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La Izquierda Diario
17 de novembre de 2015 Twitter Faceboock

Amalgames de tous bords. « l’esprit du 11 septembre » veut imposer l’union nationale
« L’extrême-gauche [...] tombée du côté du fascisme » ? De Charlie Hebdo à Caroline Fourest
Yano Lesage

Après les attentats du 13 novembre, le gouvernement, la droite et l’extrême droite n’ont cessé de jouer à l’amalgame plus ou moins direct, visant à confondre « musulmans » et « migrants » aux terroristes. Mais ici, ce ne sont plus seulement les « musulmans » qui doivent craindre l’assimilation aux barbares de Daesh, mais quiconque ose hausser le ton et contester la politique de l’État français menée au nom de la lutte contre le terrorisme. « Esprit du 11 septembre, es-tu là ? » A l’avant-garde de cette lutte « idéologique » qui consiste à rejeter dans le camp des terroristes tous ceux qui refusent de rejoindre le camp gouvernemental, les intellectuels de la soi-disant « gauche » mais réellement au service du pouvoir, incarnée par les Caroline Fourest ou Malek Boutih, et plus étonnement Charlie Hebdo sont en première ligne.

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Malek Boutih, député PS de l’Essonne, s’est, le premier, lancé dans l’exercice. Après avoir défendu corps et âme l’unité républicaine et la lutte pour son idéologie, au prix des interpellations arbitraires et de la multiplication des contrôles au faciès, on l’entendait ce lundi 16 novembre dans la matinale de France Inter déclarer : « il faut cesser toute une série de politiques d’assistanat, de mise en ghetto des populations, de laisser-faire et d’explications sociologiques ». Nul lieu de réfléchir aux raisons pour lesquelles non seulement des attentats ont lieu sur le territoire français, mais également pourquoi une idéologie guerrière et barbare comme celle qui est défendue par Daesh, parvient à s’enraciner particulièrement dans cette jeunesse des quartiers populaires, française ou européenne. Un seul mot : la guerre. Militaire à l’extérieur. Idéologique, répressive et ultra sécuritaire à l’intérieur. Selon Boutih toujours, il faudrait surtout « rompre » avec une grille d’analyse qui diverge de celle du gouvernement, en somme, et « avec un certain nombre d’émetteurs, de l’extrême-gauche, un certains nombres d’organisations, etc, qui veulent culpabiliser la société française, et qui aujourd’hui, avec les communiqués qu’ils ont produits dans ces 48 heures, sont tombés du côté du fascisme ». Le point Godwin était atteint. Critiquer la politique de l’État français : au mieux une forme de culpabilisation de la société française, au pire, du fascisme.

Pourtant élu au rang de héraut de la liberté d’expression, connu pour son irrévérence et ses attaques contre la bien-pensance, Charlie Hebdo, le même jour, s’en est également donné à cœur joie contre l’extrême-gauche. Parmi les « amis de Daech », le célèbre canard classe également le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). Comme le gouvernement, pour Charlie Hebdo toute condamnation de la politique guerrière menée par le gouvernement français en Syrie, et avant cela en Afghanistan, en Côte d’Ivoire, en Libye, au Mali, et en Centrafrique au cours de la dernière décennie, est du même registre qu’un Allah Akbar ! « Tous dans le même sac » nous dit-il, accusant le NPA de mettre sur un pied d’égalité les victimes de l’attentat parisien et leurs bourreaux. Et pourtant, alors que nous pleurons nos morts, rien ne nous empêche de condamner leurs guerres : non seulement celle commise au nom de l’État Islamique et de la barbarie, mais également celle menée au nom d’une soi-disant défense des droits de l’homme et de la démocratie, alors que tout en France, des réfugiés en passant par la restriction des libertés, alerte sur leurs entraves. Pour Charlie Hebdo, refuser l’imposition du consensus national autour d’Hollande et de l’escalade militaire conduit à finir « dans le même sac » que Daesh. Voilà une étape de plus franchie par le journal, dans sa longue dérive du combat en faveur des idées d’extrême-gauche, contre l’extrême-droite et le clergé, vers la réduction de sa ligne à la lutte antireligieuse, et en particulier contre l’Islam. Et voilà de quoi ravir une fois de plus l’extrême-droite, qui déjà le 11 janvier dernier se frottait les mains de la récupération islamophobe des caricatures du journal et des attentats.

Enfin, la liste des promoteurs de la guerre au nom de la lutte contre l’islamisme ne saurait être complète sans citer l’intervention de Caroline Fourest sur France Culture, dans sa chronique intitulé « Nos morts, notre légitime défense ». Pendant nationaliste et belliciste du « vos guerres, nos morts » lancé par le NPA, la chronique n’a rien à envier à celle d’un Charlie Hebdo ou d’un Boutih dans le discernement. Pour elle, les autres sons de cloches qui s’élèvent à l’extrême-gauche sont des « refrains de collaborateurs, de supplétifs, qui font le jeu d’une propagande visant à nous détruire ». Des ennemis de l’intérieur, ni plus, ni moins, puisque, selon Fourest, le renforcement des frappes en Syrie est « légitime », tout comme le combat contre la barbarie de Daesh et la dictature de Bachar el-Assad. Dans ces conditions, impossible de condamner l’intervention française, en tout point respectable, tandis que « rejoindre les russes et Bachar el Assad ferait de nous une cible bien plus privilégiée ». Malheureusement pour Fourest, au lendemain de sa chronique, la France s’associait à la Russie dans son combat contre Daesh, et par extension à Bachar el Assad, rendant de fait, à ses yeux, l’intervention impérialiste française beaucoup moins respectable. Sur la contestation de la nouvelle forme que prend l’intervention, on l’attend toujours.

L’esprit du 11 septembre a frappé. La lutte « idéologique » a commencé. Elle ne fait qu’amplifier le jeu de l’extrême-droite, non seulement en stigmatisant les français d’origine - ou assimilés - musulmane, mais maintenant en assimilant également l’extrême-gauche aux djihadistes. Un champ de bataille s’est ouvert entre d’un côté ceux qui se rangent dans le camp gouvernemental et soutiennent sa politique belliciste et impérialiste, et, de l’autre, les voix dissonantes repoussées dans le camp des bourreaux et des soutiens à l’État Islamique. Face à cette propagande gouvernementale qui tente d’instaurer une chape de plomb, la voix internationaliste et anti-impérialiste de l’extrême-gauche doit plus que jamais se faire entendre et proposer une troisième voie. Pas de ralliement à l’union nationale promue par l’État français pour soutenir sa guerre. Aucune complaisance à l’égard de la barbarie de Daesh. La voix des travailleurs et de la jeunesse, la seule à même de mettre un terme à la spirale guerrière dans laquelle ils nous entrainent.

 
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