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La Izquierda Diario
17 de décembre de 2020 Twitter Faceboock

Paris 1. Pourquoi Le Poing Levé ne votera pas pour la candidature "de gauche" de S. Messaï-Bahri à la présidence
Ariane Anemoyannis

Ce jeudi, le Conseil d’administration de Paris 1 doit voter pour la future présidente de l’Université pour les 4 prochaines années. Mais malgré un discours en apparence progressiste qui séduit une partie des élus de gauche, la liste de la candidate Soraya Messai-Bahri est pourtant très loin de défendre les intérêts des étudiants et du personnel, plus que jamais attaqués dans la période.

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Dans un contexte convulsif et d’attaques répétées contre la jeunesse et les universités, le Conseil d’administration de Paris 1 doit se prononcer quelques semaines après les élections étudiantes pour une des deux candidatures à la présidence de l’université.

Après des années de présidence de George Haddad, la liste présentée par S. Messaï-Bahri mise sur un discours progressiste pour flatter les élus de gauche du Conseil d’Administration dans une course à la présidence très serrée avec la deuxième liste dirigée par Christine Neau-Leduc. L’idée est en effet de trancher avec le mandat de celui qui fut fossoyeur de l’occupation de Tolbiac en 2018 en faisant intervenir les forces de l’ordre et le spécialiste des lock-out administratifs pour éviter les AGs étudiantes et les blocus.

Beaucoup d’élus du conseil d’administration (Solidaires Etudiant, FSE, UNEF) estiment que voter pour un moindre mal permettra de limiter la casse lors des prochaines mobilisations étudiantes. En réalité, la politique concrète menée par la liste dite de gauche permet de démontrer concrètement comment cela est non seulement une illusion mais aussi une décision qui permettra de canaliser pendant un temps la colère étudiante.

Car si nombre d’élus et de personnalités extérieures ont tenté de convaincre Le Poing Levé de voter pour un moindre mal face à la candidature de Neau-Leduc étiquetée plus à droite, il nous semble que l’avenir des étudiants et personnels ne se joue certainement pas entre les mains de la future présidente de Paris 1. En effet, à en croire la profession de foi de la candidate et ses expériences passées, la liste portée par Soraya Messai-Bahri est tout sauf du côté des étudiants et du personnel, dont les conditions de vie sont plus attaquées que jamais à l’aube d’une crise économique sans précédent.

La liste "Paris 1 en commun" faussement du côté des étudiants et du personnel

Un des projets phare de S. Messai-Bahri serait l’amélioration des conditions des étudiants. Notamment, une des idées principales pour remédier à la précarité serait de mettre au centre de l’université la vie étudiante, notamment en finançant via la CVEC certains projets à la fac, relevant de "la médecine préventive, la solidarité, la santé, le handicap, la citoyenneté, l’environnement, le sport". Derrière cette formule, c’est la consécration de ce qu’il se passe déjà dans la réalité et qui traduit non pas des préoccupations pédagogiques mais le manque de moyens dans les universités, que les étudiants comblent eux-mêmes avec la CVEC : à l’automne, le financement de quelques masques siglés s’est fait par ce biais. Autrement dit, pas de masques gratuits comme la communication l’insinuait puisque ça reste financé par les étudiants.

Et du côté des personnels Biatss, aucune revendication si ce n’est de les faire participer davantage à la "la réussite et à la réputation de Paris 1, dans un pacte social visant à améliorer la qualité de leur environnement de travail et l’unité de notre université". Autrement dit, aucune perspective pour remédier aux conditions de travail particulièrement dégradées ces dernières années, entre sous-effectifs, surmenage et précarité des contrats. Une situation qui a pourtant été portée aux yeux de tous de nombreuses fois par le personnel de l’université, notamment par une grève victorieuse à l’automne 2018.

En réalité, rien d’étonnant quand on y regarde de plus près puisque la tête de liste de "Paris 1 en commun" est plus rodée à l’exercice qu’il n’y parait. Elle avait par exemple déjà eu l’occasion de faire valoir sa conception de l’université dès les années 2010 où elle était vice-présidente de la CFVU au moment où se discutait la suppression du système de l’AJAC afin de faciliter le redoublement et l’écrémage à l’université.

De même, c’est Emmanuel Macron qui en tant que ministre de l’Economie avait eu le plaisir de devenir le parrain de la 28e promotion du magistère Droit des Activités économiques de l’école de droit dirigé par S. Messaï-Bahri. Un choix qui n’est certainement pas dû au hasard mais à la politique qu’il menait alors au sein du gouvernement Hollande contre les conditions de travail, pour la fermeture progressive de la Justice prud’homale aux salariés avec notamment la loi du 6 aout 2015.

Un soutien sans faille aux offensives anti-démocratiques contre les revendications étudiantes

Un autre axe de la candidature de S. Messai-Bahri consiste en la mise en avant de la démocratie universitaire plutôt que les passages en force. Le respect des compétences des conseils centraux y est loué, la candidate promettant d’honorer les décisions de ces derniers tout en développant "le vote en ligne de l’ensemble des étudiant.e.s [pour] établir la liste des projets sélectionnés qui seront mis en œuvre".

Cette politique pro-démocratie est non pas l’ADN de la liste "P1 en commun" mais une stratégie politique pour convaincre les secteurs étudiants ayant dénoncé les offensives autoritaires de la présidence l’année dernière à propos de la campagne des partiels. Pourtant, S. Messai-Bahri signait une lettre ouverte le 17 avril 2020 avec plusieurs dizaines de ses collègues de l’Ecole de droit de La Sorbonne pour remettre en cause la décision de cette CFVU dont elle loue aujourd’hui les compétences. Cette interpellation des élus étudiants à propos de la motion votée quant au 10 améliorable et à l’abandon de la sélection résonnait en effet étrangement avec la politique de l’administrateur provisoire Thomas Clay, fer de lance de l’offensive anti-démocratique du printemps :

"Le contrôle des connaissances sera effectué car il doit l’être sans quoi il n’y aura pas de validation possible d’aucun examen pour le second semestre et une seconde session ne pourra pas être organisée. A défaut de validation possible de ce contrôle des connaissances, ce n’est pas seulement la valeur des diplômes qui serait atteinte mais leur délivrance qui sera impossible : Seul le redoublement serait alors une option ouverte, ce que personne ne souhaite a priori".

En plus d’outrepasser délibérément les compétences exclusives de la CFVU en matière d’examens, la lettre signée par la candidate en vient jusqu’à menacer implicitement les étudiants de redoublement s’ils en venaient à maintenir la pression contre la sélection. Et l’offensive ne s’arrêt pas là puisque le texte de la lettre unitaire poursuit :

"En aucun cas il n’est concevable de sacrifier à des considérations politiques et démagogiques ce qui fait l’essence même de la mission des Universités. [Les élus étudiants] prennent le risque d’être les responsables de la défaillance d’un certain nombre, de l’impossibilité pour des étudiants de se présenter à des concours ou examens, et devront en assumer les conséquences".

Une belle leçon de démocratie universitaire donc, par celle qui souhaite incarner aujourd’hui l’aile progressiste de la la fac pour espérer être élue à la tête de celle-ci. Et encore très récemment, Thomas Clay s’appuyait sur le refus commun de S. Messai-Bahri et Neau-Leduc pour évacuer la proposition des élus étudiants de reconvoquer une CFVU pour se prononcer sur les examens prévus en présentiel. Et cela, alors même que les modalités de convocation d’un point à l’ordre du jour étaient honorées en vertu des statuts.

Contre les illusions, défendre une perspective d’émancipation par la lutte

Si les pronostics se tournent davantage vers Soraya Messaï-Bahri, c’est aussi parce que certains espèrent qu’elle pourra endiguer la dynamique latente qui s’exprime depuis quelques années dans les rangs étudiants, en faisant mine de prendre en charge la défense de leurs droits.

Mais l’expérience anti-démocratique de l’année dernière autour de la campagne des partiels (où S. Messaï-Bahri a été une adversaire des revendications étudiantes) nous a enseigné qu’aucun compromis n’est possible avec ceux qui concrétisent la politique du gouvernement dans les universités. Que ce soit sur la question des partiels en distanciel, de la sélection dans les universités, du manque de moyens ou encore de la lutte contre les idées réactionnaires, les étudiants devront prendre en charge eux mêmes le combat pour de meilleures conditions d’étude et de vie, aux côtés des personnels. En ce sens, les AG d’UFR qui se sont tenues ces dernières semaines sont un exemple bien plus concret et progressiste de démocratie dans les universités qu’il faut poursuivre.

Ariane Serge, élue Le Poing Levé au Conseil d’administration de Paris 1

 
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