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La Izquierda Diario
5 de décembre de 2020 Twitter Faceboock

Portrait d’un président – 2ème partie
Giscard et l’impérialisme
Sadek Basnacki

Macron a annoncé un jour de deuil national pour honorer Giscard. Nous ne le pleurons pas et en Afrique non plus. Son septennat a été marqué par six interventions militaires en Afrique. Un président au service de l’impérialisme.

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Le mandat de Giscard est surtout connu pour un changement dans les relations avec l’Afrique.
Dès son arrivée, il supprime le secrétariat général aux Affaires africaines et malgaches, écartant le Monsieur Françafrique de l’Élysée sous de Gaulle et Pompidou, Jacques Foccart. Pour autant, cela ne signifie pas un désengagement de la France en Afrique, au contraire. Giscard souhaite jouer un rôle primordial dans le monde et pour ça, montrer aux Etats-Unis que la France peut jouer un rôle central en Afrique face à l’avancée du communisme. D’autant plus que les États-Unis sortent de leur défaite au Vietnam.

Entre 1974 et 1981, la France va intervenir militairement 6 fois en Afrique. Trois fois plus que sous De Gaulle. Et c’est sans compter les nombreuses opérations de déstabilisation sur tout le continent. L’une des principales cibles n’est autre que Kadhafi.

Giscard voulait la tête de Kadhafi

Au départ, l’arrivée au pouvoir de Kadhafi était plutôt vue d’un bon œil par l’Élysée. Mais très rapidement, il est devenu l’empêcheur de tourner en rond. Le principal problème qu’il pose c’est sa volonté de jouer un rôle en Afrique et sa participation dans la guerre civile tchadienne. Kadhafi soutient activement les rebelles tandis que la France soutient le pouvoir en place. L’armée libyenne occupera même la bande d’Aozou. Lors de l’opération Tacaud en 1978, l’armée française combattra contre les troupes libyennes et perdra 18 soldats et deux avions de chasses. Mais avant ça, Giscard a tenté à plusieurs reprises de renverser le général Kadhafi. Comme il est expliqué dans la très bonne Histoire politique des services secrets français de Roger Faligot, Jean Guisnel et Rémi Kauffer (publié chez La Découverte en 2012) Giscard charge le directeur général du SDECE, le comte Alexandre de Marenches, d’organiser des putschs pour se débarrasser de Kadhafi, sans succès. Pour les 10 ans de la prise du pouvoir par Kadhafi, un commando du SDECE et des services égyptiens tente de l’assassiner. Le leader libyen aurait été blessé. En décembre 1979, Valéry Giscard d’Estaing est très clair dans les consignes qu’il donne au colonel de Marolles, chef du Service Action : « Je vous charge personnellement de renverser Kadhafi ». Mais il faudra attendre Sarkozy pour que la France se débarrasse du gênant leader libyen.

Si on s’est attardé sur la Libye c’est parce que cela a un impact direct dans l’intervention militaire française en Centre Afrique et le renversement de Bokassa.

Bokassa et son « frère » Valéry

Bokassa, arrivé au pouvoir après un putsch fomenté par l’Élysée, appelait De Gaulle « Papa » et Giscard était son « frère ». Dès 1974, le nouveau Président fait le déplacement en Centrafrique. Il donne le ton, la France veut conserver son pré carré. Bokassa, Giscard le connaît bien. Féru de chasse et plus particulièrement de safari, il a déjà massacré des animaux dans le pays. Cette première visite en tant que Président montre l’importance que VGE porte au pays, d’un point de vue économique mais surtout d’un point de vue géostratégique.
Giscard veut que la France renforce son indépendance énergétique et mise sur le nucléaire. La Centrafrique est riche en uranium. Bokassa demande à Giscard des fonds, le pays est au bord de la faillite. En échange, il souhaite avoir un droit de regard sur les dépenses de l’État. En gros c’est une mise sous tutelle de la Centrafrique. Cela ne va pas empêcher la France de payer une grosse partie du sacre de Bokassa Ier, le coût de l’opération est plus ou moins équivalant à l’aide annuelle de la France à la Centrafrique. Mais la lune de miel ne dure pas.
Bokassa se rapproche largement de Kadhafi. Il enverra des soldats se former en Libye et recevra des conseillers et des armes libyennes. Cela ne plaît pas du tout à Giscard, car Kadhafi espère ainsi prend en tenaille le Tchad avec son nouvel allié et avoir accès à l’uranium centrafricain. C’est impensable pour l’impérialisme français. La répression contre un mouvement et le massacre de lycéens fournira l’excuse pour se débarrasser de Bokassa. L’opération Caban peut être lancée.

En septembre 1979 Bokassa se sentant lâché par la France rend visite à Kadhafi en Libye. Deux avions militaires décollent avec à l’intérieur des soldats et David Dacko ancien président renversé par Bokassa avec l’aide de la France. Dès qu’ils atterrissent à Bangui ils occupent les postes stratégiques et renversent Bokassa. C’est l’aboutissement d’une campagne de diabolisation de l’Empereur. On est même allé jusqu’à dire qu’il était cannibale. Ce qui devait être un moyen de renforcer l’image de Giscard, libérant le peuple centrafricain de l’« ogre de Berengo », n’a pas eu l’effet escompté. On dit rapidement que l’opération a surtout permis au SDECE de récupérer des documents compromettants pour Giscard.
L’Empereur déchu n’oubliera pas la trahison de son « frère » et entraînera Giscard dans sa chute avec l’histoire des diamants, diamants qu’il lui avait offerts lorsque VGE était encore ministre de l’Economie.

La Centrafrique est également un pays important du point de vue géostratégique pour l’impérialisme français. Un réel porte-avion terrestre pour nos armées. Surtout que Giscard ne se contente pas du pré carré traditionnel français.

Giscard le « gendarme de l’occident » en Afrique

Au sud de la Centrafrique, il y a le Congo Brazaville qui est devenu socialiste. L’Angola est en pleine guerre civile entre le MPLA soutenu par l’URSS et Cuba et l’UNITA soutenu par les Etats-Unis, l’Afrique du Sud et la France. L’Afrique est la nouvelle zone de l’affrontement Est-Ouest. Et Giscard entend bien être le champion de l’Ouest dans toute l’Afrique.

En 1977, René Journiac, le « Monsieur Afrique » de Giscard, avait ordonné l’envoi de Bob Denard et de ses mercenaires au Bénin dans le but de renverser le régime communiste de Mathieu Kérékou. Cela se solde par un échec. Loin d’arrêter les entreprises du locataire de l’Elysée, l’armée française cette fois intervient au Zaïre pour sauver le dictateur Mobutu. L’Angola d’Agostinho Neto y envoie les Tigres katangais. L’armée française les repousse une première fois entre mai et juin 1977. Mais en 1978, les Tigres katangais prennent la ville de Kolwezi. Face aux atermoiements de la Belgique et de l’ONU Giscard envoie la Légion. Le 2e REP (régiment étranger parachutiste) saute sur Kolwezi et reprend la ville. L’armée française restera dans le pays jusqu’à ce que des forces armées africaines inféodées aux pays impérialistes ne prennent la relève. Aux yeux de beaucoup, l’opération « Bonite » est comprise comme le sauvetage du régime de Mobutu.

Giscard envoie l’armée en Mauritanie pour lutter contre le Front Polisario en 1977 à 1978 puis au Tchad pour contrer l’avancée du Frolinat soutenu par Kadhafi. L’opération française durera de mars 1978 à mai 1980.

Le but de ces interventions est le même : protéger des gouvernements amis pour contrer l’avancée communiste en Afrique et préserver les intérêts économiques de la France. Au nom de l’indépendance énergétique après le choc pétrolier, Giscard a soutenu à bout de bras des dictatures en Afrique. Il les a défaites lorsque cela servait les intérêts impérialistes de la France. Sous VGE, ELF a prospéré au Cameroun, au Congo ou encore au Gabon. Vu que l’argent n’a pas d’odeur, Giscard va même jusqu’à construire à partir de 1976, deux réacteurs nucléaires en Afrique du Sud alors que le pays est placé au ban des nations pour sa politique d’apartheid. Le nucléaire était très important pour Giscard et sa famille. Jacques Giscard d’Estaing était lui-même le directeur de la Somaïr (la société des mines d’uranium de l’Aïr) au Niger. Quand on peut faire croquer la famille.

 
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