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La Izquierda Diario
5 de décembre de 2020 Twitter Faceboock

Enquête parlementaire sur la gestion du Covid-19 : retour sur la « gestion chaotique » de l’exécutif
Sol Esterez

Après 6 mois de travaux et 56 auditions, les députés ont rendu publique la commission d’enquête relative à la gestion de la crise du Covid-19 par le gouvernement en France : quelques critiques mais aussi beaucoup d’oublis !

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Crédit photo : Public sénat

L’avant crise : un plan pandémie abandonnée et un stock de masques disparaissant “à bas bruit” mais aux yeux du gouvernement. La casse du service public dans une indifférence irresponsable.

Si en 2004, le plan Pandémie semblait préparer la France à l’émergence d’une pandémie, prévoyant des mesures sensiblement similaires à celles que l’on a vues se mettre en place : gestes barrières, stock de masque, test et traçage, ... Ce plan, en réalité s’est avéré peu adapté ; n’ayant pu démontrer son efficacité et pour cause, il n’a pas été suivi par les autorités compétentes.
Le rapport dénonce en effet « une absence de préparation financière pour faire face aux situations sanitaires exceptionnelles  » ou encore « un défaut de préparation, tant par la planification que dans la répétition d’exercices interministériel, résultant d’une part, d’un faux sentiment de sécurité et d’un souci d’économie budgétaire ».

Puis fut prise la décision d’intégrer l’établissement de préparation et de réponse aux urgence sanitaire à Santé Publique France, établissement public qui n’a pu maintenir ce plan et notamment le maintien d’un stock stratégique de masques, fautes de moyens.
«  Ce n’est pas tant l’action de Santé publique France pendant la crise qui est en cause que son manque de préparation, d’outils de réponse et de moyens alloués en amont pour y faire face qui doit interroger, l’agence ayant semblé désarmée, sous-dotée pour assurer une mission logistique qui s’est avérée cardinale »

Autre preuve de l’irresponsabilité de l’État quant à son rôle vis à vis du service public, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale publiait une doctrine le 16 mai 2013 : « la protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire. Ce document indique qu’il revient à chaque employeur de déterminer l’opportunité de constituer des stocks de masques pour protéger son personnel  ». Cette “détermination” de l’employeur rend alors bien plus confortable cette incompétence dont le ministère de la santé s’accordera parfaitement, évitant la coûteuse opération que représente un stock stratégique de masques dont il est pourtant responsable : « La question des stocks stratégiques ne saurait être ignorée du gouvernement, et notamment du ministre de la santé à qui il incombe de préparer le système de santé à une crise sanitaire  ».

En outre « ce texte n’avait pas vocation à s’appliquer au secteur de la santé, dont les personnels devaient continuer à relever du stock stratégique de l’État pour leur protection  ». Point majeur d’une irresponsabilité assumée quant au secteur de la santé, qui en première ligne, n’a pu bénéficier d’un minimum de protection au cœur de la crise.

L’exécutif ayant décidé d’un stock « dynamique », prévoyant une commande massive en cas de crise : « L’hypothèse d’une rupture d’approvisionnement liée à une demande mondiale simultanée et massive a manifestement été sous-estimée  ». Pour résumer, en cas d’épidémie, l’État commandera des masques à l’étranger à supposer que l’épidémie respecterait les frontières nationales. 
Ainsi, “l’interprétation erronée de la doctrine de 2013 a, rétroactivement servi de justification au manque d’anticipation et à la disparition des stocks de masques FFP2.”

C’est donc « dans l’indifférence ou l’ignorance du pouvoir politique  » que la réduction des masques et médicaments (antibiotiques, antiviraux, ...) s’est opérée.
De fait, au lendemain de la crise A H1N1, la France disposait dans son stock stratégique d’un milliard de masques, en février 2020, l’État disposait de 118 millions de masques conformes. « Trois régions, le Grand-Est, la Guadeloupe et la Martinique signalent des stocks de masques en très forte tension, inférieurs à quinze jours. La région Hauts-de-France possède entre quinze et trente jours de stocks, et les autres régions plus de trente jours  »
C’est en pensant faire des économies que le gouvernement a dû payer le prix fort, le prix du masque chirurgical passant de 1 centime pièce jusqu’à 90 centimes, en comptant les masques chirurgicaux et FFP2, l’agence SPF a dépensé plus de 2,5 milliards d’euros.

Pendant la crise : exacerbation des symptômes, gestion incohérente et incompétente

Ainsi, la crise sanitaire déjà « devenue une crise logistique, en l’absence de stock stratégique d’État constitués  », n’a pas cessé sa course chaotique. 
Si l’avant crise démontrait bien que les stocks de matériels médicaux, comme les hôpitaux et le service public en général, étaient traités en variable d’ajustement par le gouvernement, cela n’a apparemment pas servi d’avertissement à l’exécutif dont les décisions ont été prises au “pied du mur”. Le rapport parlementaire dénonce ensuite la gestion de la crise qui s’est avérée, tout comme sa prévention, désastreuse. 

Au-delà des annonces médiatiques et des premiers cas avérés, ainsi que de la propagation du virus en Asie, des alertes ont été données dès janvier, notamment en Italie où la situation était déjà hors du contrôle des autorités. Pourtant, le plan Orsan REB (organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles et risques épidémiques et biologiques) n’est déclenché que le 14 février et c’est le 16 mars seulement qu’est annoncé le confinement en France, face à une première vague incontrôlable pour les autorités ; tardif, il a « joué sur la cinétique de propagation de l’épidémie  ». 

Les commandes de masques sont, elles, passées à partir de fin janvier, trop tard pour un approvisionnement régulier et suffisant pour le personnel hospitalier. Quant aux tests de dépistage, ils ne seront pas disponibles à grande échelle avant le premier déconfinement. Les masques ne seront disponibles en pharmacie, qu’à partir du 5 mai, soit cinq mois après le début de l’épidémie.

On ne manquera pas de se rappeler les consignes gouvernementales qui nous affirmaient que les masques n’étaient pas nécessaires à la protection du virus, et en interdisaient la vente, ultime mesure d’urgence pour pouvoir les réserver aux hôpitaux. 

Quant aux masques FFP2, nécessaires aux soignants, présentant la protection la plus efficace selon eux, ils ne seront pas commandés avant le 16 février. Avant cela, M. Salomon, directeur général de la santé nous assurait « Santé publique France détient des stocks stratégiques importants de masques chirurgicaux. Nous n’avons pas d’inquiétude sur ce plan. Il n’y a donc pas de pénurie à redouter, ce n’est pas un sujet  ».

Le rapport dénonce aussi la gestion des Ehpad, ou plutôt la non gestion des “oubliés” de la crise dont les résidents ont représenté la moitié des décès au Covid-19. 

Du côté organisationnel, le gouvernement s’aligne sur l’incohérence de sa gestion, multiplication et concurrence des cellules de crise, mainmise du ministère de la santé jusqu’au 17 mars alors que « le caractère interministériel de la crise était pourtant manifeste".

Enfin, on ne manquera pas de remarquer que la première réaction des députés LRM fut de dénoncer un rapport “partiel et partial”, une “instrumentalisation politique”. 

Bilan, silence sur les conséquences réelles de l’économie

La crise sanitaire a donc fait plus de 50 000 morts en France, la moitié en Ehpad, la France se plaçant comme quatrième pays le plus touché d’Europe.
Une fois de plus, la classe travailleuse va devoir en payer les frais. D’une part, on peut prévoir des licenciements à grande échelle, les travailleurs étant la variable d’ajustement de la crise économique à venir pour la macronie. D’autre part, on ne sait comment se déroulera le plan de redressement économique du gouvernement, mais ce l’on peut retenir des crises en France n’augure pas d’une amélioration du service public, première cible des coupes budgétaires. 

Si le rapport est donc particulièrement critique de la gestion de l’épidémie de Covid du gouvernement - tout en le félicitant pour le maintien relatif de l’économie qu’il a su assurer - il manque le lien de cause à effet entre une gestion qui place les intérêts financiers du patronat au-dessus de tout et ses conséquences néfastes sur la santé. De même le rapport n’évoque pas du tout le corollaire de cette gestion, à savoir sa dimension fortement répressive qui, pendant le confinement a conduit à des milliers d’amendes et à une démultiplication des violences policières. Un confinement répressif, made in medef, n’autorisant les français qu’à se rendre au travail et plaçant l’économie bien avant la santé.

A la veille du couvre-feu décidé par le gouvernement, cet « oubli » apparaît comme fondamental. Le rapport montrant une fois encore que les mêmes causes produisent les mêmes effets, il est urgent que les travailleurs se saisissent de la gestion de la crise sanitaire et s’organisent pour exiger et imposer des conditions de travail sûres et des moyens conséquents pour les hôpitaux à la hauteur des besoins de la population.

 
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