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La Izquierda Diario
16 de novembre de 2020 Twitter Faceboock

Deux ans après, le spectre des Gilets jaunes continue de hanter les classes dominantes…
Paul Morao

« Gilet jaunisation de la crise sanitaire », « spectre des Gilets jaunes » : alors qu’une colère sourde traverse le pays face à la gestion catastrophique de la crise sanitaire et aux effets de la crise économique, les médias se font l’écho d’un traumatisme des classes dominantes, celui des Gilets jaunes qui fêtent leur deuxième anniversaire.

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Crédit photo afp.com/Zakaria ABDELKAFI

« Macron va devoir éviter une nouvelle ’gilet-jaunisation’ de la France », « Dans la majorité, le spectre des Gilets jaunes plane sur le reconfinement », « Vers une "gilet-jaunisation" de la crise sanitaire ? » : depuis l’annonce du reconfinement, les éditorialistes de la presse patronale se font l’écho d’une crainte des classes dominantes, celle d’un soulèvement d’ampleur. Entre la gestion catastrophique de la crise sanitaire marquée par le récent reconfinement « made in MEDEF », et la crise économique, que les classes populaires sont entrain de payer au prix fort, la colère accumulée dans le pays semble vouer à exploser.

Et cette peur qui hante le gouvernement a une couleur, le jaune. Deux ans après, le mouvement des Gilets jaunes continue en effet d’incarner la possibilité d’une irruption des masses en dehors des cadres traditionnels et des formes réglées et encadrées de la lutte de classe. « L’Etat social et généreux se déploie, une nouvelle fois, en espérant sans doute que la disparition du collectif, dans les entreprises télétravaillantes et dans les universités fermées, évitera les mouvements de colère traditionnels. Mais on sait depuis les « gilets jaunes », imprévisibles, violents, sans cadre, qu’ils ne sont pas les seuls à faire mal. » note ainsi Cécile Cornudet, évoquant le danger d’un « effondrement social »

Dans un premier temps ce sont les petits commerçants, qui manifestaient ce week-end à Nice contre leur fermeture, qui ont fait craindre à l’exécutif une irruption à la « gilet jaune ». Pris à la gorge par le confinement, de nombreux commerces accusent le coup et ne tiennent que par les aides du gouvernement. Mais en dépit des craintes d’une « gilet jaunisation », la peur d’une irruption massive des petits commerçants ne semble pour l’instant pas se traduire dans la réalité. « À l’époque [du poujadisme], les commerçants et artisans, c’est 10 % de la population active. Aujourd’hui, on est à 3, 4 ou 5 %, donc il y a encore du monde, mais il n’y a pas les effectifs pour se lancer dans un mouvement aussi massif que celui des Gilets Jaunes. Et si les Français sont très solidaires, comme ils peuvent l’être des agriculteurs quand ces derniers manifestent leur douleur, leur désespoir, ce n’est pas forcément une adhésion qui irait jusqu’à manifester côte à côte avec ces petits commerçants qui, encore une fois, sont statistiquement et sociologiquement plutôt isolés. » analyse ainsi Jérôme Fourquet.

La peur de la gilet jaunisation des petits commerçants peut ainsi être interprétée comme une forme de traumatisme des classes dominantes face à l’irruption de la colère spontanée et non encadrée des Gilets-jaunes. Mais à force d’assimiler les Gilets jaunes aux « classes moyennes » pour conjurer le spectre de la lutte des classes, les classes dominantes tendent à évacuer qu’au delà des secteurs du petits patronat et artisans paupérisés, c’est de franges de la classe ouvrière qu’étaient composé majoritairement les Gilets jaunes. Or, deux ans après, une partie de ces mêmes secteurs ouvriers gilets jaunes ont été, et sont encore, en première ligne pendant confinement, dans le nettoyage, le transport, la santé et le soin ou l’industrie. Une position objective qui a lui aussi suscité une angoisse chez les classes dominantes. En avril dernier, Stanislas Guérini évoquait ainsi l’opposition de deux France. « Il y a la France des résidences secondaires et celle des HLM, la France de la 4G et celle des zones blanches, la France qui peut être en télétravail et celle de ceux qui sont en première ligne » avertissant du danger que celles-ci entrent dans un « conflit violent ». De son côté, Dominique Seux pointait de la même façon, avec inquiétude, le fait que le « virus révèle une distance de classes (…). Ce sont des métiers parfois regardés de haut qui se retrouvent à l’extérieur et ne peuvent pas rester chez eux, caissières, ouvriers du BTP, agriculteurs, toute la chaîne logistique, des livreurs aux conducteurs de camionnettes. (…) On mesure une fois de plus dans ce genre de situation qu’il n’y a pas toujours de relation cohérente entre rémunérations et utilité sociale. »

Gilets jaunes, lutte de classe, les deux spectres continuent donc de hanter les classes dominantes. La peur qu’ils suscitent rappelle la fragilité du gouvernement, qui alimente l’offensive sécuritaire visant à préparer les prochains affrontements. Pour notre classe, cette peur indique aussi le chemin à suivre pour ne pas se contenter de leur faire peur. Car ce qui a suscité la crainte des classes dominantes de « tout perdre » en 2018, c’est son caractère offensif et sa capacité à remettre en question l’ensemble du système par des méthodes radicales. Deux ans après le premier acte du mouvement des Gilets jaunes, ce sont ces leçons qu’il s’agirait pour le mouvement ouvrier et tous ceux qui refusent de payer la crise de reprendre.

 
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