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10 de février de 2021 Twitter Faceboock

Reverdir son quinquennat
Convention climat. Macron sacrifie l’écologie aux profits des grands industriels
Lili Krib

Alors que Macron se félicite de sa politique environnementale, les propositions des 150 de la convention climat ont été réduites à peau de chagrin dans le projet de loi Climat, qui sera examiné mercredi 10 février au conseil des ministres.

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THIBAULT CAMUS / AFP

En avril 2019, à l’issue du Grand débat national, mis en place pour répondre au mouvement des Gilets Jaunes, Macron annonçait l’instauration d’une convention citoyenne pour le climat. Cette dernière composée de 150 membres tirés au sort devait « définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) dans un esprit de justice sociale ». D’octobre 2019 à juin 2020, « les 150 » ont élaboré 149 propositions répondant aux cinq thèmes suivants : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger et se nourrir. Après avoir promis en avril 2019 que « ce qui sortirait de cette convention, je m’y engage, serait soumis sans filtre soit au vote du Parlement soit à un référendum soit à application réglementaire directe », le président de la République a annoncé en juin 2020 : « je vous confirme […] que j’irai jusqu’au bout de ce contrat moral qui nous lie en transmettant effectivement la totalité de vos propositions à l’exception de trois d’entre elle, les trois jokers dont nous avions parlé en janvier ».

Les trois propositions rejetées dans un premier temps étaient les suivantes : la taxe de 4% sur les dividendes, la réécriture du préambule de la Constitution - pour y introduire le crime d’écocide - et la limitation à 110km/h sur l’autoroute. Or le projet de loi rédigé à partir des 146 propositions retenues, qui sera présenté au conseil des ministres ce mercredi 10 février puis examiné au Parlement, a vu à nouveau nombre de ses propositions repoussées à une autre échéance voire supprimées.
A l’image de l’annonce, le 7 février dernier, par le chef d’État d’une baisse des émissions de gaz à effet de serre de -1,7% en France en 2019 - un chiffre présenté comme historique et en réalité comme le rappelle Action Climat Paris largement « en dessous de l’objectif initial de 2,3% que [Macron avait] modifié début 2020 pour [s’]autoriser à émettre plus de gaz à effet de serre que prévu », il faut voir dans cette nouvelle Loi Climat, que l’exécutif revendique avec fracas, un nouvel effet d’annonce bien loin de répondre à l’urgence climatique.

Pour protéger les profits face à la convention climat : lobbying et union du grand patronat

En juin 2020, suite à la publication de la conclusion de la convention citoyenne pour le climat, les industries automobiles, aéronautiques, agrochimiques et publicitaires, voyant leurs intérêts économiques mis à mal, ont uni leurs forces pour saboter les propositions des « 150 ». Tantôt criant à l’agri-bashing, l’auto-bashing ou encore l’aviation-bashing, tantôt instrumentalisant la crise sanitaire et décrédibilisant les participants de la convention, les défenseurs du grand patronat n’ont eu de cesse d’attaquer le projet déposé. Selon le rapport « Lobbys contre citoyens. Qui veut la peau de la convention climat ? » de l’Observatoire des multinationales datant du 8 février, cette offensive s’est développée notamment dans des médias tels que Les Échos, le Figaro, L’Opinion, Le Point, ou encore CNEWS, qui « accordent une place disproportionnée aux critiques les plus féroces de la convention, et mettent en scène des débats pseudo-contradictoires où les citoyens et leurs soutiens sont sous-représentés ou carrément absents », et où l’« on retrouve […] chez les défenseurs de l’industrie la stratégie discursive privilégiée par les éditorialistes d’extrême-droite consistant à se présenter eux-mêmes comme des victimes (de « bashing ») pour mieux redoubler de violence dans leurs propos ».

Les principaux piliers sur lesquels repose la campagne de décrédibilisation des « 150 » par les lobbys pro-industriels sont d’une part la critique d’une politique écologique qualifiée de « punitive et liberticide » qui serait contre le progrès, et d’autre part, l’instrumentalisation de la crise sanitaire et de la questions des « petits », travailleurs et consommateurs. Les plus riches et leurs grandes entreprises, au regard de l’impossible cohabitation entre une logique d’augmentation perpétuelle et à n’importe quel prix des profits et la transition écologique, ont fustigé les mesures de la convention climat. Un argument d’opposition récurrent est le supposé refus total d’innovation de la part des écologistes, repris notamment dans le cadre de la convention avec la demande d’un moratoire sur la 5G. À ce sujet, on peut citer Macron, qui ironisait en septembre dernier : « On peut se demander si la France serait plus prospère si on avait fait de telles injonctions à Marie Curie ou à Louis Pasteur en leur demandant d’aller cultiver des tomates bio ».

Autre moyen pour discréditer les citoyens : défendre les petits consommateurs face à la hausse des prix, et parler du risque de perte d’emplois face à l’imposition d’une transition écologique des entreprises. Un discours plus qu’hypocrite quand on sait que c’est dans ces mêmes industries que se multiplient en ce moment les plans de suppression d’emploi, comme à la raffinerie de Grandpuits où Total menace de supprimer 700 emplois sous couvert de greenwashing. Enfin, les lobbys ont aussi profité de la situation de la crise économique actuelle pour permettre le retrait d’un maximum de mesures du projet de loi. Cet argumentaire est repris par exemple par des « associations « de base » créées de toutes pièces ou entretenant la confusion entre défense des consommateurs et défense des industriels » développe le rapport de l’Obervatoire des multinationales, comme 40 millions d’automobilistes qui affirme qu’ « une nouvelle taxe sur les véhicules, dans ce contexte économique et sanitaire très préoccupant, serait une catastrophe pour le secteur automobile et l’industrie française tout entière ».

Les grands groupes privés exercent aussi leur influence contre la convention climat en finançant des think tank auxquels ils confient la mission d’évaluer les propositions des « 150 ». « Offrant une apparence d’objectivité quasi-scientifique » ces « laboratoires d’idées » privés, aptes à soumettre des propositions aux pouvoirs publics et bénéficiant de subventions étatiques regroupent des experts qui sont en réalité, comme le souligne le rapport de l’Observatoire des multinationales, étroitement liés voire collaborateurs des lobbys les recrutant.

L’État, réel premier opposant aux « 150 »

Enfin, le simulacre d’une prise en compte réelle de la question de l’urgence climatique suite aux mobilisations massives de la jeunesse mais aussi pour tenter de gagner l’électorat vert, dont le poids est devenu préoccupant pour LREM lors des dernières élections, est tel que le gouvernement mène lui-même une offensive contre les « 150 », main dans la main avec le grand patronat. C’est ainsi que le ministre délégué aux Transport, Jean-Baptiste Djebbari, appuyait en septembre dernier sur LCI : « À un moment où il y a un mouvement anti-avion, vous avez la réponse d’Airbus qui invente l’avion à hydrogène. Je crois que c’est la meilleure réponse à l’aviation bashing qu’on a observé maintenant depuis plusieurs mois », défendant le greenwashing des grandes entreprises. On peut encore citer en décembre dernier sur France Inter le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, déclarant : « Je refuse de détruire des pans entiers de l’agriculture au nom de l’écologie de l’injonction si cela nous amène à remplacer notre production par des produits arrivant de pays dont les normes environnementales sont bien moindres ». À ces prises de positions claires de divers ministères contre les propositions de la convention climat, s’ajoutent les multiples études d’impact qui « masquent mal la complaisance de l’État à l’égard des intérêts industriels qu’il est pourtant censé réguler »comme l’ explique Bastamag.

Prétextant enfin agir pour une transition écologique conséquente par la mise en place en avril 2019 de la convention citoyenne pour le climat, Macron fait encore une fois la preuve de l’inconsistance de sa politique écologique. Au contraire, « l’entre-soi entre les industriels et les responsables politiques et administratifs chargés de les réguler » décrit par l’Observatoire des multinationale n’est que renforcé par le projet de loi climat. Une fois encore, le caractère anti-démocratique des institutions et leurs promesses réformatrices semant l’illusion d’une politique écologique à la hauteur de l’urgence climatique pour calmer et contenir la colère a démontré l’imposture du gouvernement. En ce sens lutter contre le réchauffement climatique ne pourra se faire avec l’aide d’un gouvernement qui défend les intérêts du grand patronat et des multinationales. Le climat ne s’autodétruit pas, il y a des responsables qui le détruisent sciemment.

Notre rôle en tant que révolutionnaires, est d’empêcher cette cooptation des mouvements écologiques par les gouvernements, et en lien avec le mouvement ouvrier, de tirer les leçons de ces dernières années pour donner des perspectives véritablement convaincantes sur le terrain de la lutte des classes aux aspirations écologiques. Comme la crise écologique ne s’arrête pas aux frontières de la France, la lutte ne doit pas l’être non plus. L’internationalisme et la solidarité internationale est nécessaire pour vaincre la catastrophe engendrée par le capitalisme.

 
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