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La Izquierda Diario
30 de décembre de 2020 Twitter Faceboock

Vœux répressifs
Détourner Trotsky : la dernière provocation de Lallement
Paul Morao

Sur sa carte de voeu pour la nouvelle année, le Préfet de Paris Didier Lallement a fait figurer une citation de Trotski. Evidemment, la phrase du révolutionnaire russe est utilisée à contre-emploi au service d’une nouvelle provocation.

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De temps en temps, les hommes politiques bourgeois ou les éditorialistes aiment citer les révolutionnaires. De Marx à Trotsky en passant par Lénine, cet exercice hypocrite de « culture générale » ne peut évidemment se faire qu’en tronquant et dénaturant les citations, comme l’a fait Didier Lallement cette année sur sa carte de vœux. « Je suis profondément convaincu, et les corbeaux auront beau croasser, que nous créerons par nos efforts communs l’ordre nécessaire. Sachez seulement et souvenez-vous bien que, sans cela, la faillite et le naufrage sont inévitables ». Datée d’avril 1918, pendant la guerre civile qui suivit la prise du pouvoir révolutionnaire d’octobre 1917, voilà la phrase choisie par le Préfet pour annoncer 2021. Une phrase qui semble faire référence à la nécessité de « l’ordre ».

Pourtant, Lallement est-il devenu soudainement trotskyste ? Pour s’en convaincre, il suffit de consulter le texte cité dans sa totalité. Intitulé « Les tâches intérieures et extérieures du pouvoir soviétique » et prononcé à Moscou, Trotsky y revient sur les premières étapes de la révolution russe. Parmi celles-ci la nécessité de remettre en marche un pays frappé par les difficultés conséquentes à quatre années de guerre mondiale impérialiste, tout en défendant la révolution. Un travail qui implique entre autres de réorganiser l’économie, assurer l’approvisionnement en blé, faire fonctionner les transports et créer l’Armée Rouge. « Pour lutter contre la ruine intérieure, nous devons faire régner une discipline de fer, organiser une sévère discipline du travail. » note alors Trotsky.

Evidemment, cette nécessité de fer s’inscrit dans un projet révolutionnaire. Aussi Trotsky note : « Des anciens généraux que nous faisons travailler sous notre contrôle dans l’Armée Rouge nous disent : « Pouvez-vous avoir une discipline sous votre régime ? À notre avis, c’est impossible ! » Nous leur répondons : « Et sous votre régime, y avait-il une discipline ? » —Oui ! — Pourquoi ? — Au sommet il y avait le tsar, les nobles, et en dessous il y avait le soldat, et vous soumettiez ce soldat à la discipline. Rien d’étonnant à cela ! Le soldat était esclave, il travaillait pour vous, vous servait à ses dépens, tirait sur son père et sur sa mère au nom de vos intérêts, — et vous aviez pu instaurer la discipline et maintenir longtemps sous le joug les masses populaires. Mais nous, nous voulons que le soldat lutte et combatte pour lui-même, que les ouvriers travaillent pour eux-mêmes, et c’est seulement à cet effet que nous voulons instaurer la discipline du travail. »

En clair, la discipline exigée au sein de l’Armée rouge est indissociable de la lutte pour un ordre communiste et contre un ordre social capitalisme profondément inégalitaire. De la même façon dans Une étape décisive en juin 1936, Trotsky note à propos du Ministre de l’Intérieur Salengro : « Le nouveau gendarme du capital, Salengro, a déclaré, avant même d’avoir pris le pouvoir, absolument comme l’aurait fait Herriot, ou Laval, Tardieu ou La Rocque, qu’il défendrait "l’ordre contre l’anarchie". Cet individu appelle ordre l’anarchie capitaliste et anarchie la lutte pour l’ordre socialiste. »

Evidemment, quand on lit ces lignes, on est loin du Didier Lallement qu’on connaît. Et ne nous y trompons pas : le préfet cherche bien à ridiculiser l’extrême-gauche en citant Léon Trotsky sur sa carte de vœux. Ridiculiser celles et ceux qu’il n’a, avec de nombreux autres manifestants, cesser de gazer, matraquer et emprisonner depuis qu’il est à la préfecture de police. Cet humour bourgeois crasse, qui, tout en se la jouant provocateur, assume son rôle répressif, montre en définitive le rôle qu’aurait aimé jouer Didier Lallement dans la Russie tsariste d’avant 1917 : celui d’une police politique zélée, ne reculant devant rien et assumant tout. Mais pour incarner cette conception de l’ordre, ce n’est pas Trotsky que Didier Lallement aurait dû citer, mais plutôt un manuel des officiers de l’Okhrana, la police politique tsariste.

 
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