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La Izquierda Diario
2 de novembre de 2020 Twitter Faceboock

Edito
Grèves et débrayages le jour de la rentrée : « 30 en classe avec le covid c’est pas normal ! »
Boris Lefebvre

La rentrée de classe de ce lundi était sous tension. Entre le protocole sanitaire insuffisant et clairement pas à la hauteur de l’évolution de la pandémie et l’hommage sans concertation préalable pour Samuel Paty, le gouvernement a réussi à faire converger toutes les colères contre lui.

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La rentrée des classes de ce lundi s’annonçait hors norme. Et c’est bien ce qui s’est passé ! Enième cafouillage de la part de Blanquer, désormais une loi du genre qui tourne à la farce : les deux heures de concertations prévues dans les établissements pour que les enseignants puissent préparer l’hommage à Samuel Paty ont été annulées aussi vite qu’elles ont été annoncée. Officiellement, il s’agissait de pouvoir accueillir les élèves dans les établissements et ne pas les laisser dehors. En réalité, Blanquer et sa clique ont réalisé tardivement la brèche qu’’ils ouvraient au déversement d’une colère enseignante, palpable à la veille de la rentrée. Colère palpable au sujet du nouveau protocole sanitaire soi-disant renforcé qui devait être appliqué sans qu’il soit à aucun moment question d’augmenter les moyens alloués à l’éducation nationale, de dédoubler les classes ou d’embaucher massivement des enseignants en plus pour faire face à la crise sanitaire en cours. Mais aussi en raison de la censure très forte qui pesait sur la parole enseignante, invitée à célébrer la liberté d’expression. De nombreux enseignants et élèves se sont mis en grèves ou ont débrayé pour montrer leur colère contre l’incurie du gouvernement.

Un hommage au rabais et la liberté d’expression selon Blanquer

Tout d’abord, la rentrée était particulièrement sous tension puisque les enseignants se retrouvaient pour la première fois tous ensemble dans leurs établissements après l’assassinat terrible de Samuel Paty avant les vacances. Le dispositif mis en place par le gouvernement a été modifié en urgence suite à l’attentat de Nice et a fait passer à la trappe les deux heures de concertation dont les enseignants avaient besoin pour rentrer sereinement en classe, et ce d’autant plus avec le deuxième attentat de vendredi dernier. Ainsi, de nombreux établissements n’ont pas pu organiser de temps collectif d’échange et ont renvoyer aux calendes grecques le temps de concertation que les enseignants réclament. Pour une journée d’hommage et de deuil, Blanquer a décidé de tout faire au rabais.

Le deuxième élément qui marque cette rentrée et l’hommage rendu à Samuel Paty, outre qu’il soit réduit à une minute de silence symbolique, c’est la lettre de Jean Jaurès aux professeurs que les enseignants ont été tenus de lire en classe. On pourrait revenir sur le contenu passablement patriotique et plein de bons sentiments de la lettre, très loin des préoccupations des élèves et très peu adaptée pour parler de la situation. Mais ce qui a le plus retenu l’attention, ce sont les coupes opérées dans le texte original : ainsi la « fierté alliée à la tendresse » que vante Jean Jaurès s’est-elle muée en « fermeté alliée à la tendresse » que vante cette fois-ci Blanquer et son ministère. À cela, il faut ajouter les coupes dans le texte à propos des passages qui n’iraient pas dans le sens de l’unité nationale que le gouvernement veut nous imposer et dont nous ne voulons pas. Ainsi, les extraits de la lettre qui critiquait les évaluations trop fréquentes ont-ils été supprimé pour que tout échos avec la réforme du lycée et les cadences infernales imposées par les E3C, qui ont fait bouger de nombreux établissements l’année dernière, ne remontent à la surface et viennent ternir l’unité de façade que Blanquer veut construire. Une fois de plus, le gouvernement montre que la liberté d’expression qu’il prétend défendre à bon dos et qu’il ne l’accepte que lorsqu’elle va dans son sens.

Enfin, la chasse aux sorcières orchestrée par le gouvernement envers les élèves comme c’est le cas dans un courrier de l’inspecteur d’académie de Besançon adressé aux chefs d’établissements, interroge la profession. Dans le cadre de l’offensive islamophobe lancée par le gouvernement depuis des mois, cette injonction à se faire le relais de sa politique réactionnaire, dont les enseignants subissent les conséquences jusque dans leur classe, passe très mal auprès de collègue qui se voient imposer de dénoncer leurs propres élèves.

Crise sanitaire : les profs en première ligne

L’autre point chaud de la rentrée, c’est le nouveau protocole sanitaire dans les établissements, censé être adapté pour faire face à la deuxième vague du virus. Déjà largement insuffisantes, les conditions sanitaires pour enseigner et pour ne pas contaminer n’ont fait l’objet d’aucun réel renforcement. Toujours le même manque de gel, l’absence de gratuité des masques, l’impossibilité de respecter les gestes barrières et la distanciation physique dans les établissements, dans les classes, dans les cantines. À l’heure où Macron s’est bien gardé d’annonce mercredi dernier que les lieux d’enseignements sont le deuxième cluster du pays derrière les entreprises, l’impréparation du gouvernement et son obsession fanatique de faire comme si tout allait bien a fait sauter les digues.

Malgré l’ambiance quelque peu morose dans laquelle cette rentrée en période de confinement aurait pu se passer, de nombreux établissements ont connu aujourd’hui des [mouvements de grèves et des débrayages massifs de la part des enseignants ou même des élèves. De nombreuses équipes enseignantes ont convoqué des AG, se sont réunis, ont discuté pour manifester leur colère face à un gouvernement qui prétend les « choyer » alors qu’en réalité il les méprise et les envoie en première ligne sans protection. Ainsi, les lycéens du Lycée Paul Eluard, de Saint-Denis, ont bloqué leur lycée ce lundi matin pour dénoncer l’incurie du protocole sanitaire mis en place. Aux cris de « être 30 dans une classe ce n’est pas normal avec le corona, et moi je refuse que nos parents soient en danger ! », les élèves ont refusé de rentrer en classe et de prendre le risque certain d’être contaminé par le virus. Plus d’une vingtaine d’enseignants les ont suivis dans leur démarche et soutiennent leurs revendications. Des dénonciations des conditions sanitaires indignes ont inondé les réseaux sociaux toute la journée via le #BonLundi et montrer que partout les élèves et les enseignants sont mis en première ligne du virus sans que rien ne soit fait pour répondre à l’urgence de la situation. Cette révolte généralisée s’accompagne en outre d’un caractère particulièrement organisé et démocratique pour un secteur qui s’il se mobilise depuis trois ans contre les réformes Blanquer, mais qui n’a jamais autant développé de capacités d’organisation rapide et à la base, c’est ce dont témoigne Pierre professeur d’Histoire Géographie a Bobigny : « On s’est jamais autant parlé entre prof dans l’éducation il y’a vraiment un sentiment de tous ensemble qui se dégage. On s’appelle tout le temps, on fait des réunions en visio, on est en permanence sur Whatsapp à partager les infos. On est un établissement sans tradition militante et pourtant, tout le monde veut participer, apporter sa contribution, même le lien avec les parents est essentiel, leur soutien et leur compréhension sont pour nous une force pour cette lutte ! ».

Ce qui anime ce début de mouvement dans l’éducation qui malgré son invisibilisation par les médias c’est une colère tenace, un sentiment de mépris, et une véritable atmosphère anti-Blanquer. En banlieue parisienne, c’est la présidente de région Valérie Pécresse qui a été accueillie par une haie de gréviste au lycée Marcel Cachin de Saint-Ouen. Dans plus de 200 établissements, selon un recensement de collectif d’enseignants, (surement plus non recensés) il y a eu des débrayages, des AGs, des mouvements.

Face à cette situation où rien n’est fait du côté du gouvernement, des comités d’hygiènes par en bas, pris en charge par les personnels, les agents, les parents élèves, devraient s’organiser et prendre des initiatives pour imposer le dédoublement des classes, la distanciation physique d’un mètre partout dans les établissements, la distribution de masques et de gel, l’augmentation des effectifs d’agents de nettoyage, l’embauche de profs... Recenser les besoins matériels et humains sur chaque établissements, et décider collectivement si les conditions sont acceptables ou non. Dans cette situation hors norme il faudrait aussi imposer l’adaptation des programmes, le report des épreuves terminales de spécialité du bac prévue pour début mars et faire acter que les examens ne peuvent pas se dérouler dans des conditions normales, quoi qu’en dise et quoi qu’en pense Blanquer.

Ce mouvement de colère qui arrive dans une situation où se cumulent la défiance vis-à-vis de l’union nationale que le gouvernement chercher à imposer et l’absence d’anticipation des mesures concrètes à mettre en place pour lutter contre le virus dans les établissements pourrait être le point de départ d’un mouvement profond de contestation de Blanquer et de la politique du gouvernement. Après les mobilisations contre les E3C, d’une ampleur et d’une radicalité qu’on n’avait pas vu depuis longtemps dans l’éducation nationale, le mépris gouvernemental pour ses enseignants et les élèves pourrait mettre le feu aux poudres. Les syndicats enseignants, plutôt que de se fourvoyer dans l’union nationale et le dialogue social, devraient terminer d’encourager cette dynamique partie de la base et appeler rapidement à une grande date de mobilisation interprofessionnelle qui coagule toutes les colères contre le gouvernement. Désormais en première ligne comme de nombreux travailleurs et comme les personnels soignants, les enseignants font eux aussi les frais de la politique gouvernementale qui ne pense qu’au profit et pas à nos vies. Il est urgent de répondre par la mobilisation du tous ensemble à ce gouvernement qui méprise celles et ceux qui font tourner la société au péril de leur vie.

 
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