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La Izquierda Diario
7 de décembre de 2020 Twitter Faceboock

Édito
Après un mois de mouvement contre la LSG, l’urgence de combattre la loi séparatisme
Irène Karalis

Si la manifestation de ce samedi a été moins massive que celle de la semaine dernière, la mobilisation contre la Loi Sécurité Globale est loin d’être terminée. Mais pour faire fléchir le gouvernement, il est indispensable d’amplifier le mouvement en élargissant les revendications au retrait de l’ensemble des lois liberticides, en particulier la loi séparatisme qui sera présentée en conseil des ministres ce mercredi.

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Crédits photo : O Phil des Contrastes

Samedi dernier, des dizaines de milliers de manifestants sont sortis dans la rue pour dénoncer la Loi Sécurité Globale. À Paris, à Marseille, à Lille, à Montpellier ou encore à Strasbourg, des cortèges se sont élancés pour protester contre l’attaque à nos libertés que constitue ce projet de loi dans son ensemble, dont l’article 24 qui prévoit l’interdiction de diffusion d’images de policiers en fonction, entravant a fortiori la diffusion des images de violences policières.

Dans les grands médias, les éditorialistes s’émeuvent des violences pendant les manifestations. Dans Le Figaro, Yves Thréard s’indigne ainsi de ces violences provenant de dangereux “black blocs, zadistes, indigénistes, altermondialistes, adeptes du drapeau noir ou « gilets jaunes » en perdition”. Pour lui, elles “relèvent bien davantage de l’incapacité de l’État à faire respecter son autorité” que de "quelques fractures économiques ou sociologiques". Dans Le Monde, on s’exaspère face à ce “déchaînement récurrent de violence” qui “met en péril le droit fondamental de manifester”, omettant de préciser que ce sont avant tout le gouvernement et sa Loi Sécurité Globale qui attaquent ce droit de manifester. Dans Le Figaro comme dans Le Monde, quoique de manière différente, on détourne l’attention du vrai responsable, le gouvernement, et on demande même à ce dernier de réagir de façon forte.

Ainsi, pour Yves Thréard, "le réarmement des forces de sécurité doit être une priorité" ; dans Le Monde, on estime que cette violence "pose la question de l’efficacité des services de renseignement et de police, et de la stratégie de l’exécutif". Deux manières différentes mais comparables de réclamer le renforcement des prérogatives de l’État et de sa police, quand ces derniers sont en réalité les premiers responsables des violences pendant les manifestations. Le Monde est même allé jusqu’à écrire que c’était cette spirale de la violence qui nourrissait “une dangereuse tentation autoritaire”, comme si les gaz lacrymos, les LBD et les mains arrachées avaient d’autres responsables que Macron et son gouvernement.

Pourtant, "les causes de cette chienlit", pour reprendre les mots d’Yves Thréard, sont bien à chercher "dans quelques fractures économiques ou sociologiques". Si Le Monde parle de "maladresses" pour désigner la politique antisociale menée par Macron depuis le début de son quinquennat, que ce soit avec la Loi Travail, la réforme du rail, Parcoursup ou la réforme des retraites, nous réaffirmons qu’elle est le résultat d’un choix conscient et assumé de la part du président des patrons. Et c’est bien face à la colère qu’a suscitée cette politique criminelle, colère qu’on a pu voir s’exprimer à travers le mouvement des Gilets jaunes ou la grève des transports à l’hiver dernier et plus récemment la mobilisation contre la Loi Sécurité Globale, que le gouvernement est forcé de répondre sur le terrain régalien, par la matraque et les LBD. Ce samedi, si des affrontements ont eu lieu, c’est donc bien en raison du dispositif policier d’ampleur qui a été déployé dans toute la France pour les manifestations : plus de 6000 policiers à Paris, contrôles et interpellations en masse avant même le début des manifestations.

Loin d’être celle des "black blocs" ou de quelconque manifestant, la première et réelle violence est donc bien celle de l’État et de sa police, dans les manifestations mais aussi dans les quartiers populaires et, en premier lieu, dans ce contexte d’offensive islamophobe, à l’égard des populations racisées et musulmanes ou présumées comme telles.

La loi séparatisme, enjeu central du gouvernement

Comme nous l’écrivions dans un article revenant sur les mobilisations de samedi, "si près de 300 000 manifestants avaient pris la rue samedi 28, ouvrant une crise importante au sein de la macronie, la mobilisation au niveau national de ce samedi était moindre, aux alentours de 100 000 personnes si l’on en croit les proportions des chiffres (toujours sous-estimés) du ministère de l’Intérieur (52 350 manifestants contre 133 000 la semaine passée). Si la mobilisation tient largement, on ne peut qu’observer un fléchissement numérique qui a pour principale responsabilité la direction du mouvement incarnée par la Coordination contre la loi sécurité globale". Face au constat que la mobilisation ne s’amplifie pas et que la Coordination n’a pas réussi jusqu’à maintenant à battre le fer tant qu’il était chaud se pose ainsi l’enjeu d’élargir la mobilisation en élargissant les revendications pour toucher d’autres secteurs.

Pour toucher d’autres secteurs, il ne suffit plus de se cantonner à la seule revendication de la liberté de la presse ; il semble urgent d’élargir la mobilisation à d’autres secteurs, et en particulier aux quartiers populaires, qui seront par ailleurs les premiers touchés par l’article 24, mais encore par la loi séparatisme. Comme nous l’écrivions précédemment, "il est ainsi absolument nécessaire de lier la revendication du retrait total de la loi Sécurité Globale avec celle du retrait de l’ensemble des lois liberticides et islamophobes que tente d’imposer le gouvernement", à commencer par la loi séparatisme.

Cette loi, qui s’inscrit dans la droite lignée des attaques du gouvernement contre nos libertés et se voit justifiée par l’instrumentalisation raciste des attentats, à commencer par le drame de Conflans et le triple attentat de Nice, vient attaquer en premier lieu les musulmans et musulmanes ou présumé·e·s comme tel·le·s. Visant à renforcer les discriminations contre les musulmans au travail en étendant le “devoir de neutralité” et attaquant ainsi les personnes portant la barbe ou le voile et/ou pratiquant la prière, ce projet de loi “confortant les principes républicains” est en réalité un projet islamophobe et réactionnaire. Dans cette même logique, il vise également à renforcer le rôle de l’école comme relai de la politique raciste du gouvernement, puisqu’à la rentrée les personnels des écoles, collèges et lycées ont reçu une circulaire intitulée “Covid, replis communautaristes et dérives sectaires” appelant les personnels éducatifs à “détecter et signaler” les "signes de radicalisation”.

Pour le gouvernement, cette loi est un pion central de la politique réactionnaire qu’il mène depuis plusieurs mois en vue des présidentielles de 2022. En effet, derrière l’instrumentalisation des attentats (et de la crise sanitaire), Macron et son gouvernement cherchent à lancer une contre-offensive après les coups encaissés ces deux dernière années en tentant de créer dans un secteur de la société un nouveau consensus raciste, autoritaire et impérialiste - en lançant ainsi la préparation de la candidature présidentielle de 2022. Dans un contexte où, depuis son arrivée au pouvoir, Macron a vu défiler tour à tour les les Gilets jaunes, les étudiants contre Parcoursup, les grévistes de la RATP et de la SNCF puis les jeunes des quartiers populaires contre les violences policières, il en va de son crédit de faire passer cette loi rapidement et efficacement.

C’est en ce sens que le gouvernement est en train de réécrire plusieurs articles de la loi séparatisme, afin d’éviter à tout prix une nouvelle crise politique, que ce soit par la mobilisation dans la rue ou par en haut, le Conseil d’État l’ayant prévenu que la loi pourrait être censurée ou modifiée par le Conseil Constitutionnel. Une des mesures les plus contestées, l’école obligatoire à 3 ans, est ainsi en train d’être réexaminée. Prévoyant de mettre fin à la scolarisation à domicile pour tous les enfants à partir de 3 ans sauf “pour des motifs très limités tenant à la situation de l’enfant ou à celle de sa famille”, la loi pourrait voir ses mesures d’exception élargies. Néanmoins, l’argumentaire raciste du gouvernement, qui justifie cette mesure par le fait que le chiffre de 50 000 enfants scolarisés à domicile cacherait des structures confessionnelles et clandestines qui iraient à l’encontre des principes de la République, reste d’actualité.

Tout en manœuvrant pour tenter de calmer la mobilisation et la gronde au sein du Parlement, le gouvernement tire ainsi des leçons du mouvement contre la Loi Sécurité Globale et compte bien ne pas refaire l’erreur de l’article 24. Si ce dernier venait par ailleurs à ne pas passer - bien que cela ne semble pas pour l’instant être d’actualité - l’exécutif compte bien sur l’article 25 de la loi séparatisme pour lui servir de porte de sortie, ce dernier prévoyant que toute personne filmant un policier dans l’exercice de ses fonctions et suspecte d’une “intention de nuire” pourrait être passible d’un an d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende. La loi séparatisme constitue donc un enjeu central pour le gouvernement qui, en la remodelant, cherche ainsi à tout prix d’éviter une quelconque étincelle, y compris chez les populations musulmanes et en particulier celles des quartiers populaires. Le dossier est si important que Macron lui-même se charge de son exécution.

L’urgence d’un plan de bataille contre l’ensemble des mesures liberticides prises par le gouvernement

Dans le même temps, le gouvernement ouvre le bal sur la question de l’islamophobie et donne corps à la loi séparatisme avant même qu’elle ne soit adoptée. Mercredi dernier, Darmanin a ainsi annoncé sur twitter le lancement d’une “action massive et inédite contre le séparatisme” visant à mettre 76 mosquées sous contrôle et sous surveillance. 18 mosquées pourraient aussi possiblement être rapidement fermées par décision préfectorales. Le ministère parle également de trois “cibles prioritaires” dans la Seine-Saint-Denis. Ajoutée à la mise en place d’un répertoire des lieux de culte qui classe les mosquées selon leur affiliation à des courants de l’islam et à des origines, cette mesure constitue une attaque à la liberté de culte qui permet à Darmanin de poursuivre l’offensive islamophobe sous prétexte de lutte contre le terrorisme et qu’il s’agit de dénoncer.

La dissolution du CCIF s’inscrit dans cette même logique. Justifiée par un amalgame scandaleux entre terrorisme et défense des musulmans, le décret affirme en effet "qu’en qualifiant d’islamophobes des mesures prises dans le but de prévenir des actions terroristes (...) le CCIF doit être regardé comme propageant, cautionnant et contribuant à propager de telles idées". Or, la dissolution du CCIF est précisément la réalisation dans les faits de la loi séparatisme, celle-ci prévoyant justement l’encadrement des associations en contrôlant leur financement et en se réservant le droit des les dissoudre, dans le cas où elles seraient jugées subversives en raison de leur opposition à la politique du gouvernement. Et c’est précisément parce que la dissolution du CCIF n’est qu’un avant-goût de ce que la loi séparatisme prévoit, à savoir la stigmatisation de la communauté musulmane et les attaques contre ceux qui dénoncent l’islamophobie d’État, que l’ensemble de la gauche politique et syndicale se doit de la dénoncer. En ce sens, le communiqué contre la dissolution du CCIF de la Ligue des Droits de l’Homme, seul membre de la Coordination contre la Loi Sécurité Globale à s’être exprimé à son propos, mais aussi celui de Solidaires, sont des éléments progressistes qui vont dans le sens d’une bataille contre cette loi et contre toutes les manifestations dans les faits du projet islamophobe du gouvernement.

Comme l’a rappelé Omar Slaouti dans une interview lors de la manifestation de samedi, il sera donc indispensable de répondre à l’appel du Collectif du 10 novembre, qui a organisé la marche contre l’islamophobie il y a un an, à manifester contre la loi séparatisme et contre l’ensemble des lois liberticides prises par le gouvernement ce samedi 12 décembre.

 
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