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La Izquierda Diario
14 de novembre de 2020 Twitter Faceboock

Déjà une répression sanglante
Pérou. Mobilisation massive contre la classe politique corrompue et le coup d’État institutionnel
Sidhoum Leon

Lundi dernier, le Congrès péruvien a destitué le président Martin Vizcarra qu’il soupçonne de corruption. Depuis, des milliers de personnes se sont mobilisés dans les différentes régions du Pérou contre le gouvernement par intérim de Manuel Merino et contre la corruption généralisée à l’ensemble des institutions du pays et de la caste politique. La police réprime violemment la contestation dans de nombreuses villes.

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Crédit photo : Luis Javier Maguiña

Une crise politique de fond depuis 2016, marquée par l’affaire Odebrecht

La chute de Martin Vizcarra s’inscrit dans une crise politique profonde, liée à la crise du régime constitutionnel issu de la dictature fujimoriste des années 90. Cette colère contre le système de corruption des agents publics s’accumule depuis 2016, lorsque les liens de divers politiciens et anciens présidents avec de grandes entreprises comme Odebrecht [1] , entre autres, ont été révélés. De nombreux anciens présidents se sont retrouvés en prison, dont l’un s’est suicidé pour échapper à sa peine. C’est à la suite de ce processus de révélation de la corruption dans la sphère publique que la crédibilité des institutions étatiques péruviennes et la « classe politique » envers la population s’est effondrée. Depuis 2016 le Pérou est plongé dans une crise du régime émanant de la Constitution de 1993, dans laquelle se maintient le fonctionnement des institutions qui gouvernent aujourd’hui la vie politique du pays.

Coup d’état institutionnel : quand les corrompus jouent les moralisateurs

Cette crise profonde du régime a commencé à se manifester lorsque l’ex-président, Pedro Pablo Kuczynski a été contraint de démissionner - un an après avoir pris son mandat - en raison de ses liens avec le monde des affaires. Désormais, c’est au tour de Martin Vizcarra, après deux ans de mandat et alors qu’il ne lui restait que 8 mois de présidence, d’être destitué par le Congrès, pris lui aussi dans l’engrenage de corruption généré par les entreprises privées.

Pourtant, la majorité des membres du Congrès qui jouent aujourd’hui les moralisateurs, est également impliquée dans de nombreux scandales de corruption. Le président du congrès qui assume depuis lundi la présidence de la République péruvienne par intérim, Merino, fait partie des parlementaires conservateurs néolibéraux qui ont approuvé toutes les mesures pro-patronales de Vizcarra et ont durement frappé les classes populaires péruviennes.

Cependant, le Congrès à qui incombe la responsabilité de gouverner est l’un des espaces politiques les plus discrédités, ne représentant une alternative pour les travailleurs. Dans ce contexte, la vacance de Vizcarra approfondit la crise politique actuelle dans laquell, l’ensemble des institutions issues de la constitution de 93 s’enfoncent.

Mobilisations contre la corruption

La principale revendication que les manifestants agitent se dirige contre le nouveau gouvernement de Manuel Merino, qui a déjà nommé plusieurs ministres avec la participation du syndicat patronal CONFIEP, dont la nomination de Patricia Teullet, présidente de la CONFIEP, au ministère des Femmes et des Populations vulnérables, et avec la nomination d’Ántero Flórez Aráoz comme chef du gouvernement.

La mobilisation sur la Plaza San Martín à Lima a été massive, avec notamment une forte mobilisation de la jeunesse et des étudiants. Des milliers de jeunes se sont mobilisés spontanément contre la corruption au congrès qui a permis la vacance de l’ancien président Martín Vizcarra et la prise du pouvoir par Manuel Merino. Le slogan le plus récurrent n’est « ni Merino ni Vizcarra ne nous représentent ». Le rejet profond de la caste des politiciens qui gère aujourd’hui les différentes institutions publiques et les pouvoirs de l’État est mis en évidence.

Des centaines de blessés et 9 morts suite à la répression policière

Dans la ville de Lima, où ont eu lieu les manifestations les plus importantes, la police nationale a déchaîné une brutale répression dans laquelle d’innombrables exactions contre les manifestants ont été commises. Malgré le caractère pacifique des manifestations, la police n’a eu de cesse d’harceler les cortèges de manifestants à coups de gaz lacrymogènes et de tirs de cartouches en plomb dans la foule.
Ces actions répressives ont fait plusieurs blessés graves et neuves victimes sont à déplorer à ce jour. Les journalistes et reporters qui couvraient la manifestation ont particulièrement été ciblés et plusieurs d’entre eux ont été grièvement blessés. La police péruvienne a notamment fait recours au Groupo TERNA, une unité de police en civil ouvertement inspirée de la BAC française, pour infiltrer les manifestations et procéder à de nombreuses arrestations violentes.

Un policier en civil du groupe TERNA tir suite à son éviction de la manifestation

Une assemblée constituante pour en finir avec la constitution de 1993 issue de la dictature

L’idée de changer la Constitution de 1993 issue de la dictature d’Alberto Fujimori, commence à prendre forme dans la mobilisation. De nombreux secteurs qui descendent dans la rue avancent cette revendication comme une issue face la décomposition des institutions et au discrédit des politiciens. Une revendication qui fait écho aux mobilisations chiliennes, et à la victoire du "pour" au référundum sur l’abrogation de la constitution pinochestiste.

Pour ces raisons, le slogan d’une Assemblée constituante a commencé à devenir très important ces derniers jours. Cette revendication constitue une proposition progressiste qui permet d’entamer un dialogue avec des franges importantes de la population sur la possibilité de mettre fin aux principaux instruments de domination politique que les employeurs utilisent pour maintenir et augmenter leurs privilèges au détriment des travailleurs.

Les limites actuelles du mouvement et la nécessité d’une intervention de la classe ouvrière organisée

Cependant, l’une des principales limites de la contestation est l’absence d’intervention de la classe ouvrière organisée. Au-delà de l’intervention de certains dirigeants syndicaux, certains syndicats et travailleurs de manière indépendante ; jusqu’ici, les bureaucraties de la CGTP et la CUT, qui sont les principales centrales syndicales du pays n’ont pas appelé leurs bases à s’organiser pour intervenir dans la situation avec les méthodes de la lutte des classes, jouant ainsi le rôle de béquille de gauche du gouvernement en cette crise politique.

Seule une intervention des travailleurs organisés dans le mouvement, avec un programme d’urgence pour que ce ne soit pas aux jeunes, aux travailleurs et aux petits paysans et commerçants de payer la crise, pourrait permettre d’imposer un processus constituant libre et souverain, indépendant du système capitaliste et de ses institutions, et rompant avec le régime politique de la constitution de 1993. C’est dans cette optique que milite le Courant Socialiste des Travailleuses et Travailleurs (CST) au Pérou, notre organisation-sœur.

Note

(1) L’affaire Odebrecht est une affaire de corruption entre l’entreprise de BTP brésilienne Odebrecht et des personnalités politiques de tous bords, notamment des chefs d’États, principalement latino-américains, ainsi qu’avec l’entreprise pétrolière brésilienne Petrobras.

 
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