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La Izquierda Diario
20 de octobre de 2020 Twitter Faceboock

Islamophobie au travail
« Rien à foutre de ton ramadan ». A Roissy, un responsable de vol licencié pour avoir réclamé sa pause
Flora Carpentier

Responsable de vol au sein de l’entreprise de sûreté aéroportuaire ICTS France à Roissy, Hakim* a été licencié suite à une agression islamophobe de son supérieur hiérarchique. En plein ramadan, celui-ci n’a pas supporté que le salarié réclame sa pause journalière, qu’il n’avait pu avoir à cause d’une surcharge de travail.

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*Le prénom a été modifié afin de préserver l’anonymat.
Crédit Photo : LP/Gaël Cornier

Alors que nous faisons face à une nouvelle vague islamophobe, le témoignage de Hakim illustre comment celle-ci peut se manifester dans le monde du travail, avec des conséquences parfois très lourdes comme le licenciement. Avec les lois antiterroristes promulguées après les attentats de Charlie Hebdo, le climat est devenu parfois très lourd dans les aéroports pour les salariés musulmans ou assimilés comme tel. Sous prétexte de menace terroriste, les sanctions se sont en effet multipliées contre les salariés de ces secteurs, et les procédures de licenciement se sont assouplies. « Aujourd’hui il suffit que quelqu’un dépose une main courante contre nous pour qu’on soit viré », raconte Hakim. Une façon pour le patronat de museler un peu plus les travailleurs, pour tirer les conditions de travail à la baisse et augmenter ses marges.

Hakim était responsable de vol au sein de l’entreprise de sûreté aéroportuaire ICTS à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle depuis 8 ans, lorsqu’il a été brutalement licencié en mai 2018 pour faute grave, sur la base d’accusations qu’il dénonce comme mensongères et diffamatoires. Assisté d’un avocat, il a lancé une procédure aux Prud’Hommes dont il attend le verdict. Nous relayons son témoignage.

« J’étais responsable de vol à la sûreté, c’est-à-dire que j’avais une équipe pour assurer toute la partie sûreté quand l’avion arrive à l’aéroport, gérer tout ce qui rentre et sort de l’avion : les bagages, le personnel de ménage, la restauration... En 2018, j’ai été victime de propos diffamatoires qui m’ont valu mon poste. Le 23 mai 2018 à 13h15, j’ai été accusé d’avoir agressé mon superviseur à Roissy au terminal 2C. Ce jour-là, j’ai été affecté à la société Servair (préparation des plateaux repas) alors que je n’y étais pas prévu. J’ai effectué ma vacation là-bas sans poser de question, car je savais que c’était de la provocation, puisque qu’aucun responsable de vol ne se rendait là-bas pendant toute une vacation à part moi.

Nous avions ce jour-là plusieurs vols retardés et nous étions en sous effectif, donc je n’ai pas eu le temps de prendre une pause. Je finissais ma vacation à 13 heures, j’ai donc contacté la chef d’équipe du jour pour lui signifier que j’avais terminé ma vacation mais que je n’avais pas pu prendre de pause du fait des conditions de travail du jour. Elle ne m’a pas répondu mais m’a dit qu’elle allait me rappeler. Sans nouvelle de sa part, j’ai décidé de me rendre au bureau pour voir si elle s’y trouvait. Là c’est mon superviseur qui m’attendait, visiblement mis au courant de ma situation entre temps. Il m’a salué et m’a demandé si j’avais quelque chose à lui demander. Je lui ai expliqué que je n’avais pas eu de pause... il a pris l’air surpris, puis a commencé à devenir agressif, à hausser le ton et avoir des propos insultants. Il m’a dit ’j’en ai rien à foutre de ton ramadan !’ C’était effectivement pendant la période du ramadan, mais je n’ai pas compris pourquoi il me disait ça.

J’ai donc mis tout de suite fin à la discussion, en comprenant qu’il voulait me piéger et me faire sortir de mes gonds. Je lui ai dit que je savais où il voulait en venir mais que je n’étais pas assez stupide pour me faire piéger. Là, un collègue intervient pour calmer mon superviseur, visiblement frustré de ne pas avoir pu me piéger. J’ai immédiatement contacté ma hiérarchie pour leur faire part de l’attitude outrancière du superviseur, mais je n’ai pas été pris au sérieux. La hiérarchie a pris parti pour lui sans me demander des explications, alors que j’avais demandé une confrontation immédiate. Pire que ça, ma hiérarchie m’a signifié une mise à pied conservatoire le jour-même, sans motif, puis tout a été très vite : convocation à un entretien préalable et licenciement pour faute grave début juillet 2018... tout ça pour un fait que je n’ai pas commis : on me reprochait sans aucune preuve d’avoir agressé mon superviseur et d’avoir eu un comportement irrespectueux à son égard. J’ai demandé à ce que les enregistrements vidéos soient visionnés pour faire cesser ces accusations mensongères mais je n’ai jamais été écouté. J’ai évidemment contesté mon licenciement et suis actuellement en procédure aux Prud’Hommes ».

Depuis deux ans, Hakim enchaîne les missions en intérim et a du mal à joindre les deux bouts et à trouver un emploi stable. Il a voulu témoigner pour que cette répression au travail ne reste pas invisible. « Pour moi, c’est de la stigmatisation. J’ai été rabaissé, discriminé en rapport avec ma religion... d’ailleurs depuis un moment ils cherchaient à me pousser vers la sortie. Je me suis dit que c’était important d’en parler car je sais que je ne suis pas le premier et que je ne serai pas le dernier. Comme je suis Révolution Permanente depuis un moment, je suis tombé sur le témoignage de la conductrice de bus qui a malheureusement perdu ses enfants. Il m’a beaucoup touché et je souhaite lui apporter tout mon soutien. C’est après avoir visionné son témoignage, qui m’a ému, que je me suis dit qu’il fallait que je dénonce les injustices que j’ai également subi ».

Appel à témoignages : nous invitons les salariés de la RATP ou d’autres entreprises victimes de sexisme, de racisme, de discriminations, de pressions hiérarchiques ou de répression à nous faire part de leurs témoignages en nous écrivant à [email protected].

 
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