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La Izquierda Diario
2 de novembre de 2020 Twitter Faceboock

Du Pain et des Roses
Plus d’une centaine de personnes à la réunion de Du Pain et Des Roses contre l’islamophobie
Cécile Manchette
Philomène Rozan

Face à l’offensive sécuritaire et islamophobe du gouvernement en pleine crise économique, sociale et sanitaire, avec le collectif Du Pain et Des Roses nous avons organisé une réunion pour dénoncer l’instrumentalisation du féminisme à des fins réactionnaires, et pour appeler à défendre et construire un féminisme lutte des classes, antiraciste et anti-impérialiste.

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A l’initiative d’une tribune féministe contre l’offensive islamophobe et la loi contre le séparatisme devenue la loi « renforçant la laïcité et les principes républicains », nous avons, avec le collectif Du Pain et des Roses, organisé le 15 octobre dernier une rencontre-débat dans le but de discuter de la nécessité impérieuse de construire un féminisme antiraciste, anti-impérialiste et lutte des classes.

Dans cette tribune publiée début octobre nous cherchions à interpeller le mouvement féministe ainsi que la gauche, l’extrême gauche et les organisations syndicales, sur la nécessité de dénoncer et de répondre de manière unitaire contre l’offensive islamophobe autour du projet de loi intitulé alors « projet de loi contre le séparatisme ». Un projet qui vise en premier chef les musulman.e.s. mais qui in fine vise à s’étendre à toutes celles et ceux qui contestent les politiques du gouvernement et son saut réactionnaire. Suite à l’assassinat de Samuel Paty, le gouvernement n’a pas tardé à instrumentaliser l’émoi populaire pour passer un cap dans la répression, la criminalisation des musulman.e.s et d’organisations comme Baraka City ou le CCIF (collectif contre l’islamophobie en France). Plus encore, les accusations d’ « islamo-gauchisme » pleuvent depuis contre tout individu ou organisation qui dénonce l’islamophobie, le racisme, ou s’oppose à l’unité nationale.

Une attaque très dure contre nos libertés démocratiques qui a déjà des conséquences multiples sur les personnes musulman.e.s et notamment les femmes, avec pour expression la plus violente l’agression au couteau de ces deux femmes portant le voile au pied de la tour Eiffel. Dans notre réunion appelée le 15 octobre nous pointions l’urgence de nous réunir et de nous organiser pour défendre dans le paysage politique et médiatique, la voix d’un féminisme antiraciste, anti-impérialiste et lutte des classes qui s’oppose clairement à l’offensive réactionnaire du gouvernement ainsi qu’à son projet de faire payer aux travailleurs.e.s, à la jeunesse, aux femmes la crise économique que nous traversons. A ce titre, l’offensive sur les droits et libertés démocratiques, et l’appel à l’unité nationale, sont un moyen de stigmatiser, criminaliser, une partie du secteur le plus précaire de la société et d’étouffer toute contestation.

L’écho de notre tribune ainsi que de notre réunion, avec la présence de plus d’une centaine de personnes, a montré qu’il existe un espace à l’extrême-gauche pour proposer un féminisme alternatif au féminisme institutionnel et libéral dominant. Ainsi, avec la conviction que pour en finir avec le patriarcat sous toutes ses formes, il faut en finir le capitalisme, plusieurs de nos militantes sont intervenues pour porter un féminisme qui défend les droits démocratiques de toutes les femmes et particulièrement ceux des secteurs les plus opprimés de la société, dont l’émancipation ne dépendra et ne viendra jamais de l’Etat français. Au contraire pour l’émancipation de toutes les femmes, c’est aux côtés de toutes celles et ceux à qui le gouvernement compte faire payer la crise économique et sanitaire, c’est à dire les travailleurs.es, que réside la clé pour lutter contre « la guerre » économique et réactionnaire que le gouvernement a déclaré.

Inès, Typhaine, Elise et Nadia sont intervenues pour développer comment porter nos idées dans et depuis la jeunesse, le mouvement féministe et le mouvement ouvrier.

« L’islamophobie est une violence qui touche particulièrement les femmes »

Ines est étudiante et fait partie des fondatrices de Du Pain et Des Roses en France. Elle ouvrait la réunion en rappelant justement que nous l’avions organisée dans la continuité de la tribune, et face à la nécessité de faire entendre une voix féministe, anti-raciste et anti-impérialiste. Elle a ainsi expliqué que pour donner suite et corps à la tribune elle participait avec d’autres militantes de Du Pain et des Roses aux réunions du collectif du 10 novembre, qui prépare la prochaine manifestation contre l’islamophobie. En effet, Ines insistait sur le fait que : « L’islamophobie est une violence qui touche particulièrement les femmes parce que le port du voile est un signe visible d’appartenance religieuse qui leurs vaut des agressions, des humiliations publiques, des violences verbales mais aussi physiques. ». Elle rappelait les récentes attaques auxquelles ont dû faire face Maryam Pougetoux, membre du bureau national de l’UNEF et Imane Boun, blogueuse culinaire. « Avec les dernières attaques du gouvernement , dont la proposition de loi contre les séparatismes, les femmes voilées sont de plus en plus exclue de la sphère publique. Et ce alors même qu’elles n’ont déjà pas droit à travailler dans la fonction publique ou les écoles ». Autant de raisons pour les organisations féministes de participer à la manifestation contre l’islamophobie.

Et si Ines, comme toutes les intervenantes, insistait sur l’importance de l’offensive islamophobe orchestrée par Schiappa et Darmanin, nous ne pouvions pas, ne pas rappeler qu’elle se fait sous couvert de « féminisme ». Ines expliquait ainsi que le féminisme défendu par le gouvernement est « bourgeois, qu’il instrumentalise le féminisme à des fins racistes et sécuritaires. Qu’ils construisent une rhétorique selon laquelle les hommes étrangers, musulmans, ou considérés comme tel, sont des agresseurs en puissance » logique qui appuie l’image fausse d’un Occident progressiste contre un Orient réactionnaire et patriarcal. Elle poursuivait en rappelant la rhétorique de Schiappa qui défend « qu’un étranger qui agresse une femme soit expulsé du territoire français, qu’il y a un problème de polygamie dans certaines communautés, ou encore que le harcèlement sexuel n’était pas un problème en Corse où culturellement on respecte les femmes. »

« Nous n’avons rien à voir avec le féminisme de Schiappa » a martelé Ines. « Nous on défend un féminisme qui s’adresse aussi aux femmes voilées. »

L’éducation et l’école au coeur de cette surenchère islamophobe

Elise, également militante du collectif depuis ses débuts est enseignante dans un collège du 93. Elle se retrouve au cœur de la surenchère raciste, et doit faire face à un ministre de l’Education Nationale très friand des sorties islamophobes, qui quand il ne s’en prend pas aux mères voilées qui accompagnent les sorties scolaires, préfère faire la guerre à ceux qu’il nomme « les islamo-gauchistes ».

Et elle a d’ailleurs commencé son intervention sur Blanquer, en revenant sur le mouvement du #Lundi14Septembre, initié par des lycéennes qui dénonçaient les règlements intérieurs sexistes et réclamaient le droit à s’habiller comme elles le souhaitent. « Et la réponse du ministre de Jean-Michel Blanquer ne s’est pas faite attendre, il a dit qu’« il suffisait de s’habiller normalement », en précisant qu’il lutte contre « celles qui veulent venir voilées à l’école » et celles qui « veulent venir avec des tenues provocantes ». Un coup trop couverte, un coup pas assez, une fois de plus nous les femmes ne sommes pas libres de nous habiller comme on le souhaite » a-t-elle ainsi ajouté.

« Fin mai déjà il y eu la publication d’une circulaire envoyée à plusieurs établissements, avec une fiche intitulée « Coronavirus et risques de repli communautariste » où dans l’introduction on pouvait lire que « la crise du Covid-19 peut être utilisée par certains pour démontrer l’incapacité des Etats à protéger la population et tenter de déstabiliser les individus fragilisés » et que « ces contre-projets de société peuvent être communautaires, autoritaires et inégalitaires ». Tout cela se faisant sous couvert des « valeurs de la République » et de la « laïcité » ». Voilà comment Elise rappelait la situation dans les collèges où le gouvernement tente d’utiliser les professeurs pour réaffirmer une laïcité républicaine qui alimente l’islamophobie.

C’est ce contre quoi Elise se bat aux côtés d’une partie de ses collègues et dans son syndicat, en défendant notre féminisme anti-raciste et lutte de classe.

Tout est fait pour diviser les gens

Nadia, conductrice de bus à la RATP, a rejoint le NPA-Révolution Permanente et le collectif au moment de la bataille contre la réforme des retraites. Si Nadia s’est engagée corps et âme dans la grève de décembre dernier c’était pour l’avenir de la majorité de la population et « de nos enfants ». Aujourd’hui encore, elle a rappelé qu’à l’image de la stratégie qu’a utilisé le gouvernement pour faire passer sa réforme des retraites, c’est-à-dire diviser et monter les secteurs les uns contre les autres, une nouvelle fois avec son offensive islamophobe il « cherche à nous monter les uns contre les autres » et à « faire peur ». « Le système capitaliste révèle son vrai visage, et il n’y a plus de doute il faut se battre corps et âme, ce qu’ils nous ont pris pendant le confinement ils ne vont jamais nous le rendre », a-t-elle dit pour interpeller les participant.e.s. Une bataille contre un système dans son ensemble dans laquelle les femmes travailleuses comme Nadia ont un rôle central à jouer aux côtés des étudiantes, de la jeunesse et des travailleurs.

Refusons que les universités soient le laboratoire des politiques islamophobes

Typhaine, étudiante à l’Université Paris 8 et membre du Poing Levé, un collectif qui vise à organiser une frange d’étudiant.e.s autour d’une politique anti-capitaliste à l’université. Elle a dénoncé le climat qui règne dans les universités ces dernières années entre réformes de l’université pour les plier toujours plus aux besoins du patronat, précarité des étudiants et sélection accrue, et mises en place de mesures répressives. On a assisté ces dernières années à une offensive dans les facs des discours, prises de positions et mesures islamophobes et réactionnaires. A ce titre, elle a rappelé la stigmatisation l’an passé des étudiant.e.s de confession musulmane par la mise en place d’une "fiche détection" de "signes de radicalisation » par l’Université de Cergy (avant qu’elle ne recule sur cette mesure) ou encore le cours de « prévention de la radicalisation » qui avait été proposé par la Sorbonne.

Alors que le confinement a plongé les jeunes dans encore plus de précarité, le gouvernement compte bien utiliser l’épidémie pour faire mettre en place plus de sélection et ses réformes. Une privatisation du service public de l’enseignement supérieur qui se double du renforcement d’une offensive idéologique déjà amorcée où l’université ne doit pas être un lieu où peuvent s’élaborer des savoirs critiques et alternatifs à la pensée dominante à l’image des attaques récurrentes contre les études décoloniales ou de genre. « Nous on lutte dans nos facs contre le sexisme et l’homophobie comme à Paris 1 récemment où les camarades du Poing Levé et de Du Pain et des Roses ont dénoncé les réactionnaires d’un professeur de droit, parce qu’on doit lutter contre l’idéologie dominante dont les facs sont le relais. Et on peut s’organiser pour justement s’attaquer aux piliers de l’idéologie dominante et de sa reproduction » a défendu Typhaine faisant référence aux propos de Mardirossian, enseignant de droit à Paris 1, qui a avancé des propos homophobes et transphobes en plein milieu de l’un de ses cours.

A rebours du projet du gouvernement et des directions universitaires pour la jeunesse, Typhaine a expliqué ce que nous cherchons à construire dans les universités : « nous on veut avoir des femmes militantes, des jeunes femmes qui se mettent à la tête de défendre l’accès au savoir qui devrait être accessible à toutes et tous, de défendre une université et une société où les jeunes femmes n’auraient pas à fuir leur cours parce qu’elles sont harcelées ou qu’on les insulte à cause de leur voile, de leur religion ou de leur orientation sexuelle, où les étudiantes n’auraient pas à avoir à choisir entre leurs études, leur travail et parfois même élever un enfant. On pense que l’université devrait être au service de la majorité de la population et produire un savoir pour toutes et tous, des lieux où l’on pourrait enseigner les luttes des femmes et de la classe ouvrière à travers le monde, discuter des questions d’émancipation ». Dans la période que nous traversons, cette intervention s’adressait aux jeunes femmes présentes de se mettre à la tête de la lutte pour que la crise actuelle ne soit pas payée par les travailleurs.es, la jeunesse et les femmes.

Depuis notre réunion, la déferlante islamophobe s’est amplifiée autour de l’union nationale et de l’instrumentalisation du terrible meurtre de Samuel Paty. Face à cela nous avons organisé sur Révolution Permanente un débat avec plusieurs militants syndicalistes, politiques ou anti-racistes venus porter une réponse à la surenchère réactionnaire. Ines, était présente à nouveau pour Du Pain et Des Roses, pour rappeler une fois de plus que nous nous battrons contre les idées sexistes et racistes et contre le gouvernement impérialiste qui les instaurent.

 
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