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La Izquierda Diario
28 de octobre de 2020 Twitter Faceboock

Sexisme
Maïwenn et Bachelot nous rejouent le débat #Metoo : entre propos réactionnaires et instrumentalisation
Camille Lupo

L’actrice et réalisatrice Maïwenn a récemment dénoncé dans une interview les « conneries » des « femmes qui n’aiment pas les hommes », ciblant la libération de la parole sur les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma. La ministre de la culture, Roselyne Bachelot, y a répondu en promettant des « mesures » contre le sexisme dans les institutions culturelles du ministère.

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Crédit image : Gala / La Croix

« C’est fou ce qu’elles peuvent dire comme conneries ces derniers temps ! Ce sont des femmes qui n’aiment pas les hommes, c’est clair, et qui sont à l’origine de dommages collatéraux très graves. Moi, je suis pour dire aux hommes à quel point on les aime. Il faut arrêter de dire que ce sont tous des pervers ! », a déclaré l’actrice et réalisatrice Maïwenn récemment à Paris Match. Une allusion directe au mouvement #MeToo qui, depuis l’affaire Weinstein, a commencé à briser l’omerta des violences sexuelles dans le cinéma, et aux positions notamment d’Adèle Haenel qui s’était levée en protestation à la nomination de Polanski aux Césars.

Les paroles de Maïwenn, à contre-courant de la vague de libération de la parole des femmes sur les violences sexistes et sexuelles, rappellent la tribune menée par Catherine Deneuve en janvier de l’année dernière qui défendait le « droit d’importuner ». La tribune dénonçait, comme le fait aujourd’hui Maïwenn, un féminisme de « haine des hommes », qui serait une nouvelle forme de « puritanisme ». C’est d’ailleurs ce puritanisme qu’elle reproche à Haenel, non sans infantiliser au passage ses positions (tout en osant comparer un viol à un bobo !) et celles des militantes féministes qui ont appuyé les prises de positions de l’actrice : « Adèle Haenel doit avoir un gros bobo quelque part pour être partie comme elle l’a fait. Le politiquement correct dans ce milieu, aujourd’hui, exige de se déclarer pour elle. Eh bien, moi, je ne le suis pas ».

Maïwenn vient ajouter ici sa pierre à l’édifice, déjà pourtant solide, de tous ceux qui rappellent aux femmes qu’il ne faudrait surtout pas trop faire de vagues, pas trop dénoncer, et surtout pas trop remettre en cause l’ordre établi. Aux côté de Deneuve ou de Bardot, elle vient rejoindre les rangs des femmes bourgeoises qui, bien que subissant elles-même le patriarcat, permettent la pérennité de ce système.

Les violences sexistes et sexuelles, le combat… de Bachelot et du gouvernement ?

« Moi, mon combat, c’est de lutter contre les violences sexuelles », a déclaré quand à elle Roselyn Bachelot, la ministre de la culture, lors d’une interview chez Apolline de Malherbe. Dans la lignée du gouvernement Macron, qui avait décrété les violences sexuelles la « grande cause de son quinquennat », Bachelot semble en faire maintenant son combat personnel.

Bien que dans son interview la ministre ait refusé de « faire des commentaires désobligeants sur telle ou telle personne », elle a clairement répondu aux propos de Maïwenn en se positionnant contre la nomination de Polanski et en se délimitant de l’institution des Césars : « Je pense que la récompense de Roman Polanski était malvenue, et qu’elle a blessé, à juste titre, des militantes (…) L’association des César, qui n’a rien à voir avec une organisation gouvernementale, aurait dû sans doute éviter ce genre de difficulté. » Bachelot a également assuré au micro de BFMTV lundi dernier des mesures concrètes à une date non déterminée pour lutter contre le sexisme dans la culture, dans « tous les établissements dont j’ai [la ministre] la responsabilité ». Elle s’y attellera sans doute avec le même zèle qu’elle a jusqu’ici mis à l’oeuvre pour sauver le secteur de la culture avec des mesures vides dans la lignée des effets d’annonce du gouvernement, en décalage avec l’ampleur de la crise dans le secteur et de son impact désastreux chez les travailleurs les plus précaires.

A grand renfort de coups d’épée dans l’eau et d’effets d’annonce, Bachelot joue encore une fois ici le garde-fou d’un gouvernement qui ne souhaite se présenter comme un grand défenseur des droits des femmes que pour mieux les instrumentaliser. Pendant que le « féminisme » de Schiappa se met au service de l’offensive sécuritaire et islamophobe du gouvernement, et que l’accusation de viol à l’encontre de Darmanin ne demeure « pas un obstacle » à l’exercice de ses fonctions selon l’Élysée, les annonces de Bachelot ne servent qu’à tenter de relégitimer les institutions de l’état en dialoguant avec celles qui s’opposent, à juste titre, aux propos de Maïwenn.

L’opposition de Maïwenn à la libération de la parole autour des violences sexistes et sexuelles est révélatrice de sa position : celle d’une femme bourgeoise qui, comme Deneuve ou Bardot, tire des millions d’euros de son métier, de sa célébrité et de son statut et a, à ce titre, tout à gagner à maintenir ce système qui lui est profitable. Au delà des annonces cosmétiques ou de l’instrumentalisation sécuritaire et raciste du féminisme, qui sont les seules promesses que peuvent faire le gouvernement Macron et sa « grande cause du quinquennat » ou le combat maintenant personnel de Bachelot, il s’agit de s’organiser collectivement, indépendamment des institutions, pour combattre les violences sexistes et sexuelles.

 
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