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La Izquierda Diario
30 de décembre de 2020 Twitter Faceboock

Xénophobie
Liban. Un camp de réfugiés syriens attaqué et incendié
Jahan Lutz

Samedi soir près de la ville de Bhanine, un camp de réfugiés syriens a été attaqué et incendié laissant 370 personnes sans-abri. Un évènement révélateur de la situation des réfugiés syriens au Liban.

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Parmi les couches de la société libanaise les plus précaires se trouvent environ 1,5 million de réfugiés syriens qui représentent 25% de la population. Selon un rapport de l’ONU 90% des réfugiés syriens vivent dans l’extrême pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 3 dollars par jour. Les familles des réfugiés vivent dans les quartiers populaires bondés et des camps de fortune où les conditions sanitaires laissent se propager le covid-19.

Pour sa part le gouvernement met en place des politiques qui précarisent les populations et instrumentalise un discours discriminant les réfugiés syriens comme la cause des problèmes, affirmant que les migrants voleraient le travail des libanais. C’est ce climat instauré par la caste politique réactionnaire qui laisse l’espace à des attaques de camps, comme ce samedi où 6 Libanais ont incendié un campement de tentes près de Bhanine, dans la région de Miniyeh au nord du Liban, où vivaient 75 familles.

« Quand la première tente a commencé à brûler, j’ai porté mon bébé et quelques vêtements pour lui, et je suis sorti de la tente en courant avec ma femme », témoigne Amer au journal Middle East Eye.

Plus de 370 Syriens du camp se retrouvent sans abri selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés, alors que l’hiver sera rude. De nombreuses familles libanaises ont accueilli des réfugiés syriens, refusant de suivre le climat réactionnaire contre les réfugiés et travailleurs syriens. Mais cela ne suffit pas à assurer la sécurité de toutes les personnes du camp et encore moins de tous les réfugiés qui vivent dans la précarité quotidienne.

En effet, ces populations ont été contraintes de fuir la guerre civile syrienne depuis 2011 et de se réfugier dans les pays limitrophes et notamment au Liban. Mais l’Etat libanais a interdit l’installation officielle de camps de réfugiés dès 2011, ce qui les condamne à une précarité constante. Et la politique anti-migratoire s’est durcie en 2014, le gouvernement libanais adoptant un texte qui rendait obligatoire le visa pour passer la frontière : en réalité les frontières sont quasiment fermées depuis 2015 et les Syriens ne bénéficient pas du statut de réfugiés. N’ayant aucun statut, ils ont été soumis à un régime juridique qui réduit leurs droits sous le système de la Kafala, système qui opprime et restreint les droits des étrangers autant que des femmes.

Pour entrer sur le territoire libanais, un Syrien doit alors trouver un mandataire libanais qui se porterait garant d’un contrat auprès des autorités libanaises, lui accordant un titre de séjour en échange de quoi il doit travailler pour son garant, dans des conditions de misère dont profite la bourgeoisie libanaise. Ce mandataire est appelé Kafeel, beaucoup de Syriens ne pouvant pas en trouver vivent dans l’illégalité, et quand ils en ont un ils n’ont pas le droit d’avoir une activité rémunérée autre que le travail pour son garant qui n’est soumis à aucune obligation : dans tous les cas le travailleur étranger est réduit à être mal payé, à travailler dans les secteurs informels illégaux et dangereux où gangrène la violence du système. Cette insécurité est renforcée par le droit de décision unilatérale du Kafeel, sans nécessité légale de s’en justifier, de rompre le contrat, mettant fin automatiquement à l’autorisation de résidence, exposant le migrant à un risque d’expulsion. Le système de Kafala est un système réactionnaire qui réduit les étrangers à des conditions de vie et de travail inhumaines pour le seul profit de la classe dominante.

C’est systématiquement la majorité de la population libanaise et étrangère qui paye la crise, souffrant déjà des infrastructures publiques délabrées, des services d’électricité, d’eau et de gaz totalement insuffisants. Le gouvernement libanais instrumentalise de nouveau cette situation pour discriminer les travailleurs étrangers et ainsi diviser les populations, a fortiori dans le système confessionnel libanais.

Les municipalités libanaises ont disposé de nombreux leviers pour mieux contrôler les populations réfugiées et les réprimer par le déploiement de couvre-feu policiers par exemple. Cette politique autoritaire et répressive, dont le gouvernement de Michel Aoun a fait les preuves durant les dernières mobilisations, est en outre appuyée par l’Etat français.

L’attaque grave du camp de réfugiés syriens est le symptôme d’un climat réactionnaire instauré par le système politique confessionnel de la bourgeoisie libanaise ainsi que par le système juridique de Kafala. Ce n’est ni aux travailleurs libanais ni aux travailleurs étrangers de payer la crise, et il n’y a rien à attendre du prochain gouvernement qui sera nommé par Mustapha Adib car comme le gouvernement de Michel Aoun et Saad Hariri, gouvernement dégagé par les mobilisations massives des travailleurs, il appliquera les réformes néolibérales nécessaires aux profits de la classe dominante libanaise.

La solidarité qui s’est exprimée de la part de la population libanaise avec les réfugiés syriens est un exemple de comment lutter contre ces préjugés et attaques, mais aussi contre les politiques qui préparent leur terrain. La solidarité et la mobilisation des travailleurs et travailleuses libanais aux côtés des réfugiés syriens mais aussi palestiniens serait un point d’appui pour mettre fin aussi bien au système Kafala qu’au régime confessionnel.

 
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