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La Izquierda Diario
1er de décembre de 2020 Twitter Faceboock

#nousnesommesplusvospions
Grève des AED. Précarité, manque de formation, ces pions en colère !
Manuela Salomé

À l’occasion de l’appel à la grève chez les AED ce mardi 1er décembre, revenons sur 17 années de casse du statut des surveillants en collèges et lycées, sur les enjeux pour nos gouvernements, et les raisons de la colère des AED aujourd’hui.

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Si la tendance #NousNeSommesPlusVosPions grimpe ces derniers jours, c’est bien parce qu’elle révèle le ras-le-bol général des vies scolaires qui, loin d’être ponctuelle, s’est installée depuis de longues années avec la modification des statuts, des missions, et de la place qu’occupent les surveillants dans les établissements du 2nd degré.

Remontons le temps… avant la loi Ferry de 2003, les pions étaient surveillants d’externat ou maîtres d’internat. C’était la belle époque ! Ces contrats étaient exclusivement dédiés aux étudiants, qui y gagnaient alors un vrai statut d’assimilés fonctionnaires, travaillaient 28h hebdomadaires, payées 32, avec un contrat de 7 ans, un salaire très honorable (950€ nets, soit 80€ de moins que le SMIC de l’époque), et une autorisation tacite de s’absenter pour les partiels. Mais surtout, le recrutement était académique : ce sont les rectorats qui recevaient les candidatures et recrutaient, il n’y avait alors aucun profilage. C’était vraiment LE job qui permettait de concilier études et travail, de se payer un appart, d’avoir la sécurité de l’emploi le temps de terminer la fac, et pourquoi pas de découvrir les métiers de l’Education. Alors à l’époque, c’était un peu roots, on bricolait pas mal, l’informatique n’était pas très développée en vie scolaire, on s’attachait surtout à développer une relation humaine et de proximité avec les élèves pour les accompagner, et bien sûr on les surveillait, et parfois on les punissait. Les CPE et les chefs d’établissements faisaient confiance.

Un statut cassé pour répondre aux besoins du néolibéralisme qui s’implante de plus en plus à l’Education nationale

Aujourd’hui, un surveillant, c’est un assistant d’éducation (AED). Bel élément de langage qui donne aux pions quelques lettres de noblesse… sur le papier. La raison de cette « promotion » ? Le ministre Ferry avait estimé que l’ancien statut n’était plus adapté aux besoins des établissements du 2nd degré. En effet, aujourd’hui, le statut d’AED répond bien mieux aux critères du libéralisme en imposant précarité, multiplication des tâches et néo-management.

Les chefs d’établissements sont devenus recruteurs, le salaire d’un temps plein équivaut à un SMIC, les contrats sont d’un an renouvelable (6 fois) et ils différencient 2 statuts : celui des étudiants qui travaillent 36h, et celui des non-étudiants qui cravachent 41h hebdomadaires… pour le même salaire. On comprend que les principaux de collèges et proviseurs de lycées préfèrent embaucher des non-étudiants, d’autant que les dotations en surveillance ne sont pas en augmentation, et qu’il faut bien que la sécurité des élèves et toutes les autres tâches soient assurées. Et puis si l’AED ne cadre pas avec les attentes de la direction, s’il fait grève, ou est souvent malade, il est facile de ne pas renouveler son contrat. Aujourd’hui, les AED qui travaillent pour financer leurs études représenteraient à peine 30% des surveillants, le principe de recrutement prioritaire de boursiers inscrit dans le décret de 2003 n’est pas respecté. En contrepartie, pas de contrepartie : aucun CDI en vue, les missions d’AED restent précaires. Mieux encore, notre ministre Jean-Michel Blanquer, en réformant la formation, a inventé des AED pré-professionnalisés tout droit sortis de l’Inspé (centre de formation des enseignants). Jargon compliqué pour offrir aux établissements des profs remplaçants quasi-gratuits, et poursuivre ainsi la diminution du nombre de titulaires remplaçants qui sont pourtant les mieux rodés pour ce type de missions.

La mobilisation nationale du 1er décembre porte les revendications d’un métier maltraité

Le 1er décembre, les AED sont en grève nationale, ils exposent ainsi légitimement leur désarroi général. Pour ces petites mains déjà très peu considérées, travaillant à une cadence soutenue, sans pause réelle et sans autonomie, la crise sanitaire a fait monter d’un cran l’austérité qu’ils vivent au quotidien dans les établissements : en première ligne et dorénavant gardiens du port du masque des élèves, l’aspect pédagogique de leurs missions, déjà mince, a totalement disparu. Laissés au contact de centaines d’élèves sans distanciation et, rappelons-le, équipés eux aussi de masques toxiques dès la rentrée de septembre, les AED ont durement commencé l’année. Les services vie scolaire ont d’ailleurs été les premiers touchés par le Covid, on parlait dès le 11 septembre de « scénario catastrophe » quand un collège parisien a dû fermer sa vie scolaire. Sans vie scolaire, difficile en effet de maintenir les enseignements, c’est là tout le paradoxe des personnels peu valorisés mais indispensables au fonctionnement des établissements. Les AED ne touchent pourtant aucune prime, pas même la prime REP qui est accordée à tous les personnels, et alors même qu’ils sont au centre de la gestion quotidienne des élèves en éducation prioritaire.

En donnant aux chefs d’établissements le champ libre au profilage pour embaucher des AED qui répondent à leurs critères propres, en détachant la qualité d’étudiant de cette fonction, et en maintenant ces emplois à la limite du seuil de pauvreté pour un travail très éprouvant et non reconnu, les gouvernements qui se sont succédés ont choisi de privilégier la précarisation de ces emplois essentiels. Au regard du manque de formation, et à l’heure de la loi Sécurité Globale, nous sommes en droit de nous demander si le surveillant de demain ne sera pas un vigile en charge d’empêcher les lycéens d’exprimer leurs revendications, dirigé par la crainte de perdre le revenu qui permet de subvenir aux besoins de ses enfants.

Avant même que la journée de mardi ne débute, plus de 700 vies scolaires se déclaraient grévistes. Et si la grève était reconduite, les établissements pourraient-ils rester ouverts ?

 
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