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21 de novembre de 2020 Twitter Faceboock

Encore une fois...
Aéronautique. Daher : l’intersyndicale signe 643 licenciements, patrons et gouvernement applaudissent
Joachim Bertin

Après avoir licencié 1700 intérimaires à partir du mois de mars, le gouvernement et les actionnaires de Daher main dans la main avec les directions syndicale dans l’entreprise, se félicitent du dialogue social qui va permettre de supprimer 643 postes, contre 1261 annoncés : le patronat a réussi son coup !

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En juin dernier, nous étions parmi les premiers à annoncer la volonté de Daher et de son PDG Didier Kayat de supprimer 3000 postes comme conséquence de la baisse importante du trafic aérien. Daher est un avionneur et une entreprise de logistique qui intervient dans l’aéronautique (comme logisticien pour Airbus), mais aussi comme sous-traitant automobile, notamment pour Renault, ou encore dans l’industrie pétrolière.

Dès l’annonce de ce plan brutal de suppressions d’emploi, la CFDT distribuait des tracts où il était impossible de ne pas voir la main du patron tenant le stylo. Du côté des autres syndicats, y compris des réputés plus combatifs comme la CGT, pas de réaction si ce n’est la revendication... d’une prime Covid !

Très vite, la presse a présenté des chiffres bien plus bas. En effet, parmi les 3000 suppressions d’emploi, il fallait compter sur les 1700 intérimaires, véritables kleenex du patronat mis à la porte ces derniers mois. Désormais, le gouvernement ou la presse s’attelaient à démontrer les effets positifs du dialogue social pour baisser le nombre de licenciements chez les CDI (1261 annoncés à l’origine). Selon une ruse vieille comme le monde, utilisée par l’ensemble du patronat aéronautique, la stratégie du choc consiste à annoncer un nombre de licenciements particulièrement haut pour amener les organisations syndicales autour de la table et les enchaîner au dialogue avec les exploiteurs et les représentants des actionnaires qui licencient pour sauver leur capital. Aujourd’hui, les 643 suppressions de poste qui ont été acceptées par l’ensemble des organisations syndicales, ainsi que la cession de l’usine de Saint-Julien-de-de-Chédon dans le Loir-et-Cher sont présentées comme des victoires par le gouvernement et le patron de Daher.

« Un modèle du genre » pour Agnès Pannier-Ruchacher

La « Ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Industrie », Agnès Pannier-Ruchacher se félicite auprès du journal du patronat industriel L’Usine nouvelle de l’excellent résultat des négociations, de l’accompagnement du gouvernement à toutes les étapes de négociation du PSE, pour s’assurer que ce soient les salariés et de l’argent public qui payent la crise et à aucun moment les actionnaires de Daher. Un petit bijou de dialogue social ! La clé de la réussite ? « Une intersyndicale alignée » selon la ministre, les cinq organisations syndicales ont signé les accords de fin de négociation pour ouvrir la voie au PSE. Alignée certes par son unanimité, mais surtout alignée derrière les intérêts du patronat contre ceux des salariés !

Déjà le 1er octobre, la CGT Daher, après avoir lancé un timide appel à la grève, l’avait annulé le matin-même s’en remettant à des promesses de la direction pour une semaine plus tard. Sur le site de la plate-forme logistique AirLog à Toulouse, des salariés nous avaient confié leur dégoût, eux qui voyaient la machine à broyer des licenciements fondre sur eux sans aucun moyen de s’organiser.

Bien sûr, souligne Didier Kayat (PDG de Daher), soucieux de ne pas froisser ses amis signataires de l’accord, « elles [les organisations syndicales] restent, par principe, opposées aux licenciements ». Face à 643 suppressions de postes, il apparaît clairement que ces principes de façade ont encore moins de valeur que les salariés pour la direction et les organisations syndicales de Daher.

Des miettes pour aider les travailleurs à payer la crise

A l’image des négociations chez Airbus, le patronat n’est pas avare de petits cadeaux tant qu’il peut licencier à tour de bras, faire peser le poids de la crise sur les salariés et ne pas mettre en péril les profits qu’il fait depuis tant d’années sur leur dos. Ainsi, le gouvernement, le patronat et les syndicats de l’entreprise ont été main dans la main pour négocier une Activité Partielle de Longue Durée (APLD) présentée comme une mesure providentielle : en effet elle permet au patronat de voir les salaires pris en charge à 60 % par l’Etat, pendant ce temps les salariés voient leur rémunération amputée de 16 %, sans compter les primes qui sautent ! A côté de cela, contre la mise à la porte de centaines de salariés, les syndicats ont négocié que le délai pour être repris dans l’entreprise passe de 12 à 24 mois. Alors que certains estiment qu’un retour à l’activité de 2019 pour le secteur aéronautique n’est pas à attendre avant trois ou quatre ans (ou plus), que le marché de l’emploi dans le secteur, dans l’industrie et même dans toutes les branches de métier risque d’être fortement saturé dans les mois à venir, les syndicats et la direction essayent de faire passer la pilule en faisant miroiter d’être peut-être repris dans deux ans ! Espérons d’ici-là pour les salariés qui seront licenciés que les échéances du crédit pour la maison, l’assurance de la voiture et les factures se règlent toutes seules : peut-être la magie du dialogue social peut-elle faire arriver ce genre de miracles !

Dans l’aéronautique, le patronat présente souvent comme une chance, au cas où l’on réchappe aux licenciements, d’avoir recours à la mobilité. Ainsi, les salariés du Loir-et-Cher, de Loire-Atlantique, des Hautes-Pyrénées, ou de Haute-Garonne seront heureux d’apprendre qu’ils sont interchangeables entre toutes ces régions. La direction de Daher met en place des primes (jusqu’à 4,5 mois !) pour accepter dès novembre de travailler à l’autre bout de la France ! Peu importe les déchirements familiaux que cela peut impliquer, un conjoint qui a un emploi, des enfants qui ont des amis à l’école, et même tout l’environnement social auquel on doit être arraché car le couperet des licenciements plane au-dessus de la tête. Les quelques aides à l’emménagement ou aux démarches administratives ne valent rien à côté de toutes ces souffrances sociales et psychologiques qui ne peuvent être financiarisées à l’inverse des gains des actionnaires.

A côté de cela, le traditionnel départ volontaire, qui permet de gratter quelques indemnités pour se relancer mais qui représente un véritable saut dans le vide face à la situation économique actuelle.

Autre perspective, le reclassement pour quelques salariés dans d’autres boîtes et en particulier avec.. Adecco pour des CDI intérimaires (une contradiction dans les termes) ! Les salariés de Daher qui ont vu tous leurs collègues intérimaires se faire jeter comme des malpropres dès le mois de mars doivent avoir un goût amer quand on leur propose de se retrouver désormais dans cette situation qui rime avec une précarité quotidienne au travail.

Dans tous les cas, les salariés de Daher perdent la reconnaissance de leur ancienneté, la relative sécurité d’un CDI et les primes éventuelles.

Bien entendu, la direction après avoir effectué un carnage social en règle essaye de braquer les projecteurs sur les dommages qu’elle a subis. « En matière de consolidation, je répète que Daher se met en position d’être un consolidateur, malgré les pertes que nous allons enregistrer cette année. Nous devrons pour cela augmenter notre capital en 2021 ou en 2022 en accueillant de nouveaux investisseurs. J’ai prévenu nos actionnaires de cette nécessité et du fait que cela allait diluer leurs participations. Ils l’ont très bien compris » confie Didier Kayat à l’Usine nouvelle. Évidemment que les actionnaires l’ont compris et se réjouissent même d’avoir si peu à perdre et que l’essentiel de l’effort pour la crise soit supporté par les salariés et le contribuable. Daher bénéficie en effet de 170 millions d’euros de prêt garanti par l’Etat, du chômage partiel évidemment depuis le mois de mars et bien entendu de nombreuses subventions par les collectivités territoriales, tellement reconnaissantes qu’en supprimant ces 643 postes et en virant 1700 intérimaires, Daher ait « sauvegardé » l’emploi.

Pour sauver l’emploi, reprendre leurs profits aux capitalistes

Dans toute l’industrie, la seule solution à la crise présentée par l’Etat, la bourgeoisie et leurs organes de presse consiste à faire payer la crise aux travailleurs : baisser les salaires, supprimer des postes. Le chômage de longue durée pour ceux qui partent, l’augmentation des cadences et de la pression au travail pour ceux qui restent. Mais il existe une autre voie, qui consiste à refuser tout licenciement, toute baisse de salaire ! L’industrie aéronautique des donneurs d’ordre au sous-traitant, a gavé ses actionnaires de milliards d’euros (Airbus faisait plusieurs milliards d’euros de bénéfices par trimestre !) pendant des années ! Où est passé cet argent ? Pourquoi n’y a-t-il plus rien aujourd’hui ? Ces richesses ont été produites par ceux et celles de qui l’ont dit aujourd’hui qu’ils sont en trop et qu’ils coûtent trop cher !

Le patronat vient de faire la démonstration qu’il est incapable d’assurer le fonctionnement de l’économie, d’assurer des conditions de travail dignes pour ses salariés, incapable d’assurer un avenir pour notre planète ! A la moindre crise, il se réfugie dans les jupons de l’Etat, ravi de l’aider à se remettre à flot alors que pour les services publics il n’y a jamais eu d’argent. Les salariés que l’on condamne à vivre dans la peur du lendemain ont le droit de savoir où sont allées les richesses qu’ils ont produites, ils ont le droit de décider comment sauver les emplois, ils ont le droit de dicter la marche de la production pour qu’elle serve à répondre aux besoins du plus grand nombre, pas à l’armée et pas à une poignée d’actionnaires.

Le dialogue social est un piège qu’il faut absolument refuser. Commencer à discuter avec ceux qui veulent licencier pour savoir quand et comment le faire revient à accepter que les salariés sont responsables et doivent payer. C’est pourtant le chemin qui est emprunté par la majorité des sections syndicales et la boussole qui est donnée par les directions à échelle nationale qui passent leur temps à négocier avec le patronat et le gouvernement à quelle sauce les travailleurs vont être mangés.

Les travailleurs de l’aéronautique, des ouvriers aux ingénieurs disposent d’une grande force. Sans eux il n’y a pas d’avion, pas de transport, pas de commerce. Une grève sur les plate-formes logistiques de Cornebarrieu à côté de Toulouse, peut paralyser toutes les chaînes d’assemblage d’Airbus. Il est certain qu’avec cette donnée dans l’équation, la discussion aurait pris un autre ton ! Mais les directions syndicales ont tout fait pour empêcher ce potentiel de s’exprimer, n’ont jamais cherché à le dévoiler. Cette force c’est celle qui fait tourner au quotidien l’économie. Didier Kayat et les actionnaires ne sont que des parasites qui ponctionnent le travail des ouvriers et les licencient quand leurs profits sont mis en cause.

Après que les capitalistes ont fait la preuve, que leur système est incapable de garantir l’emploi, qu’il a besoin de l’argent de l’Etat pour fonctionner, les salariés auraient pu se battre pour imposer leur volonté et leur contrôle sur la production et que la propriété de l’entreprise soit reprise par l’Etat, sans rachat mais en expropriant purement et simplement ceux qui licencient.

Une telle perspective nécessite bien entendu une lutte d’ampleur de tous les salariés du secteur aéronautique en commençant déjà par refuser absolument de payer la crise, refuser que les salariés aient à perdre un euro pour sauver les profits du patron. C’est la perspective que défend le Collectif des Salariés de l’Aéronautique, pour 0 licenciement, 0 baisse de salaire, et la nécessaire coordination entre les différentes boîtes, entre sous-traitants et donneurs d’ordres.

Détonnant dans le paysage des réactions aux attaques patronales, la grève de Toray est actuellement un conflit qui montre la voie par la détermination et l’intransigeance des salariés qui mènent une grève dure et refusent tout compromis avec le patron qui montre désormais le vrai visage du dialogue social en attaquant des figures de la grève en justice.

Pour que notre classe n’ait plus à connaître des défaites sans combat comme à Daher ou à Bridgestone, nous devrions nous inspirer de cette grève, la faire connaître partout, et envoyer aux travailleurs en lutte toute notre solidarité, en donnant à leur caisse de grève.

 
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