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8 de janvier de 2021 Twitter Faceboock

Grève contre les suppressions d’emplois à Grandpuits : « c’est un nouveau Bridgestone déguisé »
Irène Karalis

En grève reconductible depuis le 4 janvier, les raffineurs de Grandpuits dénoncent « un nouveau Bridgestone » orchestré par Total. A la clé 700 suppressions d’emplois. Une casse sociale qui va avoir des conséquences directes sur toute la Seine-et-Marne et contre laquelle se battent les salariés, qu’il est impératif de soutenir.

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Crédits photo : O Phil des Contrastes

Malgré les déclarations de Total, des suppressions de postes en masse

Contrairement à ce que prétend la direction de Total qui a annoncé qu’il n’y aurait aucun licenciement, ne pouvant se permettre avec leurs 10 milliards de bénéfices sur l’année 2018 et leurs 7 milliards de dividendes sur l’année 2020 d’annoncer des centaines de licenciements face à l’opinion publique, la reconversion de la raffinerie de Grandpuits annoncée par Patrick Pouyanné va bien toucher 200 emplois de chez Total et 500 sous-traitants du site. S’il ne s’agit pas de licenciements secs chez Total, mais plutôt de mutations forcées ou de non renouvellement des contrats en CDD, cela signifie, pour les salariés une véritable casse sociale. Pour ceux à qui on demande d’aller travailler ailleurs, cela signifie de s’arracher de leur famille, la direction leur proposant d’aller travailler par exemple à Donges ou en Normandie, soit à plusieurs heures de route. Et ceux qui refuseraient d’être mutés seront sans doute mis « au placard », c’est-à-dire qu’ils continueront à aller travailler mais se retrouveront sans mission, sans tâches déterminées à effectuer, dans des emplois en deça de leurs qualifications avec des acquis à la baisse, avec pour conséquences une démoralisation, dans le but de les pousser à partir. Paul Feltmann, raffineur et délégué CGT, dénonce les conséquences psychosociales que pourrait avoir le PSE imposé par Total : « on a 11% de la plateforme qui était déjà en risques psycho-sociaux avant le PSE, donc là on sait qu’on va avoir une explosion des cas de gens qui vont être dépressifs, qui vont plus avoir envie de travailler ».

Pour les sous-traitants, nombreux sur le site, l’alternative est encore plus dure : mutation ou licenciement. Pendant la conférence de presse de ce jeudi, Florian Bourget, syndiqué FO, raconte : « un sous-traitant m’a dit que sa boîte lui avait proposé un poste à Lyon et que s’il n’acceptait pas il serait licencié ». La sous-traitante Clemessy aurait d’ailleurs déjà muté beaucoup d’entre eux sous prétexte qu’il n’y avait plus de travail. Pour ces travailleurs souvent immigrés, il est beaucoup plus difficile de se syndiquer, de se mobiliser et de se mettre en grève, car cela signifierait se faire licencier directement. Une technique habile de la part de Total, qui, en mettant en place jusqu’à parfois quatre niveaux de sous-traitance, se dédouane de toute responsabilité quant à l’emploi et à la sécurité des travailleurs sous-traitants tout en divisant les salariés du site. Les sous-traitants sont d’ailleurs traités bien différents des salariés employés directement par Total, étant souvent réprimés rien que pour le fait de parler ou fumer avec eux.

Pour les CDD, eux employés directement par Total, les perspectives sont à peu près les mêmes : ils n’ont aucune garantie d’être repris, et beaucoup d’entre eux se doutent que leur emploi ne sera pas reconduit. Souvent jeunes, ces travailleurs aux contrats courts et précaires ne peuvent souvent pas se permettre de faire grève non plus. Adrien Cornet, raffineur et délégué CGT, dénonce par ailleurs l’hypocrisie de Pouyanné, qui s’est fendu d’un tweet affirmant qu’il soutenait « l’appel pour l’emploi des jeunes » : « 700 emplois supprimés à Grandpuits, autant dans les sièges sociaux, plus de 4000 emplois dans la filière du caoutchouc : c’est comme ça qu’il pense l’emploi des jeunes ? »

Une catastrophe pour le département de Seine-et-Marne

En effet, la raffinerie de Grandpuits est une des plus grosses activités dans la région, et constitue un des seuls moyens pour les jeunes de trouver un boulot dans la région qui soit stable et avec une rémunération supérieure au SMIC. Fermer la raffinerie de Grandpuits, c’est donc condamner ces centaines de jeunes au chômage et faire d’eux les sacrifiés de la crise, contrairement à ce que prétend le patron de Total.

Comme le rappelle Marc, chauffeur de camion et délégué CFDT, le PSE que veut imposer Total va avoir des conséquences dramatiques pour la région de Seine-et-Marne s’il venait à passer : « c’est quand même plusieurs centaines de salariés et de familles qui vont être impactés directement ». « Ça va être un drame humain pour la région de Seine-et-Marne qui n’est pas un bassin d’emplois, ça va générer des conflits dans les familles, des problèmes terribles ». Selon des experts, chaque poste Total induirait en effet entre 5 et 7 emplois directs et indirects. Si la raffinerie de Grandpuits, ce sont des dizaines de boulangeries, d’écoles, de restaurants, de bars, de cafés et de magasins alimentaires qui risquent de fermer.

« C’est une vraie casse de l’emploi pour les salariés de Total, pour les entreprises extérieures et pour le bassin seine-et-marnais », résume Florian Bourget. À l’Assemblée Générale de ce jeudi, Adrien rappelle ainsi aux grévistes : « les travailleurs de Grandpuits ont besoin de vous, les sous-traitants ont besoin de vous, la Seine-et-Marne a besoin de vous » ; et ce avant de conclure sur une note de détermination, affirmant qu’« il n’y aura pas une seule suppression d’emploi, sous-traitants compris ».

Empêcher un nouveau Bridgestone

De fait, les salariés de Grandpuits sont bien déterminés à empêcher cette casse sociale d’advenir. Et pour cause : ils se rappellent des conséquences qu’ont pu avoir de tels plans par le passé. « Dunkerque, qui est la première raffinerie de Total à avoir fermé, c’est 2 suicides et 95 suicides », rappelle Paul.

Plus récemment, c’est la fermeture de l’usine de Bridgestone qui donne un aperçu de ce que pourrait donner celle de la raffinerie de Grandpuits. Ce fabricant de pneus, numéro un de son secteur qui a fait 27 milliards de chiffre d’affaires l’année dernière, avait annoncé la fermeture du site de Béthune, laissant sur le carreau 863 salariés. Mais comme le rappelait Christophe, militant Solidaires, « une usine qui ferme c’est jamais bien bon, parce que ça va entraîner des pertes d’emploi, ça va entraîner, par un tsunami de fermetures d’autres emplois, ça va fermer peut-être des commerces, des services publics, c’est une suite sans fin. Des régions comme le Nord vont être sacrifiées pour des profits, pour le fric. » Jean-Luc Ruckebush, délégué CGT, rappelait d’ailleurs dans La Dépêche à propos de Bridgestone : “Ça fait 5000 familles qui vont être impactées ». Et c’est bien un nouveau drame comme celui de Bridgestone que les salariés de Grandpuits comptent bien empêcher, Adrien Cornet dénonçant ainsi “un nouveau Bridgestone déguisé”.

Après la casse sociale à Bridgestone et une certaine atonie dans le mouvement ouvrier face au déferlement de licenciements depuis le début de la crise sanitaire qui ne va faire que s’accélérer, il est urgent d’adopter un véritable plan de bataille et de se battre pour empêcher la catastrophe sociale que nous préparent le gouvernement et le patronat. En ce sens, le combat des raffineurs de Grandpuits peut faire tâche d’huile et doit devenir un exemple pour l’ensemble de la classe ouvrière. Leur détermination, à l’image de celle d’Adrien qui déclarait à l’Assemblée Générale “on ne laissera pas marcher sur les pieds”, doit “donner du courage toute la classe ouvrière qui subit des plans sociaux, des APC”. Alors qu’en face, ils sont bien déterminés à faire payer la crise aux travailleurs, il va falloir organiser la riposte.

 
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