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La Izquierda Diario
9 de décembre de 2020 Twitter Faceboock

Edito
Beauvau de la sécurité : derrière les annonces de Macron, la confirmation d’un durcissement autoritaire
Gabriel Ichen

L’exécutif a annoncé la tenue d’un « Beauvau de la sécurité ». Des concertations visant à réformer l’institution policière pour redorer son blason et renforcer ses moyens d’action. Une manière pour l’exécutif de cajoler son appareil policier avec l’annonce de 1,5 milliards de budget supplémentaire. Derrière ces annonces le durcissement autoritaire se confirme.

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La semaine dernière Macron tentait de répondre à la colère contre les violences policières par un discours d’apaisement. Poussé par la forte mobilisation contre la loi sécurité globale et la remise en cause profonde de l’institution policière consécutive à l’affaire Michel Zecler, le chef de l’État avait fini par reconnaître à demi-mot l’existence de violences policières et des contrôles au faciès lors d’une interview donnée à Brut vendredi dernier. Des annonces qui ont immédiatement suscités la grogne des syndicats de police qui, pour exprimer leur mécontentement et balayer les accusations de contrôle au faciès ont organisé des « non-contrôles » d’identité en remettant des attestation de non-contrôle à des passants en Île-de-France.

Evidemment, l’exécutif n’a pas tardé à tenter de calmer cette grogne en caressant son bras armé dans le sens du poil. D’abord, Darmanin a annoncé qu’il allait recevoir les syndicats de police le 18 décembre place Beauvau pour des réunions bilatérales autour des « difficultés structurelles que connaissent [les] forces de l’ordre ». Mais l’annonce principale a été celle de Macron. Dans une lettre en réponse à la colère du numéro 1 du syndicat Unité-SGP-Police-FO, Macron a annoncé la tenue d’un « Beauvau de la sécurité », un Grenelle de la police, pour préparer une réforme de la police. Une initiative aussitôt saluée par une partie des syndicats de police dont SGP-FO. Les syndicats les plus à droites, avec l’extrême-droite, ont montré leur insatisfaction et exigé des garanties sur la protection des policiers. Le tabassage raciste de Michel Zecler par la police avait remis au centre la question des violences policières et du racisme systémique. Mais la stratégie du gouvernement, via ses relais médiatiques et une bonne partie de la classe politique a été de dévier la question des violences policières vers la question de supposées violences subies par des policiers pourtant déjà surarmés et suréquipés.

Réformer la police pour qu’elle réprime mieux ?

Une réforme de la police qui devrait s’incarner dans la prochaine loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure prévue pour 2022 (LOPSI 2022). Au programme, une augmentation importante de près d’1,5 milliards d’euros de budgets supplémentaires consacrés à la police, en particulier pour des équipements et pour la formation. Ce Grenelle de la police s’inscrit dans la continuité des annonces de Darmanin le 30 novembre dernier lors d’une audition devant la commission des lois de l’Assemblée nationale. A cette occasion le ministre de l’intérieur avait présenté « les septs péchés capitaux » du fonctionnement de la police sur lesquels doivent porter la réforme. Parmi ces chantiers figurent principalement la question de la formation des policiers mais surtout celle des moyens et des conditions de travail des policiers.

Le contenu de cette réforme avait d’ores et déjà été annoncé dans le « Livre blanc de la sécurité intérieure » rendu public le 15 novembre dernier par le ministère de l’intérieur. Et le programme ne fait que confirmer l’agenda sécuritaire et répressif du gouvernement. Comme l’a révélé un article paru sur Mediapart, le rapport prévoit entre autres : une surveillance accrue, un contrôle de l’information, un affermissement idéologique pro-flic, un renforcement de l’impunité policière et un recours accru aux sociétés de sécurité privée.

Loin d’y avoir des dissensions profondes au sein de l’exécutif, cela confirme plutôt un fil conducteur en matière sécuritaire qui nous amène donc vers toujours plus de répression. En effet ce « Livre blanc » qui donne des préconisations en matière sécuritaire a été commencé sous l’égide de Castaner, anciennement ministre de l’intérieur, puis continué sous Darmanin. Macron comme Darmanin n’hésitent pas à expliquer les violences policières par le manque de moyen et les « mauvaises conditions de travail » des policiers, présentés comme les fonctionnaires d’un service public comme un autre. Un service public qui comme l’hôpital ou l’éducation nationale manquerait de moyens et auquel il faudrait donc allouer plus de moyens nécessaires à son bon fonctionnement.

Un argument d’ailleurs largement repris par les représentants de différentes forces politiques à gauche comme à droite. Jean-Luc Mélenchon de la France Insoumise ou encore certains élus écologistes comme Yannick Jadot ou Éric Piolle. Le problème c’est que si l’hôpital et l’école sont composés de travailleurs dont le rôle est de soigner ou de permettre l’accès à l’alphabétisation par exemple, l’institution policière ne sert pas le bien commun mais a un rôle principalement répressif, pour maintenir un ordre social profondément inégalitaire et injuste.
 
Ainsi, la réforme de la police pour assurer de meilleure condition de travail aux policiers se traduit par l’accroissement des moyens donnés à l’institution policière pour assurer sa fonction répressive. Darmanin a d’ailleurs été assez clair à ce sujet lors de son audition devant les parlementaires, puisqu’il a indiqué qu’il s’agit de « donner à la police et la gendarmerie nationale les moyens de l’exemplarité qu’on exige d’eux ».

Macron vs Darmanin : « bon flic » vs « mauvais flic », mais le même objectif

Si les dissensions observées entre Darmanin et Macron ont pu être interprétées comme une crise politique au sommet de l’État, c’est bien la technique du « bon flic » contre « mauvais flic » qu’emploie le gouvernement pour maintenir un équilibre bien précaire. Dans le rôle du bon flic, Macron, tentant de réactiver l’illusion d’une figure présidentielle au-dessus de la mêlée, accepte à demi-mot de parler de violences policières. Pour calmer la colère il n’hésite pas à recadrer son ministre de l’intérieur qui aurait dérapé et aurait été trop loin, trop à droite dans le tournant autoritaire. Dans le rôle du mauvais flic, Darmanin garde le cap qui lui a été fixé, à savoir, mettre en place l’agenda autoritaire et répressif du gouvernement et rassurer l’institution policière et ses syndicats.
 
Au final, les deux « flics » ont bien le même objectif : celui de consolider l’appareil policier de l’État afin de prévenir et préparer les prochaines contestations sociales qui risquent d’être particulièrement explosives dans un contexte de crise économique profonde, accélérée par la crise sanitaire. En effet, face à ces futures explosions sociales et ras-le-bol généralisé dans de nombreux secteurs de la société, l’État aura plus que jamais besoin de sa police pour tenir et rester en place.

Ils préparent la répression, préparons la riposte !

Le « Beauvau de la sécurité » n’est en ce sens ni plus ni moins que la confirmation du renforcement autoritaire actuel. Ce Grenelle de la police montre que derrière les quelques concessions symboliques de Macron sur les violences policières, le gouvernement ne compte pas reculer dans son agenda répressif. Une telle orientation risque bien de renforcer l’appareil policier et avec, les violences policières dans les quartiers populaires ainsi que celles qui s’abattent sur les mouvements sociaux et sur les piquets de grèves du mouvement ouvrier.
 
Depuis maintenant plusieurs mois, la police n’en finit plus d’être démasquée. L’affaire Michel Zecler, producteur de musique noir tabassé par la police alors qu’il rentrait chez lui ainsi que l’expulsion ignoble de réfugiés place de la République ont réveillé la colère contre les violences policières qui s’était exprimée en juin dernier. Une colère qui s’est cristallisée contre le projet de loi Sécurité Globale et qui a rassemblé plusieurs centaines de milliers de personne partout en France ces deux dernières semaines.
 
Que ce soit contre la loi sécurité globale, la loi islamophobe contre le « séparatisme » et maintenant la future réforme de la police annoncée par le gouvernement, les organisations du mouvements ouvriers, les collectifs de familles de victimes de violences policières, les militants des quartiers populaires doivent faire front pour s’y opposer. Les organisations syndicales notamment doivent sortir de leur silence autour des violences policières et mettre en place un plan de bataille qui puisse lier la question des violences d’État à celle de la crise économique et des plans de licenciements massifs qui s’abattent sur les travailleurs. Car, comme on a pu le voir avec la répression des Gilets Jaunes, des grévistes contre la réforme des retraites, ou encore l’attaque du service d’ordre de la CGT par des policiers ce samedi pendant la manifestation contre la loi Sécurité Globale, le mouvement ouvrier devra aussi faire face au renforcement de l’arsenal répressif et de l’impunité policière.

En ce sens il est urgent que les organisations du mouvement ouvrier exigent l’expulsion des syndicats de police des fédérations syndicales ouvrières qui sont les outils centraux des lutes des travailleurs et travailleuses. En effet, la présence de syndicats policiers dans les fédérations du mouvement ouvrier est une contradiction qui ne sert que la répression et les intérêts d’un bras armé au service de l’État dont le rôle central est de réprimer la classe ouvrière dans son ensemble. C’est une confusion largement entretenue par le gouvernement que de considérer les policiers comme des membres de la classe ouvrière et qu’il convient de contester. Il ne peut pas y avoir de lutte progressiste de la part d’un corps de métier dont le travail consiste à matraquer des lycéen.nes, expulser des réfugié.es, casser des piquets de grèves et harceler les habitant.es des quartiers populaires.

 
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