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La Izquierda Diario
28 de octobre de 2020 Twitter Faceboock

Europe de l’Est
Pologne. Les femmes massivement dans la rue pour défendre le droit à l’IVG
Olive Ruton

Le gouvernement polonais, de la main du fondamentalisme catholique, entend interdire complètement l’IVG et déclenche une contestation d’ampleur contre le gouvernement.

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La Pologne connaît depuis mercredi des manifestations de milliers de personnes dans les rues, non seulement de Varsovie, mais aussi de tout le pays, des grandes villes aux petites communes rurales. Le déclencheur a été, une fois n’est pas coutume, une atteinte réactionnaire au droit des femmes avec la restriction (et dans les faits la quasi-totale interdiction) des Interruptions Volontaires de Grossesses. Jeudi, le Tribunal constitutionnel polonais a ainsi déclaré anticonstitutionnelles les IVG demandées pour motifs de malformations, même les plus graves, du fœtus. Ce type d’avortement étaient jusqu’alors le plus pratiqué, et de loin, puisqu’il représentait 98% des avortements légaux pratiqués en Pologne en 2019 selon Le Monde. Après la publication dans le journal officiel dans quelques jours -qui vaut pour mise en application officielle de la loi- seules les IVG demandées suite à un viol, un acte incestueux, ou parce que la vie de la mère est en danger seront légales dans le pays.

En plus du fait que cette restriction constitue une immense atteinte aux droits des femmes et choque largement la population polonaise et en particulier les femmes - qui vont se voir forcées de porter à terme des grossesses même de fœtus non-viables ou d’avorter illégalement avec tous les risques que cela implique -, cette loi vient anéantir l’un des seuls droits concernant l’avortement dans l’une des législations les plus dures d’Europe. Cette attaque est d’ailleurs loin d’être isolée dans la période. On voit au contraire cette tendance dans de nombreux pays, où une large répression s’abat sur les droits des femmes et en particulier celui d’avorter, par des gouvernements qui « profitent de la crise pandémique pour imposer les restrictions dans l’espoir d’éviter les contestations », comme le note une Tribune de soutien à la grève des Polonaises.

Contre cette nouvelle atteinte hyper réactionnaire aux droits des femmes, ce sont donc par dizaines de milliers que les Polonais et surtout les Polonaises sont descendus dans la rue depuis jeudi dernier, et particulièrement ce mercredi de grève nationale, y compris dans des villes traditionnellement plus conservatrices. Ainsi, depuis maintenant une semaine, la tendance est bien plus à l’amplification du mouvement qu’à son affaiblissement : les mobilisations dans la rue sont de plus en plus massives, et une grande manifestation nationale est encore appelée pour vendredi. Au-delà des mobilisations contre l’interdiction de l’IVG, les manifestants se déclarent en guerre contre le gouvernement polonais, comme en témoigne d’ailleurs le slogan, « C’est la guerre », devenu, avec les éclairs rouges, le symbole du mouvement, au milieu des slogans à la violence et à la vulgarité frappantes et revendiquées.

Une lutte contre un gouvernement très lié à l’église, des plus conservateurs et réactionnaires

Et cette guerre, c’est aussi à toute l’institution religieuse, particulièrement puissante, que les Polonaises ont décidé de la mener, avec une force et une étendue sans précédent. Là encore, c’est dans tout le pays que des églises ont été prises d’assaut par les manifestants, vandalisées, les messes interrompues, envahies... du jamais vu en Pologne où la population est très majoritairement et traditionnellement catholique. Cette violence contre l’église représente un saut important de colère et de révolte contre non seulement le gouvernement mais aussi son ancrage religieux hyper conservateur. Et si ce mouvement connaît des aspects inédits, la Pologne est depuis quelques années l’un des pays les plus touchés par les mobilisations pour les droits des femmes avec, depuis 2016, un retour en force de la grève comme moyen de lutte. En 2016 les Polonaises avaient ainsi remporté une victoire à l’issue d’immenses manifestations et de grèves contre une loi qui visait déjà le droit à l’avortement.

La lutte pour les droits des femmes s’est en effet mise à la hauteur du niveau de réaction politico-religieux du pays. En effet, depuis la chute du mur de Berlin, l’église s’est de plus en plus étroitement liée au pouvoir, faisant sans doute de la Pologne l’un des plus conservateurs de tous les pays ex-communistes. Cette idéologie réactionnaire est aujourd’hui totalement décomplexée, à l’image du ministre de l’éducation qui soutient que les femmes ont été créées pour mettre les enfants au monde – le même qui comparait il y a quelques semaines « l’idéologie LGBT » au nazisme.

A l’heure où en France la vague islamophobe a envahi la scène politique et médiatique depuis la rentrée et plus encore depuis le terrible assassinat de Samuel Patty il y a quelques jours, il est intéressant de voir comment l’idéologie conservatrice et réactionnaire liée à l’église catholique impose une législation profondément rétrograde, et ce par le biais de l’État, dans des pays de l’Union Européenne. De plus, les idées d’extrême droite et les gouvernements réactionnaires comme celui qui règnent en Pologne – et dont le lien avec les groupes fascistes du pays ne sont un secret pour personne -, se sont forgés et appuyés sur un discours là aussi notamment islamophobe, prônant la consolidation des valeurs conservatrices et catholiques en agitant la menace des réfugiés et de l’immigration venue de pays majoritairement musulmans. Face à un discours profondément hypocrite qui appelle à la lutte contre l’islam au nom de l’égalité hommes-femmes, des droits des femmes, et de la liberté chers à la « culture occidentale », la Pologne donne une image de ce que représente la culture judéo-chrétienne et la réaction européenne pour lesdites libertés, égalité, et défense des femmes.

Un mouvement fort et radical, qui rallie au-delà de la question de l’avortement

La mobilisation en cours depuis une semaine, lancée par les femmes polonaises pour le droit à l’avortement est ainsi d’une grande importance par la diversité de ses formes et l’attaque conjointe contre l’État, et son gouvernement nationaliste et conservateur, et l’église qui cimente l’idéologie réactionnaire qui règne sur le pays.

Et contre l’ensemble de ce pouvoir hyper réactionnaire et répressif, la colère s’élève aujourd’hui au-delà encore des femmes et défenseur.se.s de leurs droits. Ainsi, de plus en plus nombreux secteurs se sont agrégés au mouvement, tout d’abord en soutien, et de plus en plus autour de leurs propres luttes, si bien qu’il ressemble aujourd’hui à un large mouvement contre le gouvernement, comme l’explique cet article de Reporting Democraty. « Les gens vont faire la grève cette semaine. Ce n’est plus seulement nous : ce sont les agriculteurs, les chauffeurs de taxi, certains professionnels de la santé - c’est maintenant une affaire nationale. Nous voulons que le gouvernement disparaisse », a expliqué Marta Lempart, l’une des militantes à l’origine de la grève. Le tout avec une radicalité telle que des milliers de personnes se réunissent dans la rue en dépit de la recrudescence de la pandémie et de l’interdiction des rassemblements publics de plus de 5 personnes.

L’étendue d’un tel mouvement initié autour de la lutte pour un droit démocratique, auquel viennent aujourd’hui s’agréger d’autres secteurs, et qui a pris ce mercredi la forme d’une grande grève nationale suivie par des dizaines de milliers de personnes, représente un véritable danger pour le gouvernement ouvertement anti-démocratique et réactionnaire du PiS. La crise du Coronavirus a en plus, intensifié les tensions et les colères, et en Pologne comme dans de nombreux pays, la rage de la population contre une mauvaise gestion de l’épidémie n’est évidemment pas pour rien dans la forme et la radicalité que prend la tournure du mouvement de révolte aujourd’hui. Dans une telle situation de tension sociale et politique, le gouvernement polonais en difficulté se révèle d’ailleurs tel qu’il est, accentuant les tensions et la polarisation politique intense, en caractérisant les manifestations de « tentatives de détruire le pays » et en appelant « ses partisans à « défendre les églises » contre les manifestants favorables à l’avortement », comme le notent Les Échos.

 
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