autour d’un éventuel repreneur, limiter un maximum les suppressions de postes » et un « plan C [pour] accompagner au maximum les salariés dans le cadre de la fermeture de l’usine ». Dans aucun des trois cas, mention était faite à la possibilité d’une bataille offensive contre la fermeture du site, puisqu’était privilégié le cadre du dialogue social. L ’intersyndicale locale se borne donc pour l’instant à « un accord de méthode » et à la recherche d’un compromis en misant sur l’aide du gouvernement. Cette stratégie conduit à faire profil bas, comme l’a démontré la marche « silencieuse » du 4 octobre dernier, où apparitions politiques et syndicales étaient interdites, quitte à décourager des travailleurs syndiqués d’autres entreprises, comme Cargill, de venir manifester leur soutien. A l’heure où Bridgestone, n’est pas revenu sur son annonce de l’impossibilité d’une issue autre que la fermeture totale du site, et alors que le « scénario » du gouvernement n’est pas favorable aux travailleurs, il est grand temps de poser la question d’un programme radical et d’une stratégie offensive.

Dialogue social ou rapport de force » ?

Ce matin après le dévoilement du scénario gouvernemental et l’annonce et de la « nécessaire réorganisation » du temps de travail et des équipes de nombreux syndicalistes étaient sonnés, Jacky Francoeur ( Sud chimie) se dit « fataliste […] Ce n’est qu’une proposition, pour l’instant la direction a seulement accepté de l’étudier. Mais, que l’on y soit favorable ou pas, de toute façon, pour nous, c’est ça ou la fermeture totale ». Il ajoute « L’État dans cette affaire est un peu comme nous, et nous n’oublions pas non plus que les différentes lois votées depuis des années ont été faites pour permettre à ces grands groupes de faire ce qu’ils veulent ».

Les illusions que la classe politique avait cherché à véhiculer sont terminées. La survie du site ne viendra ni du gouvernement ni du dialogue social. A rebours de toute illusion dans la classe politique (on se souvient de la façon dont Emmanuel Macron et Marine Le Pen avaient instrumentalisé la lutte des Whirpool à des fins électorales, pendant l’entre-deux tours), c’est sur leurs propres forces que les salariés doivent compter. L’attente d’un repreneur ou d’aides de l’Etat a trop duré. La force des ouvriers de Bridgestone, c’est la grève, leur nombre et la possibilité de faire tourner les machines ou non, d’occuper le site pour empêcher le démantèlement. Rien de tout cela n’est possible dans les salons feutrés de l’Elysée, dans le cadre du dialogue social, et alors que les deux premiers mois de négociation ont, pour l’instant, accouché de la promesse de la destruction d’au moins la moitié des emplois.

Dans ce combat, il n’y a pas d’autre perspective que la prise en main de l’usine par les travailleurs. Si la direction de Bridgestone montre sa détermination dans cette guerre de classe à privilégier leurs profits avant nos vies, nous devons opposer la nôtre en toute indépendance de classe. Dans ce combat il n’y a pas d’autre solution réaliste que la prise en main de l’usine par les travailleurs. Pour sauver Bridgestone, il s’agit de construire par une forte mobilisation, la perspective de la nationalisation sous contrôle ouvrier du site. Le premier pas à faire est celui de rompre avec tout cadre de dialogue social pour enfin imposer un véritable rapport de force

 
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