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14 de novembre de 2020 Twitter Faceboock

13 novembre 5 ans après : État d’urgence et offensive sécuritaire, la répression En Marche
Petra Lou

Le 13 novembre est le triste anniversaire des attentats commis au Bataclan et dans les rues de Paris. Une tragédie que le gouvernement Hollande avait cherché à instrumentaliser pour justifier sa politique autoritaire et réactionnaire qui a ouvert la voie et entre en écho avec l’offensive islamophobe et sécuritaire de Macron et Darmanin.

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Crédit photo : JPA/L’Essor

Cinq ans après, faire front contre l’instrumentalisation des drames à des fins sécuritaires et islamophobes

C’est ce vendredi le tragique anniversaire des 5 ans des attentats meurtrières de Paris, dans la nuit du 13 au 14 novembre au Bataclan. Un carnage qui aura ôté la vie à 130 personnes et fait des centaines de blessés. En ce jour, nos pensées iront d’abord aux victimes de ce massacre, à leurs familles et à leurs proches. Dans leurs différentes commémorations, c’est encore une fois l’occasion pour la classe politicienne d’instrumentaliser l’horreur pour justifier le tournant autoritaire que l’on voit aujourd’hui plus actuel que jamais.

Ce cinquième anniversaire a lieu dans une période marquée par la crise sanitaire et l’offensive sécuritaire et islamophobe du gouvernement Macron. Montée de l’islamophobie avec notamment l’instrumentalisation du drame à Conflans-Sainte-Honorine, état d’urgence sanitaire et gestion policière de la crise sanitaire, renforcement du dispositif policier, renforcement du plan vigipirate au nom de la lutte contre le terrorisme... Nous assistons à une banalisation des lois d’exception anti-démocratiques : une surenchère autoritaire qui prend racine depuis l’instrumentalisation de ces attentats dont on célèbre le triste anniversaire ce vendredi, mais dont les mécanismes sont inscrits historiquement dans la mise en place de la Vème République.

Les rouages de la Vème République profondément anti-démocratiques

Il faut remonter aux fondements de la Vème République pour en comprendre les mécanismes profondément anti-démocratiques qu’ont utilisé les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, à l’épreuve du pouvoir ces dernières décennies. 

En 1958, alors que la IVème République fait face à une profonde instabilité du régime, avec des crises politiques à répétition, dans un contexte très tendu de la Guerre d’Algérie. De Gaulle, rompant avec la tradition parlementariste de la IVème République, veut mettre en place un régime fort, organisé autour de l’exécutif et particulièrement du pouvoir présidentiel, avec une constitution taillée sur mesure. Ainsi la Vème République a-t-elle un caractère profondément bonapartiste : ce terme, employé par Marx, désigne un pouvoir personnel qui se place « au dessus de la nation » dans un moment où l’antagonisme entre les classes s’accentue. 

La constitution de la Vème République est adoptée par référendum le 28 septembre 1958, que Mitterand taxera de « coup d’État permanent ». Pourtant celui-ci s’en satisfera parfaitement en 1981 lorsqu’il est élu à la présidence de la Vème République. Des mécanismes inscrits dans la Constitution, comme celui de l’article 16 qui permet, « en période de crise », de donner des « pouvoirs étendus » au président de la République. 

Une singularité dans un pays où le gouvernement Macron, très affaibli par la lutte des classes, fait face à une crise de représentation : celle-ci s’est notamment illustrée avec le mouvement des Gilets Jaunes, qui de par ses aspirations démocratiques et scandant « Macron démission » a remis en cause un bon nombre de mécanismes anti-démocratiques en lumière.

Aujourd’hui, l’utilisation de mécanismes pourtant bel et bien « constitutionnels » se renforce, en particulier depuis le quinquennat Hollande au nom de la lutte contre le terrorisme, ainsi que dans le mandat de Macron, qui s’est inscrit dans un contexte de retour de la lutte des classes sur la scène nationale et internationale, et d’accélération d’un processus de crise économique, avec pour arrière plan une pandémie mondiale. De multiples facteurs qui permettent de comprendre aujourd’hui la bonapartisation du régime de la Vème République. 

« Lutte contre le terrorisme » : après le « coup d’état permanent », l’État d’urgence permanent

Selon Vie Publique, « Prévu par la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, l’état d’urgence est une mesure exceptionnelle pouvant être décidée par le conseil des ministres, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas de calamité publique (catastrophe naturelle d’une ampleur exceptionnelle). Il permet de renforcer les pouvoirs des autorités civiles et de restreindre certaines libertés publiques ou individuelles pour des personnes soupçonnées d’être une menace pour la sécurité publique.  ».

C’est au début de la guerre d’Algérie que fut créé le concept d’état d’urgence, en 1955. Auparavant, il n’y avait que la législation dite d’état de siège, valable en temps de guerre et inscrite dans la constitution.L’État d’urgence est né d’une réflexion menée sous les gouvernements Pierre Mendès France et Edgar Faure. C’est en réalité la synthèse des propositions des inspecteurs généraux de l’administration en mission extraordinaire en Algérie et de son gouvernement général Jacques Soustelle, farouche partisan de l’Algérie française. La genèse de l’état d’urgence est coloniale. Le but pour le gouvernement Faure est de mater par la force le mouvement nationaliste algérien en sortant la répression de son cadre légal. Le gouvernement d’alors ne voulait surtout pas laisser entendre que ce que l’on désignait par « les événements en Algérie » étaient bel et bien une guerre. « L’état d’urgence est introduit dans le droit français en tant que nouvel état juridique à mi chemin entre le droit commun (qui caractérise la paix) et l’état de siège qui caractérise la guerre. »

L’état d’urgence est appliqué trois fois en Algérie, puis trois fois dans les colonies françaises en Outre-Mer dans les années 80. Il est ensuite déployé en 2005, pour mettre fin aux émeutes dans les banlieues par Jacques Chirac, notamment pour prononcer des couvre-feux dans certaines agglomérations, et interdire des rassemblements notamment à Paris et à Lyon. 

Après les attentats de 2015 commémorées ce vendredi et alors que la prise d’otages du Bataclan est toujours en cours, François Hollande annonce à la télévision l’application de l’État d’urgence, déployé ensuite sur l’ensemble des colonies en Outre-mer. Celui-ci a connu de multiples prorogations successives : mis en application le 26 novembre 2015 il est renouvelé 6 fois jusqu’au 1er novembre 2017. À cela s’ajoute tout un arsenal législatif, entre autre la loi anti-terroriste avec le plan vigipirate, qui permet de graver l’état d’urgence dans le marbre ainsi que le renforcement des dispositifs policiers et militaires. 

C’est Macron qui finit par le constitutionnaliser, après plus de 4300 perquisitions et 600 assignations depuis les attentats de novembre 2015. Alors que Macron annonce hypocritement la fin de l’état d’urgence, il signe le 18 octobre 2017 la loi anti-terroriste qui consiste justement à entériner la majorité des mesures de l’état d’urgence dans le droit commun, pérennisant un grand nombre de mesures liberticides et restreignant considérablement les droits démocratiques. 

Le gouvernement Macron, dans la continuité de celui d’Hollande, champion de la politique sécuritaire et autoritaire

2015 sous le mandat Hollande a marqué un tournant dans la politique sécuritaire du gouvernement, bien que déjà en 2014 Manuel Valls interdise les rassemblements pro-palestiniens. 

Sans être exhaustif, il est intéressant de se pencher sur les multiples mécanismes constitutionnels sur lesquels se sont appuyés les gouvernements successifs qui ont un caractère profondément anti-démocratique, qui appuient la restriction des droits démocratiques fondamentaux et élémentaires. 

Les ordonnances, que permettent l’article 38 de la Constitution, instituent « des mesures qui sont normalement du domaine de la loi » prises par le gouvernement après autorisation du Parlement. Avec les ordonnances, le Parlement concède à l’exécutif son pouvoir législatif. C’est avec celles-ci notamment que Macron s’est illustré dès le début de son mandat en lançant la Loi Travail XXL pour mener une véritable offensive contre le salariat en offrant des tableaux sur un plateau d’argent au patronat. 

Un autre article, connu sous le signe de 49-3, a fait couler l’encre dans la presse ces dernières années. Faisant partie du titre V de la constitution, qui régit les rapports du gouvernement avec le parlement, cet article est présent dès les origines de la Vème République disposant que « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ». Le 49.3 est une des pièces maîtresses de la Vème République : celui-ci a notamment été utilisé pendant le mandat de Hollande, pour imposer la loi El Khomri, alors que celle-ci a fait descendre des millions de personnes, de la jeunesse et du monde du travail, dans les rues. Imposer une réforme, comme la loi El Khomri ou encore la réforme des retraites, avec le 49.3, c’est la démocratie « made in Medef » : l’exécutif peut faire passer n’importe quel texte avec cet article de la constitution, même si 70% de la population est contre. Dans le cas de la réforme des retraites, après un mouvement d’ampleur avec un soutien massif de l’opinion publique, et surtout la plus longue grève depuis 1968 notamment dans le secteur des transports, le recours au 49.3 explique deux choses : l’affaiblissement du pouvoir exécutif, ainsi que la remontée de la contestation sociale. 

Enfin, un autre article de la Constitution, le 44, le « vote bloqué », permet de prévoir le moment du vote fatidique, pour permettre de rassembler l’ensemble des députés. C’est ce qu’a brandi Véran, au moment du vote sur la fin de l’état d’urgence sanitaire que l’assemblée a voté contre le gré du gouvernement mi-décembre au lieu de février qui était prévu. 

Contre le tournant sécuritaire, défense de nos libertés démocratiques !

Au-delà de la série d’articles inscrits dans la constitution de la Vème République, qui montre les profondes racines anti-démocratiques de ces rouages, le gouvernement Macron opère un véritable saut répressif dans cette dernière période. Avec une gestion policière de la crise sanitaire, le confinement 1, le couvre-feu, et le reconfinement sont des mesures uniquement à visée répressive, pour culpabiliser la population individuellement. Les amendes pleuvent, 100.000 verbalisations ont déjà été appliquées depuis le début du deuxième confinement, qui ne s’accompagne que de mesures cosmétiques quant à la santé publique : rien pour la première ligne, ceux qu’on louait comme les héros de la nation, rien pour les hôpitaux, qui arrivent déjà à la saturation, et pour la population c’est un véritable confinement made-in-Medef (une fois n’est pas coutume) où toutes les activités économiques sont maintenues. Un choix fait par le gouvernement : maintenir les profits au détriment de nos vies, et ce mis au pas par un renforcement drastique du dispositif policier. En plus de cette gestion policière de l’épidémie, le gouvernement a avancé son discours sécuritaire en faisant un grand pas à droite, le nouveau bouc émissaire « des maux de la république » étant les musulmans. Avec des sorties nauséabondes, racistes et islamophobes, le gouvernement cherche en ce sens à justifier son tournant répressif, intrinsèquement lié à un racisme structurel, comme l’a dénoncé le mouvement contre les violences policières et le racisme d’État cet été. 

Ce tournant répressif ne s’incarne pas seulement dans les discours du gouvernement, mais prend véritablement forme dans les nouvelles annonces donnant froid dans le dos, qui se multiplient dangereusement. La loi sécurité globale, qui interdit de diffuser sur les réseaux sociaux des visages de policiers, ainsi que les nouveaux amendements de la LPR qui punissent pénalement « l’entrave à la bonne tenue de la vie de l’établissement », notamment visant les occupations et les blocages des universités, sont de nouveaux pas en avant de ce tournant répressif du gouvernement. 

Ce n’est qu’en étant aussi fermement opposé que possible à ce tournant sécuritaire, réactionnaire, raciste et bonapartiste, qu’il sera possible de résister à toutes les formes de terrorisme, à commencer par les plus institutionnelles, à refuser le racisme d’état et l’islamophobie, ainsi que les violences policières, comme l’ont fait des milliers de jeunes en juin dernier en manifestant à l’appel du Comité Adama. Refuser de faire front et bloc avec ce gouvernement et ses alliés, semeurs de guerre, de misère et de chômage, de xénophobie et d’exploitation : pour se défendre aujourd’hui et préparer la riposte de demain, car le tournant islamophobe et autoritaire que prend le gouvernement c’est à sa manière préparer la répression des mouvements à venir. Contre toutes ces offensives, à nous de préparer avec l’ensemble des organisations de la jeunesse et du mouvement ouvrier un front pour la défense de nos droits démocratiques. 

 
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